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études-coloniales
8 février 2013

propagande en 3 D, "Je vous ai compris"...

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un film "graphique" bourré d'anachronismes

et d'erreurs sur le FLN et l'OAS

général Maurice FAIVRE

 

Le film de Jean Chiche Je vous ai compris a été diffusé par ARTE le 1er février à 22h.10. Il présente quelques jeunes garçons et filles qui au moment du putsch choisissent des voies différentes : OAS, FLN, gaullistes.

C'est une fiction fondée sur un moment historique (sic). Seuls sont historiques les discours du général de Gaulle. Je suis surpris que Georges Fleury ait donné sa caution à ce film ; il est pour moi un mémorialiste très bavard et non un historien rigoureux.

L'histoire présentée au moment du putsch présente des anachronismes :

- les poseuses de bombes ont été actives en 1957 et non en 1961, elles ne circulaient pas en voiture dans Alger ;
- l'opération Résurrection d'intervention parachutiste en métropole se situe en 1958 ;
- l'OAS est un mouvement subversif qui ne se déplace pas en camion avec des panneaux d'identification ;
- les militants de l'OAS ne pratiquaient pas le viol ;
- la valise ou le cercueil était un mot d'ordre du FLN et non de l'OAS ;
- ni Challe ni Salan n'étaient des fascistes ;
- les colons n'étaient tous des exploiteurs du burnous ;
- les Kabyles n'étaient pas des Arabes.

Enfin le film est présenté comme "graphique". En effet les personnages ressemblent à des dessins de BD, ils n'ont aucune consistance psychologique. Ce sont de ridicules marionnettes, manipulées par le cinéaste.
ARTE reste ainsi fidèle à sa tradition de propagande nationaliste (FLN).
général Maurice Faivre
 
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25 avril 2013

un livre publié chez La Découverte

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un livre publié chez La Découverte

 Histoire de l’Algérie à la période coloniale

Daniel LEFEUVRE

 

Publié sous la direction d’A. Bouchène, de J.-P. Peyroulou, d’O. S. Tengour et de S. Thénault (La Découverte-Barzakh, 2012), ce gros ouvrage (717 pages) ambitionne de présenter «une vaste fresque synthétique» de l’histoire de l’Algérie, de 1830 à 1962, «rendant compte notamment des travaux les plus récents». Pour y parvenir, 81 auteurs ont été mis à contribution. 

Le pari a-t-il été réussi ? De façon brutale, la réponse est «non» !

Cet échec relève d’abord de la conception même de l’ouvrage : plus qu’une vaste fresque, on a affaire à un patchwork de communications (99 auxquelles il faut ajouter une post-face signée de T. Khalfounet et G. Meynier), de longueurs inégales, souvent superficielles, peu et mal reliées entre elles par un découpage en quatre grandes séquences chronologiques : 1830-1880, la prise de possession du pays ; 1881-1918, deux Algérie ; 1919-1944, à l’heure des initiatives algériennes ; 1945-1962, vers l’indépendance…

Certes, le lecteur glanera, au fil des pages, d’intéressantes mises au point. Mais comment prétendre faire œuvre de référence lorsque sont passés sous silence des épisodes sans doute jugés «incorrects» par rapport à la doxa qui domine l’ouvrage, dont l’expression, incessamment reprise de «guerre d’indépendance algérienne» - formule téléologique préférée à guerre d’Algérie - est le reflet ?

De très nombreuses contributions multiplient les contre-vérités. On n'en trouvera, ci-dessous, que quelques exemples, parmi beaucoup d’autres.

Contrairement à l’affirmation de Mme Tengour, ce n’est pas en réponse à l’attentat de la rue de Thèbes (10 août 1956), perpétré par des contre-terroristes, que le FLN s’engage à son tour dans la voie du terrorisme urbain. La décision a été prise antérieurement, comme le note G. Meynier, dans son Histoire intérieure du FLN (Fayard, 2002, p. 322) «le terrorisme urbain algérien se manifesta dès 1955». Mme Tengour connaît évidemment le livre de G. Meynier. Pourquoi, dès lors, se complaire dans le mensonge, sinon pour dédouaner le FLN de ses responsabilités ?

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Il est inexact de présenter le pétrole saharien comme la solution à la dépendance énergétique de la France et comme le facteur de prolongation de la guerre. L’auteur aurait trouvé des arguments contredisant sa thèse dans le témoignage de Roger Goetze et dans mes propres travaux, qu’il préfère passer sous silence.

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J.-P. Peyroulou ignore, dans son texte sur le  8 mai 1945, l’ouvrage de Roger Vétillard (Sétif, mai 1945, Massacres en Algérie, Ed. Riveneuve), incontestablement la meilleure mise au point sur les origines, le déroulement et le bilan du soulèvement de Sétif.

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Comment peut-on évoquer la manifestation du 17 octobre, sans mentionner le travail essentiel de J.-P. Brunet, comme le fait Jim House, ou prétendre que la répression de cette manifestation «provoqua la mort de plusieurs centaines d’innocents» comme ne craint pas de l’affirmer Linda Amiri qui, elle aussi, omet de citer Brunet ?

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Comment écrire l’histoire de la guerre d’Algérie sans faire mention de l’enlèvement par le FLN et la disparition de centaines de Français, avant et après le 19 mars 1962, qui a donné au conflit la dimension d’une guerre d’épuration ethnique ? L’ouvrage de Jean-Jacques Jordi, Un silence d’État, éd. Soteca, 2011, n’est même pas signalé...!

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Compte tenu de l’orientation idéologique d’ensemble de ce livre, il n’est guère étonnant que la colonisation ne soit présentée qu’à travers ses aspects les plus sombres, souvent noircis de surcroît, et qu’aucun état des lieux de l’Algérie ne soit établi, sans doute pour ne pas suggérer que la présence française ait pu avoir, aussi, des côtés positifs.

 

Daniel Lefeuvre
Professeur d’histoire contemporaine, Université Paris 8 Saint-Denis.

 

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Sylvie Thénault                                                   Jean-Pierre Peyroulou

 

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Abderrahmane Bouchène                                 Ouanassa Siari Tengour
   

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26 avril 2013

le site Guerres et conflits (Rémy Porte)

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capture d'écran en date du 2 février 2013

 

le site "Guerres et conflits (XIXe - XXe siècle)"

laboratoire d'informations et de réflexions

 

Guerres et conflits XIXe-XXIe s." se fixe pour objectif d’être à la fois (sans prétendre à une exhaustivité matériellement impossible) un carrefour, un miroir, un espace de discussions. Sans être jamais esclave de la «dictature des commémorations», nous nous efforcerons de traiter le plus largement possible de toutes les campagnes, de tous les théâtres, souvent dans une perspective comparatiste. C’est donc à une approche globale de l’histoire militaire que nous vous invitons.

- le site Guerres et conflits (XIXe - XXe siècle)

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Ce site est animé par le colonel Rémy Porte, officier d'active à la carrière très diversifiée, il sert dans les années 2000 au Service Historique de la Défense à Vincennes. Il est diplômé en Science politique, titulaire d'un DEA de droit international et, depuis 2004, docteur en histoire, et habilité à diriger des recherches. Il est membre du Conseil scientifique de la Fondation pour la Mémoire de la guerre d'Algérie et des combats du Maroc et de Tunisie. Auteur de plusieurs ouvrages (et directions d'ouvrages) à la rigueur scientifique irréprochable.

Il aborde souvent les questions de l'espace colonial.

 

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guerres et conflits au XXe siècle : mur de l'Atlantique

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guerres et conflits au XXe siècle

 

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un livre de Rémy Porte

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Rémy Porte en 2012


- le site Guerres et conflits (XIXe - XXe siècle)

 

capture d'écran Guerres

 

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15 août 2013

film "Je vous ai compris", Georges Fleury

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une diffusion internationale

Georges FLEURY

 

Bonjour, je ne tiens pas à revenir [voir ici] sur la critique acide du général Faivre concernant le film Je vous ai compris auquel j'ai participé en tant que coauteur et co-scénariste. Même à ma proche entrée dans ma 75e année, je considère toujours qu'on dort très mal sur le matelas du passé ! Que seul, l'avenir est porteur d'espoir, puisque, au passé, on ne peut plus rien changer, sinon avec d'inutiles "on aurait pu" ou "on aurait dû" ou encore des nuées de "si"...!

Après les deux premières diffusion sur Arte en France, en Suisse alémanique et en Belgique, du film dont je parle, sont nés un DVD, une version plus historique destinée aux lecteurs de tablettes. Puis la version papier paraîtra le 28 août prochain chez Casterman.

Et, grâce aux relais de TV5 Pacifique et TV5 Asie, le film lui-même sera diffusé le 18 septembre en Asie puis le 25 du même mois en Inde. À ces fins, Je vous ai compris a été sous-titré en anglais, français, japonais , vietnamien, chinois et coréen.

TV5 Monde Asie et Pacifique est accessible à 42 millions de foyers en Inde, au Vietnam, au Japon à Hong Kong, à Singapour, au Népal, au Kazakstan, en Papouasie, en Mongolie etc...

Si je me permets de vous adresser ce message, c'est parce-que j'estime sincèrement que votre site ne manque jamais de courage. Dans la vie, il faut savoir cueillir par-ci par-là des petits bonheurs qu'on ne peut se retenir de partager. Je vous ai compris est pour moi de ceux-là.

Comme l'est également la récente et inattendue impression en Algérie - sans aucune censure, je l'ai contrôlé ! - d'un de mes livres publié chez Perrin Comment l'Algérie devint française (1830-1848) par un éditeur de Béjaia !

Cordialement vôtre.

Georges Fleury

 

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29 avril 2013

prix d'Histoire pour : "19 mars 1962 ? Waterloo !" de Michel Delenclos

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Salon National d'Antibes des Artistes et Écrivains

prix d'Histoire attribué à Michel Delenclos

 

Le 26 avril 2013, au Fort Carré à Antibes, était inauguré le salon des artistes et écrivains sous la présidence de Jean Cépi. Après l'inauguration par le maire d'Antibes et député des Alpes-Maritimes, Jean Léonetti, accompagné du député Lionel Luca, ce premier jour a été l'occasion de la remise des prix.

Le prix d'Histoire a été attribué à Michel Delenclos, pour son ouvrage 19 mars 1962 ? Waterloo ! (*). Ce livre consacré au soi-disant "cessez-le-feu" en Algérie, met en exergue les processus utilisés relatifs aux référendums, tout comme celui de l'autodétermination.

Il met également en lumière l'abandon par la France de ses prisonniers civils et militaires et des disparus. Enfin, et surtout, il souligne qu'au-delà de ce qui aurait dû mettre un terme à la guerre d'Algérie, les enlèvements, assassinats et massacres de civils et de militaires se sont poursuivis durant deux années.

L'auteur tient ici à remercier particulièrement l'historien militaire, le général Maurice Faivre qui a été à la fois l'expert, le parrain et le préfacier.

(*) Source: Nice-Matin du 27.04.2013.

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Éditions l'Harmattan

 

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3 novembre 2013

HUỲNH KHƯƠNG AN dit LUISNE (1912-1942)

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un hommage a été rendu à

HUỲNH KHƯƠNG AN dit LUISNE

7 avril 1912  -  22 octobre 1941

 

Huynh-Khuong An, dit Luisne est né en 1912 à Saïgon (Indochine française).

Ainsi que le précise Emmanuel Dang Tran, lors de l'hommage : "Il avait une spécificité, celle d’être Vietnamien, Indochinois comme on disait alors improprement, Annamite comme il est écrit, également improprement, sur cette plaque même. (...) Il avait été envoyé tôt poursuivre ses études en France, jeune mais déjà imprégné par sa famille du sentiment patriotique et anticolonialiste".

Secrétaire de l’Union des étudiants communistes (UEC) à Lyon en 1936, il devient professeur de Lettres à Paris et au lycée de Versailles. Il est un militant communiste très actif.

Selon Võ Thành Thọ JJR 68, Huyn-Khuon An "était le fils du directeur d’un établissement scolaire à Saïgon, le professeur Huỳnh Khương Ninh. An est venu à Lyon pour poursuivre ses études. Il y a connu Germaine Barjon qui est devenue sa compagne et avec laquelle il a eu un enfant. En 1938, il prépare l'agrégation et en 1940, il est nommé professeur stagiaire au lycée de Versailles".

Selon le Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier, dit le Maitron : "À la déclaration de guerre, il participa à la vie clandestine du Parti communiste. De son côté, pour les Amis de l'Union soviétique, Germaine Barjon [la compagne de Huyn] rétablit les liens entre Paris et la province. Huynh Khuong An qui écoutait Radio-Moscou fournissait à Germaine Barjon des éléments permettant la parution illégale de Russie d'aujourd'hui, l'organe des Amis de l'Union soviétique. En 1940 il obtint un poste de professeur stagiaire au lycée de Versailles".

Russie d'aujourd'hui 1938

 

Russie d'aujourd'hui 1939

 

Arrêté le 18 juin 1941 pour participation à la reconstitution du Parti Communiste dissout par le gouvernement français en 1939.

Arrêté par mesure de sûreté puis livré aux Allemands, il fut interné comme otage au camp Choisel à Châteaubriant (Loire-Atlantique)

Fusillé par les Allemands le 22 octobre 1941 ainsi que 26 de ses camarades communistes internés dont Guy Môquet au titre de représailles contre l’attentat du lieutenant colonel Karl Hotz abattu le 20 octobre 1941 par la Résistance. Il avait 29 ans.

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L'hommage a eu lieu le samedi 26 octobre 2013 à 14 h au cimetière du Père Lachaise, 97ème section, monument érigé à la mémoire des martyrs de Chateaubriand.

 

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témoignage de Pierre Brocheux

Le père de Huynh Khuong An, avait ouvert et dirigeait une école privée situé rue d'Ariès, baptisée Huynh Khuong Ninh après l'indépendance, dans le quartier de Dakao.
L'école était située à proximité du cimetière principal de Saïgon, rasée après 1980 pour faire place à un parc municipal accolé à une base de télécommunications.
Dans la même rue, habitait une famille où, en 1958, séjourna Lê Zuân, secrétaire général du parti communiste, venu clandestinement et brièvement se rendre compte de la situation au sud Vietnam, avant de relancer la lutte armée.
Mes grands-parents maternels puis mes parents étaient domiciliés dans cette rue jusqu'en 1970.

P-S : sans vouloir faire le pion, je fais remarquer que les mots indochinois et annamite sont les termes de l'époque ; ils étaient utilisés par les Vietnamiens eux mêmes, réformistes, communistes, indépendantistes confondus.
Lorsque l'empereur Gia Long réunifia la royaume du Dai Viêt en 1802, il l'appela Viêt Nam.
Pour des raisons politiques évidentes, les conquérants français tronçonnèrent le royaume en trois pays avec des régimes administratifs différents : Cochinchine, Annam, Tonkin.
Vietnam ne fut pas une appellation interdite (contrairement à ce qu'écrivent certains ignorants), mais il n'était pas d'usage surtout officiellement, Pendant la Seconde Guerre mondiale, il réapparut fréquemment d'autant que l'amiral-gouverneur général vichyste Jean Decoux donna son aval à l'usage du terme. (je me permets de vous renvoyer à mon dernier livre: "Viet Nam. la nation résiliente").

 

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le Saïgon qu'a peut-être connu Hyun An dans son enfance ;

cartes postales anciennes antérieures à la Premère Guerre mondiale

Saïgon pont messageries

 

Saïgon cpa 8 juin 1913

 

Saïgon palais Gouv

 

Saïgon rivière

 

Saïgon rue Catinat

 

JSaïgon Jardin botanique

 

 

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5 novembre 2013

Daniel Lefeuvre (1951-2013)

Daniel 2007Daniel Lefeuvre en 2007, dans sa maison de la Creuse (photo M.R.)

 

la disparition de l'historien Daniel Lefeuvre

spécialiste de l'Algérie coloniale

 biographie - iconographie - hommage - réactions

 

I - Décès de Daniel Lefeuvre

Daniel Lefeuvre, historien de l'Algérie Coloniale, est mort le lundi 4 novembre 2013 à 23 heures dans une chambre de l'hôpital Saint-Louis à Paris. À l'âge de 62 ans. Prennent ainsi fin trois années d'une maladie dévastatrice dont il savait l'issue inéluctable. Et pourtant, jamais, il n'a renoncé, supportant courageusement tous les traitements sévères prescrits par le médecin très compétent et très attentionné qui s'occupait de lui.

Jamais il n'a renoncé à préserver les siens, son épouse et ses deux fils, ses proches et tous ceux qu'il côtoyait, des douleurs qu'il endurait. Il a gardé, jusqu'au bout, une belle allure et l'envie de chercher, d'écrire, de combattre et d'aider les jeunes chercheurs.

Jamais Daniel n'a abdiqué. Il a toujours répondu aux sollicitations de conférences, de débats, de publications, de projets, de responsabilités. Dernièrement, en juin 2013, il était devenu président du Conseil scientifique de la Fondation pour la mémoire de la guerre d'Algérie, des combats du Maroc et de Tunisie. Il avait été élu, l'année dernière, membre de l'Académie des Sciences d'Outre-mer.

La douleur, la peine, le chagrin de sa famille, de ses amis, de ses collègues, de ses nombreuses connaissances, sont immenses. Chacun perçoit l'injustice devant le départ prématuré d'un homme si plein d'humanité, de gentillesse, d'humour, de dévouement et d'abnégation.

Je connaissais Daniel depuis près de quarante ans. On me pardonnera cette incursion personnelle. Nous avons partagé tant de moments et de défis intellectuels, professionnels et personnels. Témoin de mariage, parrain de mon deuxième fils aujourd'hui âgé de 9 ans.
Cheminement parallèle dans la rédaction de nos mémoires de maîtrises (Daniel, avec Jean Bouvier) et de DEA, préparation des concours, réussite au Capes. Nos parcours universitaires ont, par la suite, divergé. Daniel a mené, sans se laisser distraire, les recherches minutieuses qui l'ont conduit à sa thèse de doctorat, sous la direction de Jacques Marseille (décédé lui aussi prématurément le 4 mars 2010), L'industrialisation de l'Algérie (1930-1962), soutenue en 1994.

 

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Devenu, en 1994, maître de conférence à l'université Saint-Denis/Paris VIII, à laquelle il est resté fidèle, il passe son H.D.R. (habilitation à diriger des recherches), en salle Duroselle à la Sorbonne, le 18 décembre 2001. Le jury est composé de Jacques Marseille, de Daniel Rivet, de Jacques Frémeaux, de Marc Michel, de Benjamin Stora et de Michel Margairaz.

À la fin des années 1990, il s'implique dans la relance de la Revue Française d'Histoire d'Outre-mer, avec la connivence de Pierre Brocheux.

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Accédant au rang de professeur des universités en 2002, il anime des séminaires sur l'histoire coloniale, il devient même, un moment, directeur du Département d'Histoire à Paris VIII.
Daniel prend des initiatives - auxquelles il m'associe souvent - comme ces sessions de formation à l'histoire de l'islam et de la laïcité. Il dirige le travail de nombreux étudiants en les incitant toujours à la rigueur du chercheur. Daniel Lefeuvre a été un infatigable prescripteur de recherches en archives dont il connaissait de très nombreux centres.

En 2006, nous fondons avec Daniel Lefeuvre, Marc Michel et moi-même, l'association Études Coloniales. Puis le blog homonyme, espace hybride entre la revue et le magazine, lieu d'informations, de contacts et de confrontations, ressource à laquelle ont puisé des chercheurs de dizaines de pays à travers le monde.

Tout en poursuivant inlassablement ses propres recherches dans de multiples dépôts d'archives - dont de nombreux résultats, hélas, ne donneront pas lieu à des publications scientifiques -, Daniel publie le retentissant Pour en finir avec la repentance coloniale (Flammarion, 2006).
 

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Les controverses sur cet ouvrage n'ont pas toujours été honnêtes. On trouvera sur ce blog les échanges polémiques de Daniel Lefeuvre avec quelques-uns de ses contradicteurs. En d'autres occasions, il a pu s'exprimer sereinement et infliger une leçon de rigueur historique à l'ancien ministre Jack Lang.
http://www.dailymotion.com/video/xi5ds_chez-f-o-g-jack-lang_news

2006 chez FOG

 

En 2008, nous écrivons ensemble Faut-il avoir honte de l'identité nationale ? (Larousse) pour montrer à tous les détracteurs ingorants du passé intellectuel de notre pays, que l'essentiel de l'historiographie française - à commencer par les plus grands (Michelet, Lavisse, Seignobos, Mathiez, Bainville, Marc Bloch, Braudel, Duby, Mandrou, Girardet, Chaunu, Agulhon, Zeldin, Colette Beaune, Nora, Burguière, etc.) - parlait de l'identité française sans xénophobie, sans collusions barrésiennes ni maurassiennes.
Reçus par un ministre, à Paris, en avril 2009 pour évoquer les idées de cet ouvrage, nous sortons sans trop d'illusions.
Daniel venait d'acheter L'Identité malheureuse de Finkielkraut qu'il comptait lire lors du prochain séjour projeté dans sa chère maison creusoise. Il s'apercevait que nous en avions déjà beaucoup dit sur le sujet.

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Sorbonne 9 avril 2009à Paris, sortant d'un ministère, dans la cour de la Sorbonne, le 9 avril 2009

 

En 2008, également, il organise avec le professeur Olivier Dard, à l'université de Metz, un colloque international intitulé L'Europe face à son passé colonial.
Daniel Lefeuvre termine sa propre communication par les propos suivants : "C'est pourquoi on peut gager que le passé colonial ne disparaîtra pas prochainement de l'actualité française. Mais, dans ces conditions, il revient aux historiens de s'arc-bouter sur les principes et les pratiques consacrés de leur discipline, afin qu'un savoir frelaté ne se substitue pas aux connaissances accumulées depuis plusieurs décennies et que de nombreuses nouvelles recherches savantes ne cessent d'enrichir. C'est, en tant que tel, leur seul devoir civique" (éd. Riveneuve éditions, 2008, p. 377).

 

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En 2009, il est associé au projet de déménagement des Archives nationales quittant ainsi le centre de la capitale. Il participe à la pose de la première pierre avec Isabelle de Neuschwander, conservateur du patrimoine, chargée du projet de nouveau centre à Pierrrefitte-sur-Seine.

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du nouveau Centre des Archives nationales à Peyrefitte

 

En 2010, il collabore au colloque organisé par Serge Cantin et Olivier Bédard, L'histoire nationale en débat. Regards croisés sur la France et le Québec, publié par Riveneuve éditions.

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En 2004, je découvre aux Archives d'Outre-mer le dossier racontant l'histoire de l'édification de la kouba de Nogent-Sur-Marne, dédiée aux combattants musulmans décédés en métropole (1919), mais entièrement disparue depuis. Il nous apparaît, à Daniel et à moi que ce témoignage d'histoire et de mémoire méritait d'être relevé.
Après plusieurs années de démarches après des ministères, des organismes d'anciens combattants, des communes et départements - combats politiques, financiers et épistolaires menés avec persévérance par Daniel -, le projet voit le jour. La kouba est reconstruite et inaugurée le 28 avril 2011.

kouba 28 avril 2011inauguration de la kouba du cimetière de Nogent-sur-Marne reconstruite

 

En 2013, Riveneuve éditions publie les actes du colloque organisé par Daniel, Jean Fremigacci, spécialiste de l'histoire malgache et Marc Michel, africaniste, tous trois amis de longue date : Démontages d'empires.

 

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Daniel avril 2012Daniel Lefeuvre, avril 2012

 

Nous reviendrons sur le bilan scientifique de son oeuvre. L'heure est à l'affliction. Nous pensons à toi, Daniel.

 

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une évocation de Daniel Lefeuvre dans une émission de Philippe Conrad
avec Jean Monneret en 2021

 

Michel Renard

 

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II - quelques images de Daniel, notre ami

 

Union dans les luttes 2Jean-Charles Venturini, Daniel Lefeuvre, Michel Renard, mai 1981 (© Denise Arias)

 

Union dans les luttes 1vente militante de journal Union dans les Luttes, mai 1981 à Paris (© Denise Arias)

 

Daniel Creuse 19821982, dans la Creuse

 

Daniel Creuse 1982 avec Pierrot1982, dans la Creuse, avec mon fils Pierre

 

Daniel Creuse août 82
1982, dans la Creuse, avec mon fils Pierre

 

avec Maurice Creuse 19831983, dans la Creuse, avec le paysan, Maurice, (mort le 11 octobre dernier)
et mon fils Pierre

 

3 juillet 20043 juillet 2004

 

Daniel à la cuisine 23 oct 2005Daniel... rabelaisien généreux, 23 octobre 2005

 

m_Dany3à Paris, XVIIIe arrondissement, en 2005



Daniel 2006Daniel Lefeuvre à Paris, en 2006

 

Daniel portant ÉmileDaniel et son filleul Émile, dans la Creuse, juillet 2007

 

IMG_1448_1 copieessai d'une nouvelle tenue professorale pour la rentrée 2007...

 

24 juin 200824 juin 2008, dans son bureau

 

7 avril 20097 avril 2009, avec son filleul

 

8 avril 20098 avril 2009

 

Daniel 2011Daniel à i-télé, le 9 mai 2011 (source)

 

avril 2012 rue Simartavril 2012, chez lui

 

 

DSCN0486 - Version 2le 17 mars 2013 à Saint-Chamond/Saint-Étienne

 

juin 2013 resto (1)en juin 2013, Paris, avec André Fontaine, médecin, et Michel Renard

 

juin 2013en juin 2013, Paris, avec André Fontaine, médecin, et Pierre Renard

 

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III - la bibliothèque de travail de Daniel Lefeuvre

 

bibliothèque 3 24 juin 200824 juin 2008

 

bureau Daniel 24 juin 2008 (1)24 juin 2008

 

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IV - Hôpital Lariboisière, le mardi 12 novembre 2013

 

faire-part Mondefaire-part du Monde, 9 novembre 2013

 

faire-part Figarofaire-part du Figaro, 8 novembre 2013

 

IMG_7986-630x350hôpital Lariboisière, Métro "Gare du Nord" ou "Barbès-Rochechouart"

 

1472772_10201681314288086_1992170892_nGuy Konopnicki (journaliste, écrivain) et Gérard Molina (agrégé de philosophie)
le 12 novembre 2013, évoquant le souvenir de Daniel, leur ami

 

Néness et Konop (1)Jean-Pierre Janesse, dit "Nénesse" et Konop, la force des souvenirs

 

André, Malika, 12 nov (3) 2013Malika et André Fontaine, amis de Daniel


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V - Hommage, le mardi 12 novembre 2013


Quatre allocutions ont été prononcées lors de la cérémonie d'hommage, en présence de plus de cent cinquante personnes, avec Denise Lefeuvre, son épouse, et Guillaume et Louis, ses deux fils.

Michel Renard, Michel Margairaz, Marc Michel et Jean Fremigacci se sont exprimés.

Michel Margairaz            Marc Michel
Michel Margairaz                                                     Marc Michel

   

in memoriam Daniel Lefeuvre (1951-2013)

Michel Renard, 12 novembre 2013

La vie de Daniel Lefeuvre, son parcours, sa pensée n’appartiennent à personne. Ils les emportent avec lui.

Mais chacun, ici, en gardera des moments, des fragments, le souvenir de discussions vives dont on ressortait plus lucide, le souvenir de l’extraordinaire humanité de Daniel, de son humour sarcastique mais toujours fraternel, de son dévouement gratuit, de la modestie qui ne sied qu’aux grands esprits, et bien sûr de son incontournable œuvre d’historien.

Je livrerai quelques fragments du Daniel que j’ai connu. En espérant que Denise, son épouse, Guillaume et Louis, ses deux fils y trouveront le témoignage de ma fidélité et de mon admiration pour leur mari et pour leur père, mon ami.

22 juillet 2007 Daniel et ÉmileDaniel Lefeuvre et son filleul, 22 juillet 2007

Daniel Lefeuvre est issu d’un milieu socialement modeste. Son père était fossoyeur au cimetière de Pantin et Daniel en parlait toujours avec vénération. Cet ouvrier, d’origine bretonne, est décédé l’année où son garçon passait son Bac à 18 ans.

Louis, le fils cadet de Daniel perd aujourd’hui son papa, à l’âge où son propre père perdait le sien. Triste symétrie d’un crève-cœur familial.

cimetière Pantincimetière parisien de Pantin

La mère de Daniel, Irène, que nous sommes plusieurs à avoir connue, était ouvrière. Je salue avec affection sa mémoire. C’était un «cœur simple» comme aurait dit Flaubert, mais avec plus de liberté acquise dans sa destinée.

Son petit pavillon de banlieue, à Bondy, était ouvert et d’une inoubliable hospitalité. On y était reçu avec spontanéité et générosité.

Il a manqué un Willy Ronis pour fixer avec poésie l’image de ces instants de «bonheur modeste» qu’Irène dispensait à tous les amis de Daniel qui devenaient immédiatement les siens.

La scolarité et les études de Daniel Lefeuvre ont été marquées par les convictions politiques et les engagements militants de l’époque. Son milieu familial ouvrier et les rencontres loyales qui accompagnèrent sa jeunesse l’orientèrent «naturellement» vers le communisme, les Jeunesses communistes au lycée, l’Union des étudiants communistes (UEC) à l’université, parallèlement au syndicalisme étudiant au sein de l’UNEF.

Il sacrifia une partie de son cursus universitaire à son volontariat partisan. Y contractant des amitiés indéfectibles et y croisant des individus dont la carrière ultérieure put lui sembler une trahison.

 

les amitiés fécondes

Au chapitre des amitiés fécondes, il y aurait une belle brassée de figures.

Parmi les plus anciennes, il faudrait citer Jean-Pierre Janesse, dit «Nénesse», avec qui Daniel effectua un mémorable tour d’Europe en moto et avec peu d’argent… ; Daniel Milekitch et Denis Maresco, étudiants à Villetaneuse, l’université des fils de banlieue, que j’ai connue quelques années après eux ; André Fontaine, notre ami médecin, et son épouse Malika, amis ultimes ; la haute stature de Gérard Vaugon, dit «Bakou», disparu en 2003 ; la culture littéraire et le sens politique de Guy Konopnicki, dit «Konop» ; l’exceptionnelle intelligence de Gérard Molina.

Entrée de VincennesParis VIII, à Viincennes

Et dans cette université de Paris VIII, à Vincennes, c’est là qu’il rencontra Denise, élève de l’historienne Germaine Willard, qui devint la compagne de toute sa vie.

J’ai rencontré Daniel, la première fois, à Villetaneuse, avec Bakou à la rentrée universitaire 1974. Bakou, inimitable Mirabeau des campus, le verbe étincelant et le charisme rayonnant. Daniel, véritable boule de révolte, en guerre avec tout ce que le monde avait fait naître en lui de déceptions et de désillusions.

Tous les deux fondèrent, peu après, une librairie dans un local de la cité HLM «Allende», à la sortie du campus de Villetaneuse. Ils croyaient en la diffusion de la culture. Pour eux, l’université devait être une grande prêtresse du livre. Ils en seraient les officiants.

Auparavant, comme élu national étudiant, Daniel fut membre du CNESER. Et il y a quelque ruse de l’histoire à ce qu’il fût devenu, il y a quelques années, membre du CNU, ayant à examiner la qualification des futurs maîtres de conférence et professeurs des universités.

 

Entre-temps, son trajet le conduisit, plusieurs années durant, à la vente du livre, de manière itinérante d’abord sur les campus universitaires, puis dans une librairie ouverte dans la Zup d’Argenteuil et intitulée «La halte des heures».

Il s’y dépensa avec Denise pour tenter d’offrir une vraie littérature à tous et des conseils de lecture pour les enfants.

Zup Argenteuilune dalle de la Zup d'Argentueil

Puis il reprit le chemin des études et des concours. En commençant par le professorat, en tant que maître-auxiliaire, dans les LEP. Et par la préparation du Capes-Agrégation à la Sorbonne où nous suivîmes les cours passionnants de Michel Vovelle, de Robert Fossier, de Michel Zimermann, de François Hincker, de François Rebuffat et de Joël Cornette dont Daniel, plus tard, devint le collègue à Paris VIII Saint-Denis.

 

la recherche historienne en histoire coloniale

Il engagea parallèlement ses recherches en archives, sous la direction de Jacques Marseille dont la lecture de Empire colonial et capitalisme français l’avait convaincu des illogismes de nos simplistes convictions de jeunesse en matière d’histoire coloniale.

Marseille couv

Daniel Lefeuvre eut le courage intellectuel de renoncer à celles-ci et de se confronter à la rigueur de l’histoire positiviste, particulièrement en matière économique.

Son souci de l’exactitude factuelle et de la méthodologie historienne le poussèrent, à travers l’investigation archivistique de sources nouvelles, à réfuter quelques mythes, plus politiques qu’historiens d’ailleurs.

Il retrouvait, renouvelait et prolongeait une historiographie française attachée à la neutralité axiologique qu’avait illustrée, en 1960, Henri Brunschwig dans Mythes et réalités de l’impérialisme colonial français, 1871-1914.

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La thèse de Daniel, parue en 1997 sous le titre amphibolique de Chère Algérie, 1930-1962, suscita des débats mais aucune réfutation étayée.

La colonisation, qu’elles qu’en furent les affres militaires, ne fut jamais un «pillage».

Oui, Daniel doit à Jacques Marseille. Mais il édifia son propre cheminement historien et ne suivit pas ce dernier dans l’éloge du libéralisme.

Il resta un historien libre qu’aucun «camp» ne put jamais s’approprier.

Ni les nouveaux adeptes des «études post-coloniales», qui ne voient qu’«images» et «discours» comme démiurges d’une réalité dont ils ignorent l’épaisseur sociale ; ni les nostalgiques a-critiques de l’Algérie coloniale qui oublient les injustices et inégalités de la domination des conquérants.

À distance de toutes les reconstructions mémorielles, l’historien ne sombra jamais ni dans l’anachronisme ni dans la téléologie.

Il faut dire que Daniel Lefeuvre était un infatigable lecteur en archives, acceptant ce qu’elles pouvaient lui apprendre et ce qui pouvait le surprendre. Cela le préserva de tous les dogmes partisans.

 

Caom 20 juillet 2004 copiesalle de lecture du Caom

Nous nous sommes maintes fois retrouvés au Centre des archives d’Outre-mer à Aix-en-Provence, présents à la première heure et derniers partis, en négligeant souvent le repas.

Le soir, nous retrouvions notre ami, le conservateur André Brochier, et d’autres passionnés de la recherche, comme Jean-Louis Planche et Jean Fremigacci, qui ne pouvaient se satisfaire des huit petites heures quotidiennes à compulser les papiers sortis des célèbres et épais cartons gris.

 

André Brochier 6 août 2004André Brochier, 6 août 2004

C’est dans ce scriptorium des temps modernes, et dans une multitude d’autres, que Daniel découvrit et analysa les données qui constituèrent son œuvre historienne.

Je ne dirais pas qu’il avait la religion de l’archive, parce que son esprit critique, son positivisme analytique et son sens de la problématisation l’interdiraient. Mais il avait la «passion de l’archive», comme le formula un jour l’historienne Arlette Farge.

Cette passion de l’archive et de la rigueur historienne lui fit écrire l’éclatant Pour en finir avec la repentance coloniale (2006) qui, sous une forme ramassée et d’apparence polémique est d’abord un livre de démonstration historique.

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Par son expérience politique et sa connaissance de l’histoire, Daniel Lefeuvre savait très bien qu’on ne peut jamais vraiment «en finir» avec les préjugés et les idéologies partisanes, mais à ne pas le tenter on se montrerait infidèle aux vertus du savoir comme à l’éthique du savant.

En 2006, nous fondons, Daniel Lefeuvre, Marc Michel et moi-même l’association Etudes Coloniales. Puis le blog homonyme, espace hybride entre la revue et le magazine, lieu d’informations, de contacts et de confrontations, ressource libre à laquelle ont puisé des chercheurs de dizaines de pays à travers le monde. Daniel y répondit, avec précision, caractère et courtoisie, à ses contradicteurs.

Dans la foulée est mis en ligne le Répertoire des historiens du temps colonial, comportant ce jour 225 notices auxquelles Daniel contribua largement.

 

l'identité nationale

J’ai partagé avec Daniel, la joie et la stimulation intellectuelle d’écrire Faut-il avoir honte de l’identité nationale ? (2008).

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Il ne s’agissait pas d’une histoire de l’identité française, seulement d’une réaction contre une logomachie honteuse du passé national mais ignorante de celui-ci, d’une réaction contre les ponts-aux-ânes d’un militantisme de slogans.

Il fallait rappeler l’extraordinaire bilan de l’école historique française, et anglo-saxonne, qui sut définir l’identité française sans jamais sombrer dans aucun barrésisme, dans aucun maurrassisme ni dans une quelconque xénophobie.

Historien de l’Algérie coloniale, ayant voyagé en Algérie et au Maroc, Daniel avait fait de la Creuse son havre de ressourcement. Il y retrouvait le paysan Maurice, son complice, disparu le mois dernier à l’âge de 84 ans.

Il y retrouvait aussi les traces de la longue histoire agraire de la France. Un  moment, Daniel avait envisagé de racheter la maison creusoise de l’immense historien médiéviste, Marc Bloch : «ça aurait de l’allure !», disait-il…

le Bourg d'Hem CreuseLe Bourg d'Hem, patrie creusoise de Marc Bloch

Daniel Lefeuvre avait «sous le coude» et dans les innombrables fichiers de son ordinateur des centaines de pages destinées à la rédaction de plusieurs livres que la maladie lui a interdit de mener à terme.

Mais il est une entreprise qu’il eut la force d’accompagner jusqu’à sa réalisation concrète et à l’égard de laquelle il éprouva un indéniable amour-propre, ce fut la reconstruction de la kouba de Nogent-sur-Marne.

Cette initiative, selon nous, symbolisait la fusion du savoir historique et de l’hommage mémoriel.

En 2004 – pardonnez-moi de dire «je» en ce jour -, je découvre aux Archives d'Outre-mer le dossier racontant l'histoire de l'édification de la kouba de Nogent-sur-Marne, dédiée aux combattants musulmans décédés en métropole et inaugurée en 1919, mais entièrement disparue depuis 1982.

C'est principalement à Émile Piat, consul général, attaché au cabinet du ministre des Affaires étrangères et chargé de la surveillance des militaires musulmans dans les formations sanitaires de la région parisienne, que l'on doit la construction de cette kouba.

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Le monument fut édifié à la fin de la Première Guerre mondiale grâce à une conjonction d'initiatives qui importait à Daniel : la politique de gratitude et de reconnaissance de l'institution militaire à l'endroit des soldats venus du domaine colonial, l'empathie d'un consul entreprenant et l'entremise d'un officier des affaires indigènes en poste à Alger, le soutien d'un édile communal et la générosité d'un marbrier. Cette osmose dépassait toute politique d'intérêts au sens étroit.

C'est ce surplus de signification, le signe d'une mutuelle reconnaissance, qui avaient toutes raisons d'être rappelés malgré le temps passé.

Après plusieurs années de démarches après des ministères, des organismes d'anciens combattants, des communes et départements - combats politiques, financiers et épistolaires menés avec persévérance par Daniel tout seul -, le projet voit le jour. La kouba est reconstruite et inaugurée le 28 avril 2011.

Daniel disparaît alors que débutent toutes les commémorations du centenaire de la Grande Guerre. Il y aura magnifiquement participé avec la renaissance de la kouba, au sein du carré musulman du cimetière de Nogent-sur-Marne.

 

un testament d'historien

En 2008, il avait organisé avec le professeur Olivier Dard, à l'université de Metz, un colloque international intitulé L'Europe face à son passé colonial.

Il terminait sa propre communication par les propos suivants qui, aujourd’hui, résonnent comme un testament d’historien :

"C'est pourquoi on peut gager que le passé colonial ne disparaîtra pas prochainement de l'actualité française. Mais, dans ces conditions, il revient aux historiens de s'arc-bouter sur les principes et les pratiques consacrés de leur discipline, afin qu'un savoir frelaté ne se substitue pas aux connaissances accumulées depuis plusieurs décennies et que de nombreuses nouvelles recherches savantes ne cessent d'enrichir. C'est, en tant que tel, leur seul devoir civique".

Daniel 6 juin 2013Daniel Lefeuvre, 6 juin 2013

Daniel affectionnait la lecture du Journal de Jules Renard. J’y puise cette dernière formule, dont la presque inconvenance n’aurait pas, je crois, déplu à Daniel : «On ne s’habitue pas vite à la mort des autres. Comme ce sera long quand il nous faudra nous habituer à la nôtre ! ». Sans toi, Daniel…

Et ainsi que tu ponctuais souvent la fin de nos innombrables discussions : Kenavo, mon ami !

 Michel Renard

 

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VI a - L'article de l'historien Guy Pervillé

- lire ici

Conference-Guy-Perville--n--1-25-09-2012

 

VI b - L'hommage de l'historien Olivier Dard

Olivier Dard pour Daniel Cercle algérianiste
publication du Cercle Algérianiste

Olivier Dard
Olivier Dard

 

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VII - Articles de presse et liens vers des sites

Figaro 11 nov 2013 articleLe Figaro, 11 novembre 2013

 

Le monde 0
Le Monde 1
Le Monde 1_2

Le Monde, 12 novembre 2013

 

- département d'histoire de l'Université Paris VIII / Saint-Denis
http://www2.univ-paris8.fr/histoire/?p=5258

- Cril 17 info
http://cril17.info/2013/11/09/in-memoriam-daniel-lefeuvre/

- articles et vidéos où apparaît Daniel Lefeuvre
http://www.fdesouche.com/429527-lhistorien-daniel-lefeuvre-est-mort

- autres vidéos sur le site Prêchi-Prêcha
http://www.prechi-precha.fr/colonisation-de-lalgerie-rappel-historique-avec-daniel-lefeuvre-video/

- "Comment la France s'est ruinée en Algérie : hommage à Daniel Lefeuvre", par Bernard Lugan
http://bernardlugan.blogspot.de/2013/11/comment-la-france-sest-ruinee-en.html

- le site Boulevard Voltaire a relayé l'article de Bernard Lugan
http://www.bvoltaire.fr/bernardlugan/daniel-lefeuvre-un-africaniste-libre,40719

- le site Noix Vomique
http://noixvomique.wordpress.com/2013/11/13/daniel-lefeuvre-1951-2013/

- "Hommage à Daniel Lefeuvre qui vient de nous quitter", sur le site Agora Vox
http://www.agoravox.tv/tribune-libre/article/hommage-a-l-historien-daniel-41684

- "Hommage à Daniel Lefeuvre", par Pierre Cassen sur le site Ripsote Laïque
http://ripostelaique.com/hommage-a-daniel-lefeuvre-auteur-de-faut-il-avoir-honte-de-lidentite-nationale.html

- Nicolas Marty sur le site de l'Association française d'histoire économique
http://afhe.hypotheses.org/3510

- le site Enquête et débat, Jean Robin
http://www.enquete-debat.fr/archives/hommage-a-lhistorien-daniel-lefeuvre-qui-vient-de-nous-quitter-20188

- "Disparition de Daniel Lefeuvre", sur le site Bir-Heicheim, le rombier
http://www.bir-hacheim.com/disparition-de-daniel-lefeuvre/

- "Daniel Lefeuvre est mort" sur le blog de l'histoire
http://blog.passion-histoire.net/?p=13776

- "Daniel Lefeuvre", sur le site Le coin du Popodoran
http://popodoran.canalblog.com/archives/2013/11/06/28371538.html

- le site de l'APHG (Association des professeurs d'histoire-géographie), l'article nécrologique préparé par Hubert Bonin
http://popodoran.canalblog.com/archives/2013/11/06/28371538.html

- le même article sur le site de la SFHOM (Société française d'histoire d'outre-mer)
http://sfhom.free.fr/daniellefeuvre.pdf

- "un historien courageux au service de la République", site Apolocalisse laica
http://apocalisselaica.net/index.php?option=com_content&view=article&id=195393%3Adaniel-lefeuvre-un-historien-courageux-au-service-de-la-r%C3%A9publique&catid=226%3Aestero&Itemid=222

 

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VIII - Réactions, messages et condoléances

 

Daniel 30 sept 200630 septembre 2006

 

1) Messages reçus

 

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Bien chers amis,

C'est avec beaucoup de tristesse que nous avons appris le décès, hier soir, de notre ami Daniel Lefeuvre qui luttait depuis trois ans déjà contre la maladie.
Daniel était très proche du cercle qu'il avait rejoint, il devait à nouveau intervenir devant les congressistes le week-end end prochain à l'occasion de notre congres national.
Son fils Guillaume qui m'apprenait cet après-midi la triste nouvelle me disait combien son père se sentait bien parmi les algérianistes lui qui nourrissait plein de projets avec le cercle Algérianiste. Il me disait aussi l'émotion qui étreignait son père lorsque le chant des africains retentissait parmi les nôtres.
Merci à Daniel pour son soutien, pour sa compréhension de nos drames, pour avoir eu le courage de dire au sein du monde universitaire bien trop souvent monolithique une autre vérité.
Un hommage lui sera rendu samedi prochain lors du 40e anniversaire du cercle à Perpignan.
Avec mes fidèles amitiés

Thierry ROLANDO
5 novembre 2013

 

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Cher Monsieur,

Je n'ai pas eu le temps de vous répondre hier, pardonnez m'en.
La nouvelle que vous m'avez apportée m'a touché. Je connaissais peu Daniel Lefeuvre personnellement, mais chacun de nos contacts avait été simple et direct. Je crois qu'il s'est battu courageusement contre la maladie. C'est une perte douloureuse pour ses proches et ses amis, dont vous êtes, mais aussi pour l'histoire.
Le prochain numéro du Figaro Histoire (sortie fin novembre) lui rendra hommage.
Bien cordialement

Jean SÉVILLA
6 novembre 2013

 

Fondation Algérie

 





Monsieur le Président, Madame, messieurs les administrateurs, madame, messieurs les conseillers scientifiques,  Nous apprenons avec une très grande tristesse le décès de notre ami le Professeur Daniel Lefeuvre, survenue le 4 novembre. Homme d'un dévouement exceptionnel, historien de très grande qualité, Daniel Lefeuvre, était un universitaire rigoureux et respecté, d'une grande honnêteté intellectuelle.
Il avait accepté avec courage d'être  le président du conseil scientifique de la Fondation à laquelle il a immédiatement apporté un soutien éclairé. Sa présence et sa bonne  humeur vont nous manquer.  La Fondation adresse à sa famille ses condoléances les plus sincères.

Paul MALMASSARI Directeur de la FM-GACMT
6 novembre 2013

 

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Cher Michel,
Je viens d’apprendre par un message de Hubert Bonin, la triste nouvelle, le décès de Daniel Lefeuvre. Je sais combien vous étiez proches tous les deux, et devine la peine qui doit être la tienne. Je connaissais Daniel depuis le début des années 1990 à Paris 8, et j’avais participé à son jury d’habilitation. Nous nous étions opposés ces dernières années, notamment à propos des ouvrages sur “la repentance coloniale” et “l’identité nationale”, ou sur le documentaire La déchirure.  Mais je crois pouvoir dire que nous avions un respect mutuel pour chacun de nos travaux.
Je présente à sa famille mes plus sincères condoléances.
Bien à toi.

Benjamin STORA
7 novembre 2013

 

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J’ai appris avec tristesse le décès de Daniel Lefeuvre. C’était un homme sympathique, plein d’humour et de joie de vivre. Il avait toujours plein de projets à soumettre à son entourage. Je le connaissais depuis peu de temps. Après notre rencontre de septembre 2008, nous nous sommes revus régulièrement et à chaque fois c’est avec beaucoup de plaisir que nous avons pu échanger sur bien des sujets, et pas seulement sur l’Histoire .
Le bel hommage que Michel Renard  - son complice de toujours - lui rend sur le site d’Études Coloniales mérite d’être lu. Daniel Lefeuvre a écrit sur des sujets difficiles, pas toujours politiquement conformes, avec une grande rigueur, sans langue de bois, ce qui lui a attiré des critiques pas toujours très honnêtes. C’est un grand historien qui nous quitte, nous ne l’oublierons pas.

Roger VETILLARD
8 novembre 2013

 

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Pour Daniel Lefeuvre
Pourquoi avais-je de l’estime pour l’historien Daniel Lefeuvre ?
Après avoir servi la France comme officier SAS du contingent pendant les années 1959-1960, et cru, à un moment donné, court, aux chances d’une communauté franco-africaine, je m’étais imposé une sorte de «jeûne» colonial.
C’est en reprenant contact avec l’histoire coloniale, plus de trente années plus tard, que j’ai découvert dans l’air du temps toutes sortes de nouveaux romans «nationaux», qui valaient bien celui de notre Lavisse national, porté aux nues d’une nouvelle histoire coloniale tout à la fois anachronique, médiatique, «entrepreneuriale», et à la fin, repentante.
Et dans tout ce tumulte plus idéologique qu’historique, le flux montant et renouvelé des histoires ou des mémoires de la guerre d’Algérie, et de l’Algérie elle-même, des histoires ou des mémoires dont j’avais eu soin de me garder, tant elles envahissaient tout le champ de l’histoire coloniale, en même temps qu’elles faisaient aussi top belle part à l’émotion, à la passion, et au cas personnel.
Les ouvrages de Daniel Lefeuvre m’ont sorti de cette sorte d’exil historique intérieur parce qu’elles s’inscrivaient dans le type d’histoire qui seul à mes yeux en a les caractéristiques, c’est-à-dire le respect de la chronologie et des faits, mais en même temps, et ce qui n’est pas si courant dans l’histoire coloniale, l’analyse des faits sous leur angle statistique, économique et financier, au-delà donc des histoires des idées seules beaucoup plus malléables.
Au fin du fin, l’exemple d’un historien authentique qui pratiquait son métier à contre-courant, contre toutes les dérives de notre temps.

Jean-Pierre RENAUD
9 novembre 2013

 

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J’ai connu assez tard Daniel Lefeuvre, un printemps, aux Centre national des archives d’Outre-Mer à Aix-en-Provence où il travaillait avec le rythme soutenu de ceux qui savent où ils vont, et que le chemin sera ardu. Conduit par la nécessité à suspendre un temps ses études, jeune père de famille, il entendait ne gaspiller ni un instant ni un centime. Le seul loisir qu’il se soit accordé, à la veille de son départ, fut un détour par le centre-ville pour acheter un modeste cadeau à l’intention de ses deux garçons.

Le sujet de thèse qu’il avait choisi n’était pas non plus au demeurant des plus faciles. Il entendait démontrer par l’étude du cas de l’Algérie que l’abandon par la France de ses colonies, au tournant des années soixante, avait été dicté par un raisonnement financier bien compris : le coût en était devenu bien supérieur au rapport. Il suffit de se rappeler le gouffre financier que provoquait la guerre d’Algérie, au moment où en Afrique noire des groupes armés commençaient de se constituer dans la brousse. La France qui entrait dans le Marché commun se retrouvait en concurrence face à une Allemagne, une Italie et une Hollande, débarrassées de leurs charges coloniales.

Tout, certes, ne se monnaye pas. Comment comptabiliser l’apport au rayonnement de la France qu’avait apporté un auteur comme Albert Camus ? Comment estimer la profondeur stratégique que conférait l’Algérie et qui explique le choix par les Anglo-américains en 1942 d’amorcer par leur débarquement la reconquête de l’Europe, Alger devenant du coup la capitale de la France en guerre, et le siège du gouvernement de la République ?

Cependant Chère Algérie, 1930-1962, ouvrage que Daniel Lefeuvre tira de sa thèse, provoqua parmi les progressistes et les marxistes étriqués un tollé. Il fut d’autant plus vif que la démonstration par le cas algérien venait conforter l’étude générale menée par son directeur de thèse, Jacques Marseille, sur le poids qu’était devenu pour la France son empire colonial.
On parla d’un renouveau de «cartiérisme», rangeant Daniel Lefeuvre et Jacques Marseille parmi les héritiers du journaliste Raymond Cartier, anticolonialiste conservateur, célèbre un moment pour sa phrase «plutôt la Corrèze que le Zambèze».

Mais le fait que l’Algérie soit toujours aujourd’hui le premier client de la France, et que la ville de Marseille, seconde ville de France, lui doive de garder son rang de premier port de Méditerranée, sans sombrer dans une misère totale, prouvent qu’ils savaient raison garder. Si être marxiste est d’abord faire l’analyse réelle de faits réels, Daniel Lefeuvre, accusé comme Jacques Marseille par les «bien-pensants» d’avoir trahi, restera un auteur incontournable.

Jean-Louis PLANCHE
10 novembre 2013

 

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Roger SABOUREAU (association Secours de France) n'a pas laissé de message écrit mais plusieurs témoignages oraux lors de conversations téléphoniques. Je puis en témoigner. Les signes de son attachement à l'humanité et à l'intelligence historique de Daniel ont été touchants et sincères. Il l'a plusieurs fois reçu sur Radio Courtoisie. Une complicité était née entre entre eux. Roger Saboureau est un homme droit qui a su écouter Daniel et lui prodiguer, dans les derniers temps, les soutiens et aides nécessaires, sur nombre de projets en cours et notamment sur le dossier de la Kouba de Nogent-sur-Marne. (M.R.)
- "Daniel Lefeuvre nous a quitté !" sur le site de Secours de France
http://www.secoursdefrance.com/content/view/1311/9/

 

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À Monsieur Michel RENARD
Cher Monsieur,
C'est avec une très grande tristesse - immédiatement exprimée sur le site www.clan-r.fr - que j'ai appris le décès de Daniel Lefeuvre pour qui j'avais beaucoup d'estime et même de l'amitié. Nous nous connaissions assez bien. Il était mon confrère à l'Académie des Sciences d'Outre-Mer où il présidait le conseil scientifique du Centenaire et nous siégions ensemble au conseil scientifique de la Fondation dont il était le Président.
Compétent, rigoureux, courageux, Daniel avait d'immenses qualités humaines et morales qui le faisaient apprécier d'un très grand nombre.
Il va laisser un énorme vide mais son oeuvre subsistera, je dirais même se poursuivra ; vous allez la faire vivre, nous allons tous la faire connaître et elle va assurément être à l'origine de vocations.
L'Académie des Sciences d'Outre-Mer lui rendra hommage vendredi prochain, le 22 novembre à 15 heures ; il serait bien que vous-même et ceux qui vous entourent à l'Assocation puissiez être présents.
Je vous prie d'agréer, cher Monsieur, l'expression de ma profonde sympathie.

Denis FADDA
Président (h) de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer
18 novembre 2013

 

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2) Commentaires sur Daniel Lefeuvre (1951-2013), postés sur le blog

 

Habib-Kazdaghli

 





- J'adresse toutes mes condoléances à sa famille, à ses amis et à ses collègues. C'est un collègue généreux et disponible, à chaque fois que je l'ai rencontré à Paris 8, j'ai gardé une très bonne impression. Paix à son âme.
Habib Kazdaghli, professeur d'Histoire contemporaine
Doyen de la Faculté des Lettres, des Arts et des Humanités de Manouba-Tunisie.
Posté par Habib Kazdaghli, 5 novembre 2013

- Je m'associe à la peine de ceux qui ont côtoyé Monsieur LEFEUVRE historien émérite sur l'Algérie. J'ai rencontré le général Maurice FAIVRE et Monsieur Jean MONNERET, tous deux historiens dans le même domaine, mais je n'ai jamais eu l'opportunité de rencontrer Monsieur LEFEUVRE. En revanche, je serai heureux de pouvoir rencontrer Monsieur Michel RENARD qui doit habiter à Saint Chamond. Personnellement, je réside à St Jean Bonnefonds.
Posté par anicaud, 5 novembre 2013

- Toutes mes très sincères condoléances à sa famille, a ses amis.
Il reste une Œuvre et pour cela nous le remercions; mais nous le remercions surtout, pour sa recherche de la vérité , qui demandait le vrai courage d'aujourd'hui : le courage intellectuel.
JLF
Posté par JLf, 6 novembre 2013

- Je ne connaissais pour ainsi dire pas Daniel Lefeuvre, croisé seulement quelques fois dans des séminaires parisiens, mais j'ai toujours eu beaucoup d'estime pour le combat qu'il menait à juste titre contre ce que vous appelez le "savoir frelaté". Sur ce point tout particulièrement je partage votre analyse.
J'essaye, à ma mesure, autant que l'Université veuille bien m'en donner la possibilité de mener moi aussi ce même combat qui est, après le combat pour la vie, le seul qui vaille vraiment la peine.
Toutes mes condoléances à la famille de Daniel Lefeuvre. Très sincèrement.
J.A.
Posté par J.A., 6 novembre 2013

- Une nouvelle bien triste et des photos profondément touchantes. Mes plus sincères condoléances vont à la famille et aux proches de M. Lefeuvre.
Posté par Benjamin, 6 novembre 2013

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- Une vieille amitié nous liait, remontant à Jacques Marseille. Nous ne nous sommes pas fait mutuellement de cadeau dans le domaine historique, ayant assez souvent des interprétations divergentes depuis quelques années. Mais nous avions, je crois pouvoir le dire, une sincère affection l'un pour l'autre, faite de respect mutuel, sensible à chacune de nos rencontres. Je présente à sa famille mes plus sincères condoléances.
Catherine Coquery-Vidrovitch
Posté par Catherine C. Vid, 6 novembre 2013

 

Badr Maqri













- Mes sincères condoléances à sa famille, ses proches et ses ami(e)s.
Badr Maqri / Université Mohammed I / Oujda / Maroc
Posté par Maqri, 7 novembre 2013

Jean-François Paya













- Profondement touche j’ai eu l'honneur de rencontrer plusieures fois le professeur Lefeuvre lors de colloques et conférences dont une à notre cercle Algerianiste de Poitiers où il m’avait vivement en courage à poursuivre mes recherches sur les massacres du 5 juillet 62 à Oran, contre vents et marées, en m’affirmant que l’Histoire n’était pas le privilege des universitaires, sa vision de notre histoire algérienne reste lumineuse et toujours présente, impérissable. Merci cher Professeur.
Jean Francois Paya AC/ Algérie classe 54/2
Posté par JF PAYA, 7 novembre 2013

- Une mémoire s’en va, un drame pour notre pays au moment où nous aurions besoin de tant de tolérance
Posté par Mogondi, 7 novembre 2013

- C'est avec tristesse que j'apprends la mort de mon cher professeur. Il a été mon directeur de recherche pour ma maitrise et mon DEA.
J'ai toujours apprécié sa liberté de pensée hors des cadres dogmatiques et son exigence intellectuelle qui le caractérisait. Je prenais énormément de plaisir à assister à ces cours et à nos rencontres de suivi de travaux. Je garde le souvenir d'un homme profondément humain, sans prétention, dans ses rapports avec ses étudiants.
Toutes mes condoléances à sa famille et à ses proches.
Rodolphe Belmer
Posté par Rodolphe, 7 novembre 2013

- J'ai eu l’honneur de connaître le professeur Daniel Lefeuvre et de travailler avec lui de 2008 jusqu'à son départ. Il était mon directeur de recherche pour mon Master2 (2008-2009) et dirigeait ma thèse en cours. Je demeure très reconnaissant à son égard pour ses qualités humaines et scientifiques, son humilité, ses conseils et son accompagnement dans des conditions extrêmement difficiles et particulières.
Son départ est une grande perte pour les étudiants, les chercheurs et pour le domaine de l'histoire.
Je présente toutes mes condoléances pour ses proches et ses amis. (Tu nous a quitté mais nous ne t'oublions pas).
MARGHICH Moussa
Posté par MARGHICH, 7 novembre 2013

- Bonsoir,
j'avais dévoré son livre sur la repentance coloniale
j'apprends sa disparition sur "Enquête et Débat"
j'adresse toutes mes condoléances à sa famille
je prie pour son âme sans connaitre ses convictions religieuses et/ou sa foi
Je suis très triste car il a y a bien peu d'hommes capables comme lui de défendre la vérité historique à partir de quoi se construit la mémoire et l'identité.
Bref je pleure la disparition de cet homme que je ne connaissais pas personnellement
RIP
Posté par WOILLEMONT, 7 novembre 2013

 

Maxime Gauin







- Un historien aussi rigoureux que courageux, et un homme plein d'humanité. Sa mort est une perte à tous égards. Je renouvelle ici mes condoléances.
Posté par Maxime Gauin, 7 novembre 2013

En souvenir des années militantes à Paris XIII-Villetaneuse. Mes condoléances les plus attristées à sa famille et à ses proches.
Posté par christophe93200, 7 novembre 2013

- La lutte contre le politiquement correct et l'histoire frelatée, contre les bien-pensants démagos et les réflexions binaires blancs mauvais noirs gentils, basée sur le socle de la vérité vient de perdre son plus grand serviteur.
Je m'amuse encore très souvent à regarder M. Lefeuvre "moucher" quelques énergumènes du genre en direct à la télévision, sur youtube… sincères condoléances….
Posté par GAULMIN, 8 novembre 2013

 

Jean Pavée









- Professeur d'histoire dans un lycée de la banlieue de Nancy, militant et contributeur à Riposte Laïque, je remercie Daniel Lefeuvre pour m'avoir éclairé grâce à la lecture de "Pour en finir avec la repentance coloniale" et de "Faut-il avoir honte de l'identité nationale ?".
Merci à sa rigueur et à son courage.
Jean Pavée
Posté par Jean Pavée, 8 novembre 2013

- La France a perdu en la personne de Daniel Lefeuvre un très grand bonhomme, un très grand historien.
Je vous salue M .Lefeuvre. Condoléances à la famille.
Posté par lanceur, 8 novembre 2013

- Étudiant à Paris 8 il y a un peu plus de 10 ans, j'ai connu brièvement M. LEFEUVRE. Sa disparition m'attriste beaucoup. Toutes mes condoléances à sa famille.
Posté par Cyril, 9 novembre 2013

- Pour être un grand historien comme M. Lefeuvre il faut être habité par le doute et obsédé par la vérité.
Toutes mes condoléances à sa famille.
Posté par bernard, 10 novembre 2013

- C'est grâce à l'enseignement de Daniel Lefeuvre que j'ai appris ce qu'est la recherche en Histoire. Sa culture historique, sa connaissance des archives et sa rigueur resteront pour toujours un modèle. C'est aussi l'homme bienveillant et généreux que j'ai découvert au fil de ces années.
J'ai une pensée pour sa famille pour laquelle j'adresse mes sincères condoléances.
Monsieur Lefeuvre, je ne vous oublierai jamais.
Posté par DH, 10 novembre 2013

- Ma fille a été une de ses étudiantes il y a quelques années. J'ai le souvenir d'un enseignant extrêmement attentif et bienveillant, qui donnait beaucoup de conseils avisés, et mettait les mains dans le cambouis pour aider ses étudiants. Je l'ai vu malmené dans des émissions, plus ou moins accusé de relents colonialistes, alors qu'il ne faisait que dire la réalité des choses, j'en avais ressenti un profond malaise.
Mais dans ce pays, lorsqu'on s'éloigne du politiquement correct, on est sanctionné et rudoyé. Tout mon soutien à sa femme et ses enfants. C'était un monsieur bien, très bien, un honnête homme, et il y en a peu, finalement.
Posté par Dominique, 11 novembre 2013

- Simple lecteur de ses ouvrages et de ce blog, j'en apprécie la volonté de rigueur sur la période coloniale, traitée de manière historique et non manichéenne.
Il était aussi intervenu à l'émission C dans l'air, lors de la visite de F. Hollande en Algérie l'an dernier ; j'apprends donc qu'il se savait gravement malade à cette date.
Mes condoléances à ses amis et à sa famille.
Posté par ted, 12 novembre 2013

- C'est bien d'avoir posté ces photos personnelles. Elles montrent que ce n'est pas qu'un chercheur et un historien qui disparaît (et dont les commentaires déplorent avec raison la disparition) mais aussi un homme qui laisse un vide douloureux chez ses proches. De tout coeur avec vous et sa famille.
Posté par Sisyphe, 12 novembre 2013

 

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- Nous avions participé à un colloque ensemble et j'avais admiré son propos courageux car à contre courant d'une pensée dominante. C'est une grande perte pour la recherche historique. Toutes mes condoléances à sa famille.
Posté par G. Crespo, 12 novembre 2013

- je m'associe aux condoléances de tous ceux pour qui le savoir est plus important que le pouvoir ...
Posté par emmanuel, 15 novembre 2013

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- Très touché par sa disparition, je tiens à saluer Daniel Lefeuvre pour ses grandes qualités humaines, son ouverture d'esprit et son honnêteté intellectuelle. Il m'a permis de publier mon premier article et m'a donné confiance en moi.
Toujours disponible pour échanger à la fin d'un séminaire. Courageux de se montrer à contre-courant de la pensée dominante et toujours critique dans ses démarches. Boycotté par les médias traditionnels car pas assez "politisé" dans le "bon sens".
Il va nous manquer.
Mes condoléances à ses proches et l'assurance de tout mon soutien.
Posté par Olivier Berger, 15 novembre 2013

- Merci pour le partage. Il était une source d'inspiration.
Posté par emmanuel, 22 novembre 2013 

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- Ces photos de Daniel publiées en son hommage suscitent l'émotion et ravivent la douleur de sa perte. Ce fut un honneur que de travailler avec lui ; ce fut un honneur que de l'avoir comme ami. À Daniel qui continuera d'accompagner nos pensées.
Posté par Diane Sambron, 23 novembre 2013

 

Daniel 7 avril 20097 avril 2009

 

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4 juin 2013

Un silence d'État : les disparus de 1962

Disparus DVD

 

un DVD sur les Français disparus

en Algérie en 1962

un outil d’information indispensable

Jean MONNERET

 
Pendant longtemps, la tragédie des Français disparus, durant l’année 1962 fut l’immense non-dit de la Guerre d’Algérie. Après le 19 mars 1962, en effet, alors que les protagonistes du conflit, réunis à Evian, y avaient signé un accord de cessez-le-feu, les troubles persistèrent en Algérie.

À partir du 17 avril, les commandos du FLN, en Oranie  et dans l’Algérois, se mirent à enlever des civils européens. Ceci contribua à déclencher chez ces derniers une panique considérable. Elle accentua notamment leur exode massif et chaotique vers la métropole.

Après le 3 juillet 1962, jour où fut reconnue par la France l’indépendance de l’Algérie et alors qu’un nombre relativement important d’Européens continuait à résider dans les grandes villes de la côte, les exactions contre eux se poursuivirent. Par endroits, elles s’amplifièrent même. Le 5 juillet 1362, la ville d’Oran fut le théâtre de centaines d’enlèvements et de massacres de Pieds-Noirs perpétrés dans le centre et à la périphérie de la ville.

Quelques articles furent publiés à l’époque dans des organes de presse comme Le Parisien Libéré ou L’Aurore. Des interpellations eurent lieu au Parlement et des chiffres furent cités au Sénat par M. de Broglie, alors chargé des Affaires Algériennes. Au delà de 1964, un silence épais se mit à régner sur le sujet. Les familles touchées furent abandonnées à leur chagrin et à leurs difficultés.

Le caractère à la fois tabou et mystérieux de ce problème, le passage des années et l’indifférence tant de la grande presse que des milieux officiels reléguèrent le problème au milieu associatif des Français d’Algérie. Très actif mais pas toujours bien inspiré.

ouverture des archives

Le peu d’écho extérieur, le découragement qui gagnait les victimes, le vieillissement des gens concernés, la lente et inexorable extinction des témoins menèrent cet épisode à un quasi-oubli. Sur ce terrain presque déserté, toutes sortes de fantasmes et d’interprétations hasardeuses proliférèrent.

En 1992, l’ouverture des archives aux chercheurs permit de créer une situation nouvelle. Des ouvrages divers virent le jour dans les deux décennies qui suivirent. Plusieurs étaient de qualité et appuyés sur des données de plus en plus précises...

Les efforts du général Faivre, l’activité de Monseigneur Boz, l’intervention discrète mais efficace du sénateur Guerry permirent de faire sortir ce drame du confinement. Une recherche approfondie menée par l’historien Jean-Jacques Jordi permit également de mieux cerner le problème.

La consultation d’archives nombreuses, la publication de chiffres sérieux furent à l’origine d’un livre précieux Un silence d’État (éditions Sotéca). Le tout marqua une avancée significative sur le plan historique.

Aujourd’hui, nous voudrions attirer l’attention sur l’existence d’un DVD intitulé Histoire d’un silence d’État qui prolonge et approfondit la connaissance du problème. Il est réalisé par Claire Feinstein, une vidéaste qui avait participé, il y a quelques années, au film Pieds–Noirs. Histoire d’une blessure. Elle a réussi à analyser et à présenter avec beaucoup de précision et d’intelligence cette tragédie longtemps occultée.

Les historiens, les familles, toutes les personnes attachées à la vérité disposent désormais d’un document irremplaçable pour faire connaître cet épisode dramatique dont les conséquences furent gigantesques. C’est aussi une arme contre ceux qui ont entretenu le silence officiel et voudraient prolonger l’omertà.

 Jean Monneret

jean monneret 2

 

Les Disparus. Histoire d’un silence d’État par Claire Feinstein.

13productions. 1 rue Elie Pélas, 13016 Marseille. 

Tel : 04 91091423

contact@13productions.fr          www.13productions.fr

disparus

 

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30 juin 2013

le colonel Amirouche

58

 

 

Une vie, deux morts, un testament

un livre sur le colonel Amirouche

 

À l’occasion de la prochaine sortie du livre qui fait polémique de Saïd Sadi sur le colonel Amirouche, son fils, Noureddine Aït Hamouda, député RCD, se confie à El Watan Week-end. Pour lui, le colonel Amirouche a été donné par le MALG à l’armée française.

- Une vie, deux morts, un testament, c’est le livre qui va paraître ces jours-ci et il fait déjà polémique. L’auteur, Saïd Sadi, le patron du RCD, retrace la vie de votre père, le défunt colonel Amirouche, tombé sous les balles françaises le 28 mars 1959.

- D’abord, avez-vous participé à l’écriture de cette biographie ?

Non, l’écriture est l’œuvre exclusive de Saïd Sadi. Cela fait quarante ans que je connais Saïd Sadi et cela fait quarante ans que l’on parle de Amirouche. Ce livre a cogité dans sa tête au minimum 30 ans. Je l’ai aidé dans la mesure où je connais de nombreux détails sur Amirouche, j’ai pu avoir accès à certains documents, lui faire rencontrer des maquisards qui connaissaient bien mon père. Voilà ma contribution, c’est tout.

- Qu’apprend-on de nouveau dans ce livre sur le colonel Amirouche ?

Il ne faut pas se leurrer : il y a une quinzaine d’années, le pouvoir censurait le nom de Amirouche. Lors de la sortie du film L’Opium et le bâton, en 1971, Boumediène en personne est intervenu pour enlever le nom de Amirouche du scénario. Dans ce livre, Sadi retrace toute la vie de Amirouche, tout son combat est relaté (à Oued Fodda, à Oran, Relizane, à Paris, à la Wilaya III, à Tunis, etc.). Ce livre démontre et prouve une thèse fondamentale : Amirouche a été abattu lors d’une embuscade tendue par l’armée française, mais il a été donné, vendu aux Français par le MALG (ministère de l’Armement et des liaisons générales), c’est-à-dire par Boussouf et Boumediène en personne.

- Ces affirmations sont graves. Avez-vous des preuves de ce que vous énoncez ?

Oui, je l’affirme haut et fort ! L’équipe du MALG préparait l’après-Indépendance. Une dépêche de l’AFP du 30 mars 1959 annonce que «le colonel Amirouche a été éliminé par une grenade, reste maintenant à tuer la légende». La France l’a abattu, puis a caché son corps pour qu’il ne soit pas une légende. Le corps a été rendu aux Algériens en 1964, déterré d’une caserne près de Bou Saâda. Ensuite, le corps a été caché une seconde fois par Boumediène, cette fois au siège de l’état-major de la Gendarmerie nationale. C’est la même méthode que les Français : un système de vases communicants entre l’armée française et l’armée algérienne.

- Boumediène, c’est quand même un mythe de l’Algérie indépendante, un personnage aimé de beaucoup de nos compatriotes. Pour vous, il se réduit à un vulgaire assassin...

Vous savez, et vous l’apprendrez dans le livre, Boumediène a fait pire que cela. Amirouche devait être tué en 1957 (soit deux ans avant sa mort) au Maroc. Nous avons des preuves. Au moment où à l’intérieur du pays d’authentiques militants se battaient pour l’indépendance, ceux qui étaient planqués, particulièrement au Maroc, avaient pour objectif la prise du pouvoir après l’indépendance.
Il voulait donc éliminer tous les gens qui, après l’indépendance, pouvaient leur poser problème. C’est comme cela que Abane Ramdane a été éliminé, c’est comme cela que Amirouche devait être éliminé. A la dernière minute, il avait décidé de ne pas aller au Maroc, il échappait ainsi à la mort, pour deux ans seulement. Boumediène a fait pire, il a tué les fameux colonels de la Wilaya I avec l’aide de Bencherif !

- Pourquoi Boumediène aurait-il voulu cacher le corps de votre père et celui du héros des Aurès Si El Haouès ?

Un des survivants de cette histoire, c’est le colonel Bencherif, patron de la Gendarmerie nationale à l’époque et responsable de la mise au secret du corps de mon père à l’état-major de la gendarmerie de 1964 à 1982. Je constate qu’aucun journaliste ne lui a demandé pourquoi il avait fait cela, personne ne l’a inquiété, ni la justice ni personne. J’ai moi-même rencontré le colonel Benechrif, je lui ai demandé : «Pourquoi avez-vous fait cela à Amirouche ?» Il m’a répondu : «Je n’en sais rien, Boumediène m’a ramené les corps, il m’a demandé de les cacher, je les ai cachés.» J’ai rétorqué : «Mais alors, pourquoi après la mort de Boumediène, tu n’as pas parlé ?» «Le moment n’était pas encore arrivé...», m’a-t-il répondu.

- Finalement, ne serait-ce pas le procès de Boumediène que l’on fait dans ce livre ?

Non, ce livre n’a pas été fait pour régler des comptes. Il a été écrit pour rétablir une vérité historique que tout le monde a tenté de nier. Pourquoi n’aurait-on pas le droit de critiquer ce qu’a fait Boumediène ? Je ne vois pas pourquoi je n’aurais pas le droit de parler de l’armée. C’est une institution de la République. Il faut parler de Boumediène, mythe ou pas ! Pourquoi dans ce pays il y a des niches qu’on ne doit pas voir ? C’est insupportable à la fin ! Pourquoi Boumediène avait le droit de vie ou de mort sur les gens et moi pas la possibilité d’apporter ma critique ? Nous avons le droit de nous poser cette question : «Le bilan de Boumediène est-il positif ? Ou globalement négatif ?»

- Et votre bilan, est-il positif ou négatif ?

Depuis 1962, à ce jour où je vous parle, le bilan est globalement plus que négatif : il est catastrophique ! Jamais l’Etat algérien n’a été aussi riche qu’aujourd’hui avec un pétrole avoisinant les 85 dollars. Mais jamais les Algériens n’ont été aussi pauvres que maintenant. Nos amis marocains et tunisiens sont en train de construire leur pays avec un développement largement plus important que le nôtre.

- Les autorités algériennes préparent la riposte à ce livre sulfureux, des témoignages contredisant votre thèse et celle de Saïd Sadi. A l’heure où je vous parle, êtes-vous sûr de vos accusations ?

Vous savez, Khalida Toumi, une ancienne de notre formation politique devenue ministre de la Culture, a dit récemment : «Tant que je serai ministre, ce livre ne paraîtra jamais.» J’ai dû faire des pieds et des mains en haut lieu pour obtenir le numéro d’ISBN permettant sa publication. Et nous l’avons obtenu ! C’est déjà une victoire. Reste une interrogation sur mon père. Je peux essayer de comprendre qu’en temps de guerre, il y avait ce genre de liquidation d’hommes qui pouvaient faire de l’ombre, même si je ne les approuve pas. Des luttes intestines pour prendre le pouvoir existaient. Mais ce que je ne comprends pas — et c’est un mystère jusqu’à aujourd’hui pour moi — c’est qu’on cache le corps de mon père pour effacer une légende. Même mort, Amirouche leur faisait peur !



Bio express :

Noureddine Aït Hamouda est né le 15 juillet 1949 à Tassaft Ouguemoun, daïra d’Ath Yenni, Tizi Ouzou. Issu d’une famille modeste, son père est militant du mouvement national à l’ouest du pays puis en France dans les années 1950. Sa mère l’emmène chez ses grands-parents à Oued Fodda (Chlef).
À 27 ans, sa mère décède. Trois ans plus tard, son père, le colonel Amirouche, figure historique de la Révolution, est tué dans une embuscade tendue par l’armée française le 28 mars 1959.
Élevé par ses grands-parents maternels, le jeune Noureddine rencontre Saïd Sadi en 1978. Il s’engage dans le Mouvement culturel berbère (MCB) et fait face aux arrestations policières pour ses engagements politiques. Viennent les années de prison : 12 ans de prison entre Tizi Ouzou, Berrouaghia, Médéa et Blida.
Membre fondateur du RCD en février 1989, il est député de cette formation politique et, malgré la censure de l’ENTV, il ne cesse de perturber les séances publiques de l’APN.

 source

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25 février 2014

un livre de Mohamed Sifaoui sur l'histoire récente de l'Algérie

9782847366426FS

 

la Sécurité Militaire algérienne (D.R.S.)

"premier parti politique du pays"

un livre de Mohamed SIFAOUI : présentation

 

résumé de l'éditeur

En cette période de «révolutions» arabes et au moment du cinquantenaire de l’indépendance de l’Algérie, ce pays continue d’être contrôlé par des services secrets omniprésents qui suscitent fantasmes et interrogations.

Cette enquête raconte pour la première fois l’histoire tumultueuse de la Sécurité militaire algérienne, (devenue en 1990 le Département du renseignement et de la sécurité – DRS), en mettant à nu certaines de ses pratiques : liens entretenus un temps par les services algériens avec des organisations terroristes (l’ETA) et avec des milieux du grand banditisme (le gang des Lyonnais), assassinats d’opposants (Khider, Krim, etc.), implication dans l’élimination du président Mohamed Boudiaf, tué le 29 juin 1992, dans la mort des moines de Tibhirine, etc.

Tout en rappelant les crimes des islamistes, l’auteur apporte, sans manichéisme, un regard nouveau sur la guerre civile ayant ensanglanté l’Algérie durant les années 1990. Ce livre permet également de découvrir les dessous de la guerre que se livrent l’Algérie et le Maroc à propos du Sahara occidental, les détails sur l’assassinat, en 1987 à Paris, d’André Ali Mecili, un avocat franco-algérien.

Il revient sur la personnalité et le rôle des différents patrons de ces services : de Abdelhafid Boussouf, leur fondateur, à Mohamed Mediène alias Toufik, qui les dirige depuis 1990. Riche en révélations et témoignages inédits, cet ouvrage relate l’histoire des cinquante années d’une Algérie indépendante sous l’emprise d’une police politique aussi opaque qu’omniprésente, qualifiée par beaucoup d’Algériens de «premier parti politique du pays».

Résultat de plusieurs entretiens avec des responsables civils ou militaires, de rencontres avec d’anciens officiers des «services», cette enquête décrit le rôle joué par le renseignement militaire dans l’histoire du Mouvement national algérien, et sur son utilisation par les hauts gradés comme instrument de pouvoir d’un régime autocratique qui a beaucoup de mal à s’ouvrir à la démocratie.

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grandes figures de la Sécurité Militaire algérienne (D.R.S.)

 

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Abdelhafid Boussouf

 

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Kasdi Merbah

 

medienemohamed
Mohamed Mediène alias Toufik

 

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premier chapitre

Toujours est-il que le 18 octobre 1970, Krim Belkacem, membre fondateur du FLN et ancien ministre au sein du GPRA, est étranglé avec sa ceinture et sa cravate dans sa chambre d’hôtel à Francfort après avoir été chloroformé très probablement par plusieurs hommes. Cette pratique, héritée du temps des maquis et de la clandestinité, continue de permettre au régime d’estimer que les contentieux se règlent en interne, en silence et avec cette manière qu’ont les pouvoirs autoritaires et dictatoriaux, sinon mafieux, d’assainir leurs propres rangs en éliminant ceux qui furent leurs amis, camarades, complices, chefs ou subordonnés. Certains parleront de la «raison d’État», mais il est question en vérité de la «raison d’un pouvoir» dont les membres sont souvent prêts à perdre la raison lorsqu’il s’agit de garder ce même pouvoir.

Alger et Paris s’espionnent

Cette série d’assassinats politiques ne doit pas occulter le fait que la SM est employée non seulement dans le musellement de l’opposition, mais aussi dans le renseignement à même d’éclairer la politique de Houari Boumediène. Cela est d’autant plus vrai qu’à peine au pouvoir, son premier but est de nationaliser les richesses du sous-sol dont l’exploitation était assurée jusque-là par des entreprises détenues majoritairement par des firmes étrangères. De ce point de vue, la question relative à la nationalisation des hydrocarbures était devenue, dans l’esprit du chef de l’État algérien, une «véritable obsession».

En plein conflit israélo-arabe en 1967, Boumediène décide de gérer l’après-rupture des relations diplomatiques avec les États-Unis. Par solidarité avec les «pays frères» et pour se doter d’une stature populaire dans le monde arabe et auprès de la rue algérienne, il a officiellement coupé les ponts avec Washington, mais il sait par ailleurs que son pouvoir, s’il a beaucoup à gagner d’une telle position, perd énormément sur le plan économique, puisque les États-Unis subventionnaient certains produits agricoles de première nécessité importés par l’Algérie et accordaient à ce pays fraîchement indépendant un certain nombre d’aides et autres crédits notamment dans le cadre de ce qui fut appelé à l’époque le programme «Food for peace». Ces facilitations avaient permis aux Algériens de recevoir entre 1962 et 1963, en aides alimentaires, de quoi nourrir 4 millions de personnes.

Le président algérien choisit alors de faire preuve d’un extraordinaire cynisme qui l’incite à adopter un double discours et à jouer ainsi sur deux tableaux. Dans la forme, la prose présidentielle est «anti-impérialiste», sévère à l’égard de l’hégémonie américaine qui de surcroît soutient «l’ennemi sioniste». Boumediène décide, en même temps, de prendre le contrôle de plusieurs entreprises pétrolières présentes dans le sud du pays, en les mettant sous tutelle algérienne : El Paso, Mobil, Shell, Esso, etc. (...)

6028271-8990665
Mohamed Siafoui

 

9782847366426FS

 

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12 août 2013

Camus et le terrorisme, par Jean Monneret

9782841867097FS

 

 «À l'heure ou nous parlons, on jette des bombes

dans les tramways d'Alger. Ma mère peut ...»

un livre de Jean Monneret sur Camus

général Maurice FAIVRE

 

Dans cet ouvrage, Jean Monneret s'applique à retracer ce que fut l'évolution intellectuelle d'Albert Camus face au système politique du terrorisme. Il analyse les principaux ouvrages de l'auteur, dont l'Homme révolté et Les Justes, et les commentaires qu'en ont tirés Olivier Todd, Robert Zaretsky et Michel Onfray.

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Il part de la déclaration du Prix Nobel en décembre 1947 - déclaration souvent falsifiée - qu'il rectifie comme suit :
«À l'heure ou nous parlons, on jette des bombes dans les tramways d'Alger. Ma mère peut se trouver dans l'un de ces tramways. Si c'est cela la justice, je préfère ma mère». Il contredisait ainsi le sens de l'Histoire des idéologues, et l'idée que «la fin justifie les moyens».
 
Exclu du parti communiste en 1937, Camus a suivi les contradictions du communisme à l'heure du voyage de Laval en Russie. En Algérie, ces contradictions conduisaient à accuser les nationalistes de fascisme.

En 1942-43, l'expérience de la Résistance, à Lyon puis à Paris, révèla à Camus l'abjection totalitaire du nazisme et du stalinisme, et lui fit condamner l'avilissement de l'homme dans les camps. Il constatait également que la résistance française ne pratiquait pas le terrorisme, contrairement à l'opinion de Badinter.
 
L'opposition de Sartre contre Camus, développée dans les colonnes des Temps modernes, met en lumière le rôle des juges-pénitents, compagnons de route de la révolution soviétique, elle-même héritière de la terreur de 1793. La même illusion conduit au soutien du FLN, adepte du terrorisme révolutionnaire, et dont la prétention laïque s'appuie en fait sur la théocratie islamiste et provoque la guerre civile arabo-musulmane.

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Tout en condamnant la pratique de la torture, Camus observe que la dénonciation de la répression encourage les terroristes. L'échec de sa campagne pour la Trève civile entraîne son refuge dans le silence, face à une situation inextricable où l'Algérie meurt de résignation généralisée.
 
Passant en revue les justifications de la violence «libératrice du peuple», de Zohra Driff à Pontecorvo et à l'exposition du Musée de l'Armée, l'auteur relève un nœud inextricable d'accusations qui se poursuit dans la guerre civile des années 90. La vertu du révolté, selon Camus, serait au contraire de ne pas céder au mal.
 
La thèse camusiennne de 1937, Métaphysique chrétienne et néoplatonisme, révèle certains ressorts de sa philosophie. Il oppose l'héritage gréco-latin de Plotin et Saint Augustin au messianisme marxiste et au nihilisme des mauvais génies de l'Europe (Hegel et Nietzsche). Il se prononce ainsi pour la philosophie méditerranéenne de la mesure.
 
En conclusion, Jean Monneret estime que le terrorisme, devenu islamiste et mondial, appelle le recours aux armes spirituelles. Plusieurs annexes documentées complètent cette réflexion enrichissante.
Maurice Faivre
le 12 août 2013

Jean Monneret, Camus et le terrorisme, Michalon, septembre 2013, 190 pages, 16 euros.

 

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21 août 2014

droit de réponse d'Armelle Mabon

Armelle Mabon couv

 

 

Commentaires sur la lettre ouverte

de Julien Fargettas au président

de la République (4 juillet 2014) ayant pour

objet le 70e anniversaire de la tragédie

de Thiaroye

(Sénégal, 1er décembre 1944)

 Armelle MABON

 

Le 6 juillet 2014, Julien Fargettas, chercheur associé à l'unité de recherche «Croyance, Histoire, Espace, Régulation politique et administrative» (CHERPA) de l'Institut d’études politiques d'Aix-en-Provence, m'a transmis un retour sur «la synthèse sur le massacre de Thiaroye» du 27 mai 2014. Il m’a prévenue qu'il avait également écrit au président de la République, sans me transmettre toutefois une copie de ce courrier. C'est par hasard que je l'ai découvert ce jour sur le site internet Études Coloniales.

Dans ma synthèse, j'ai fait état de mes travaux sans attaquer quiconque. Julien Fargettas, dans sa lettre publique, s'autorise à violemment dénigrer mon travail d'historienne. Je souhaite, par la présente, apporter quelques commentaires pour défendre tout à la fois mon travail et mon métier.

Julien Fargettas fait-il allusion à ses propres travaux quand il affirme que «L'Histoire scientifique n'a pu que très sommairement s'emparer du sujet » (sic) ? Pour ma part, j'ai bénéficié d'un congé pour recherche de six mois, consacré presque exclusivement à des investigations sur Thiaroye.

J'avais déjà mené des recherches préalables, reprises par mes soins après la publication de mon livre Les prisonniers de guerre "indigènes" : visages oubliés de la France occupée (Paris, La Découverte, 2010). J'ai, ensuite, publié un article sur Thiaroye, «Le massacre des ex-prisonniers de guerre coloniaux le 1er décembre 1944 à Thiaroye (Sénégal)», dans l’ouvrage collectif Nouvelle histoire des colonisations européennes (XIXe-XXe siècles) : sociétés, cultures, politiques, dirigé par Amaury Lorin et Christelle Taraud (Paris, presses universitaires de France, 2013). J'ai, depuis, inlassablement poursuivi les fouilles d’archives, collecté et recoupé le plus d'informations possibles dans des divers fonds, en France et à l’étranger.

 

archives consultées

Je considère, dans ces conditions, que je ne me suis pas emparée de ce sujet «sommairement» (sic). C'est la raison pour laquelle je me suis sentie autorisée à alerter le président de la République et les ministres concernés sur les nombreuses et fâcheuses erreurs entourant Thiaroye. Il est faux de déclarer que j'ai saisi le président de la République en octobre 2012 : je l'ai fait en mai 2014 après un patient travail de longue haleine. Mise à part une circulaire retrouvée par les archivistes du Service historique de la Défense (SHD), aucune pièce n'a été mise à ma disposition. J'ai dû demander au bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC) les dossiers individuels qui m'avaient été signalés par le ministre de la Défense lui-même.

Julien Fargettas mentionne l'omission d'autres archives, sans préciser lesquelles. Outre les archives du SHD, j'ai consulté, en France, les Archives nationales d’outre-mer (ANOM) ; le dépôt central des archives de la Justice militaire (DCAJ) ; les archives de l'Assemblée nationale ; les Archives nationales ; plusieurs fonds d'archives départementales ; et les archives de l'Académie des sciences d'outre-mer. J'ai également interrogé le Centre d’histoire et d’étude des troupes d’outre-mer (CHETOM). Ces recherches archivistiques en France ont été complétées, à l’étranger, par des recherches auprès des Archives nationales sénégalaises et des Archives nationales britanniques. J'ai, en outre, consulté de très nombreuses archives privées. Je poursuis actuellement les investigations auprès des Archives nationales américaines et du Centre des archives économiques et financières (CAEF).

En revanche, si je me réfère aux notes du chapitre consacré à Thiaroye dans l'ouvrage Les tirailleurs sénégalais : les soldats noirs entre légendes et réalités (1939-1945) de Julien Fargettas (Paris, Tallandier, 2012), seules les archives du SHD et des ANOM sont référencées à partir de la note 104, avec un doute sur la côte 5D302 et les «Ibid.» qui suivent.

Il est particulièrement étonnant de constater qu'un historien prétendant travailler sur Thiaroye n’ait pas consulté par exemple le carton DAM 3 aux ANOM, contenant la cruciale enquête Mérat et d'autres informations indispensables pour comprendre Thiaroye. Il existe également des données importantes dans les centaines de télégrammes échangés, dès lors que l’on veut bien prendre le temps de les dépouiller.

Quant à mes prétendus «conclusions hâtives» (sic) et autres «raccourcis incohérents» (sic), ainsi que ma supposée «partialité» (sic), il conviendrait, avant de se permettre de formuler des jugements aussi graves, de prouver que je n'ai pas confronté les sources, base méthodologique du métier d’historien. J'ai mené ce travail minutieusement, en sollicitant des personnes ressources si nécessaire, qui peuvent d’ailleurs en témoigner le cas échéant.

En octobre-novembre 2006, dans un article publié dans la revue Vingtième siècle, revue d'Histoire, Julien Fargettas jugeait : «Le travail d'Armelle Mabon semble aujourd'hui le plus complet. [...] Certaines interrogations s'apparentent toutefois à des prises de position et contribuent à nuire à l'indéniable qualité de ce travail».

 

télégramme sur les soldes de captivité

En effet, je m'interrogeais alors déjà sur l'absence, dans les archives, d'un télégramme du 18 novembre 1944 sur les soldes de captivité. Avec la découverte de la circulaire du 4 décembre 1944, faisant croire a posteriori que les rapatriés avaient perçu avant l'embarquement l'intégralité de leurs soldes, on comprend mieux, dès lors, pourquoi ces documents officiels ont disparu des cartons d'archives dédiés à Thiaroye au SHD, la spoliation des rappels de solde pouvant apporter une explication au massacre.

À aucun moment, dans ses travaux publiés sur Thiaroye, Julien Fargettas n'a émis le moindre doute sur la  véracité des informations contenues dans les rapports, courriers et télégrammes déposés aux archives. Être historien, c'est pourtant questionner la source et son statut, ainsi que les circonstances et les conditions de sa production.

Quant à la demande opportuniste de créer un comité pour «faire le point sur les sources, les traiter, les analyser» (sic), je regrette de signaler qu'une grande partie de ce travail a déjà été accompli par plusieurs historiens.

Que faut-il comprendre, enfin, par «la volonté de s'affranchir des controverses qui, jusque-là, n'ont pas permis à la connaissance de l'événement de s'établir» (sic), si ce n'est, précisément, le refus de Julien Fargettas de voir la réalité de la spoliation, des falsifications, des mensonges, du massacre et du procès mené à charge ?

Arrivée au terme de cette longue recherche et après avoir étudié en détail l'instruction du procès, ce que n'a pas fait Julien Fargettas alors que ces archives sont accessibles, j'ai pu clairement établir le doute sur la culpabilité des condamnés. C'est pourquoi il me paraît judicieux que la commission de révision de la cour de Cassation soit saisie à l’occasion du 70e anniversaire du massacre de Thiaroye en décembre prochain. C'est par ce chemin honorable que la France parviendra à faire œuvre de justice pour ces ex-prisonniers de guerre venus d’Afrique défendre la France.

Armelle Mabon
Maître de conférences des Universités en Histoire contemporaine
Université de Bretagne-Sud
Centre de Recherches historiques de l'Ouest, CERHIO CNRS UMR 6258
28 juillet 2014

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2 novembre 2013

les troupes coloniales et la Grande Guerre

colloque Reims

 

colloque international

les troupes coloniales et la Grande Guerre

Reims, 7 et 8 novembre 2013

 

Marocains à Compiègne

 

«Les Troupes coloniales et la Grande Guerre»

Colloque international

Reims, Salle Clovis, Centre des Congrès

7 et 8 novembre 2013

Organisé par le Centre d’Études et de Recherche en Histoire Culturelle

(CERHIC) de l’Université de Reims Champagne-Ardenne

Avec le soutien financier de Reims Métropole et du CERHIC

 

tirailleurs algériens Reims

 

Séance inaugurale

8 h 30 – Accueil des participants

9 h 00 – Introduction par Jean-Jacques Becker (Université Paris X-Nanterre)

 

Première partie. Combattre

9 h 30 – Lancelot Arzel (Centre d’Histoire de Sciences-Po),

«La Force Publique dans l'État indépendant du Congo : à la pointe de la violence coloniale ? (1885-1908)»

9 h 50 – Julie d'Andurain (École militaire – CDEF),

«La genèse de la Force noire, au détour de la correspondance Gouraud-Mangin et de la littérature coloniale (1900-1920)»

10 h 10 - Antoine Champeaux (Lieutenant-colonel, officier adjoint du général délégué au patrimoine de l’armée de terre),

«Les tirailleurs sénégalais dans la Grande Guerre : instruction, entraînement, emploi»

10 h 30 - Richard Fogarty (Université d’Albany, États-Unis),

«Les “bons musulmans” : la propagande allemande en direction des prisonniers de guerre nord-africains» des troupes coloniales françaises»

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10 h 50 – Discussions

11 h 00 – Pause-café

11 h 10 - Julien Fargettas (Institut d’Études Politiques d’Aix-en-Provence),

«La bataille du Dobro Polje, les troupes coloniales françaises et le front d'Orient»

11 h 30 - Laurent Jolly (Université de Pau, LAM),

«Les tirailleurs africains de Djibouti»

11 h 50 - Bastien Dez (Chercheur en Histoire),

«La mutinerie du 61e BTS en 1917»

goumiers algériens

12 h 10 – Discussions

12 h 30 – Déjeuner

14 h 10 - Colette Dubois (Université d’Aix-Marseille),

«Les occultés de la Grande Guerre en Afrique : les porteurs de la Campagne du Cameroun (1914-1916)»

14 h 30 - Daniel Lefeuvre (Université Paris VIII-Saint-Denis),

«L’hôpital militaire colonial de Nogent-sur-Marne pendant la Grande Guerre»

14 h 50 - Michaël Bourlet (Commandant, Chef du cours histoire militaire, Écoles militaires de Saint-Cyr Coëtquidan),

«La promotion des Africains aux grades d'officier»

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15 h 10 – Discussions

15 h 25 – Pause-café

15 h 40 - Anne Samson (Independent Historian),

«The diversity of troops in the South, Central and East African campaigns»

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Deuxième partie. Politique et polémiques

16 h 00 - Vincent Joly (Université de Rennes II),

«Le concept de "races guerrières" dans les armées coloniales européennes»

16 h 20 - Romain Rainero ((Université de Milan, Italie),

«Le refus italien d’utiliser les troupes coloniales»

16 h 40 - Discussions

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— Vendredi 8 novembre —

8 h 30 - Michel Bodin (Chercheur en Histoire),

«Les troupes coloniales et la présence impériale française en Indochine durant la Première Guerre mondiale»

8 h 50 - Jean-Charles Jauffret (Institut d’Études Politiques d’Aix-en-Provence),

«La Grande Guerre, Indochine et front Ouest, vue par le chef de bataillon d’infanterie coloniale Maurice Darnault : journal de marche d’un grand témoin»

9 h 10 - Gilbert Meynier (Université de Lorraine),

«Les Algériens et la Première Guerre mondiale»

9 h 30 - Michel Renard (Université Paris VIII),

«Le fait religieux musulman et l’armée française»

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Diffa (3) Nogent 1918diffa du 16 septembre 1918 organisée dans le Jardin Colonial de Nogent-sur-Marne

 

9 h 50 – Discussions

10 h 15 – Pause-café

10 h 30 - Catherine Nicault (Université de Reims Champagne-Ardenne),

«Le détachement français de Palestine (1917-1918)»

10 h 50 - Dominique Chathuant (Chercheur en Histoire),

«La question des races, source d'un malentendu dans la relation franco- américaine (1918-1919)»

11 h 10 - Pap Ndiaye, (Centre d’Histoire de Sciences-Po),

«Le pari de la dette de sang’ : W.E.B. Du Bois, Blaise Diagne et Gandhi pendant la Première Guerre mondiale»

11 h 30 - Marc Michel (Université d’Aix-Marseille),

«La Force noire et la ‘chair à canon’, Diagne contre Mangin, 1917-1925»

11 h 50 – Discussions

12 h 15 - Déjeuner

Sénégalais Toulouse

 

Troisième partie. Mentalités et représentations

14 h 15 - François Cochet (Université de Lorraine),

«D'un mythe à l'autre : de l'invincibilité à la fragilité. La perception des troupes coloniales (1914-1917)»

14 h 35 - Jérôme Buttet (Université de Reims Champagne-Ardenne),

«Des identités militaires d’outremer ? Le point de vue des graffiti»

14 h 55 - Jean-Yves Le Naour (Université de Toulouse II),

«Inverser le regard : la France et les Français vus par les tirailleurs coloniaux (1914-1918)»

15 h 15 - Joëlle Beurier (Université de Reims Champagne-Ardenne),

«Les troupes coloniales dans les presses illustrées européennes»

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15 h 35 – Discussions

15 h 50 – Pause

16 h 00 - Pieter Lagrou (Université libre de Bruxelles, Belgique),

«Dick van Galen Last et la Honte noire»

16 h 20 - Sandra Maß (Université de Bielefeld),

«Schwarze Schmach : Gender, Race and the Nation in Post-War Germany, 1918-1923»

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16 h 30 - Cheikh Sakho (Université de Reims Champagne-Ardenne),

«La mémoire de pierre et d'airain des troupes africaines»

16 h 50 - Discussions

17 h 10 - Philippe Buton (Université de Reims Champagne-Ardenne), Conclusions

17 h 30 - Clôture du colloque

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Comité scientifique

- Pr. Jean-Jacques Becker, Professeur émérite d’Histoire Contemporaine à

l’Université Paris X-Nanterre, président du Centre de recherche de l’Historial de la Grande Guerre à Péronne

- Pr. Philippe Buton, Professeur d’Histoire Contemporaine à l’Université de Reims Champagne-Ardenne

- Pr. Tony Chafer, Professeur d’Histoire Moderne à l’Université de Portsmouth

- Pr. François Cochet, Professeur d’Histoire Contemporaine à l’Université de Lorraine

- Pr. Colette Dubois, Professeur d’Histoire Contemporaine à l’Université d’Aix- Marseille

- Pr. Richard Fogarty, Professeur d’Histoire Moderne à l’Université d’Albany (États-Unis)

- Pr. Jacques Frémeaux, Professeur d’Histoire Contemporaine à l’Université Paris-Sorbonne

- Pr. Jean-Charles Jauffret, Professeur d’Histoire Contemporaine à l’Institut d’Études Politiques d’Aix-en-Provence

- Pr. Vincent Joly, Professeur d’Histoire Contemporaine à l’Université de Rennes II

- Pr. Gerd Krumeich, Professeur d’Histoire Contemporaine à l’Université de Düsseldorf (Allemagne)

- Pr. Peter Lagrou, Professeur d’Histoire Contemporaine à l’Université libre de Bruxelles

- Pr. Marc Michel, Professeur émérite d’Histoire Contemporaine à l’Université d’Aix-Marseille

- Pr. Romain R. Rainero, Professeur émérite à l’Université de Milan (Italie)

- Pr. Janos Riesz, Professeur émérite de Littérature comparée à l’Université de Bayreuth (Allemagne)

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Comité de pilotage

- Dr. Joëlle Beurier, Université de Reims Champagne-Ardenne

- Pr. Philippe Buton, Professeur d’Histoire Contemporaine à l’Université de Reims Champagne-Ardenne

- Pr. Marc Michel, Professeur émérite d’Histoire Contemporaine à l’Université d’Aix-Marseille

- Cheikh Sakho, Université de Reims Champagne-Ardenne

 

Sénégalais Toulouse 2

 

Contact et inscriptions

Marie-Hélène Morell – Ingénieur d’Études

Tél. : 03.26.91.36.75

Mail : mh.morell@univ-reims.fr

Gratuité pour tout le monde mais inscriptions obligatoires auprès de Marie-Hélène Morell

 

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Sénégalais traversant une ville

 

Goumiers caïds Toulouse

 

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blessé marocain transporté

 

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Villers-Cotterets officier

 

zouaves soupe Compiègne

 

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Sénégalais blesséTirailleurs sénégalais au dépôt de convalescents de Saint-Gaudens

 

 

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7 novembre 2014

Gaston Monnerville, par Jean-Paul Brunet

Monnerville conf Brunet

 

 

Gaston Monnerville, un destin d'exception

Jean-Paul BRUNET

 

Jean-Paul Brunet portrait

 

Jean-Paul BRUNET

auteur de Gaston Monnerville (1897-1991) - Un destin d'exception

Editions Ibis Rouge

fera une conférence sur Gaston Monnerville,

à l’issue de laquelle il dédicacera son ouvrage

 

le jeudi 20 novembre 2014 à 17 h

aux Archives de Paris

18, bd Sérurier, 75019-Paris (M° Porte des Lilas)

Il sera heureux de vous rencontrer

 

L'historien Jean-Paul Brunet parle de Gaston Monnerville

 

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la place du Marché à Cayenne, en 1900 ; Gaston Monnerville est né en 1897

 

Cayenne collège
collège de Cayenne ; est-ce celui fréquenté par Gaston Monnerville ?

 

Cayenne rue de la Liberté
Cayenne, rue de la Liberté, fin XIXe ou début XXe siècle

 

Monnerville jeune
Gaston Monnerville jeune

 

Monnerville résistant
Gaston Monnerville dans la Résistance, août 1944

 

Monnerville bureau
Gaston Monnerville dans les années 1950

Monnerville sortant de chez de Gaulle en 1962

 

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Gaston Monnerville, président du Sénat

 

- biographie de Gaston Monnerville sur le site du Sénat

 

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18 décembre 2014

Fanny Colonna est décédée le 17 novembre 2014 - Les Versets de l'invincibilité

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l'ethnographie mais aussi l'histoire

Fanny COLONNA

 

Si il y une chose cependant que montrent à l'envi les travaux sur la société villageoise (ou tribale) au Maghreb, même les moins négligeables, et bien plus encore ceux qui s'efforcent de reconstruire des systèmes à l'aide de matériaux décontextualisés, c'est que toutes les dimensions de la vie religieuse ne sont pas saisissables dans la synchronie. C'est le cas en particulier de la dimension scripturaire.

Le présent ethnographique villageois offre à l'observation, en effet, de l'oralité et du segmentaire : prédication et charisme des saints vivants, visites aux tombeaux des saints morts, et jusqu'à l'enseignement du Livre au kuttab, tout cela se répète, se ressemble, et pourrait se permuter d'une unité à l'autre.

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Oasis de Chatma dans l'Aurès, marabout de Léla Sfaïa

Dans cette logique, on peut même intégrer des niveaux plus élaborés, les zawaya régionales, par exemple. Comme les confédérations ou presque, elles sont labiles. L'écriture est bien là, si on veut la voir, mais comme élément d'une culture de scribes (1) dont la caractéristique principale localement et dans la pratique semble l'instrumentalisation de l'écrit par l'oralité. Effectivement, pour en savoir plus, il faut aller plus loin que le village, et plus loin que le présent.

De même qu'on ne peut mettre en cause la segmentarité morphologique qui se manifeste dans la synchronie qu'en ayant recours à "différentes histoires" et à des traces écrites, même frustres, comme les généalogies et les chroniques, pour reconsidérer autrement le schéma de l'égalité des segments et de la non-ingérence des lignages religieux dans le pouvoir et l'accumulation (2), de la même manière, la prise en compte d'un espace et d'une durée englobant permet d'apercevoir l'autre extrémité du spectre et d'appréhender un système religieux régional dont l'observatoire villageois ne livre pas toute la vérité.

En un mot, si je voulais saisir le changement religieux, le lien entre les villageois, les lettrés et l'histoire, il me fallait considérer la durée.

Cela m'a conduit à explorer la période allant approximativement du milieu de ce siècle au milieu du siècle précédent, dans ce sens précisément, c'est-à-dire à reculons. Il se trouve que cette séquence de temps possède une réelle cohérence, spécialement du point de vue de l'histoire religieuse, mais, si je puis dire, de manière négative : c'est celle qui, dans l'Aurès, va de la fin des grandes insurrections aux débuts de la guerre d'indépendance.

 

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oasis de Baniane dans l'Aurès, marabout de Sidi Lakdar

D'un point de vue plus large que politique, cette césure est absolument pertinente, marquée à ses débuts par l'abandon des moyens des résistance traditionnels (jihad ou siba, comme on voudra), et l'invention de nouveaux modes d'encadrement et de leadership religieux, très liés contrairement au sentiment général, à des emprunts au monde islamique extérieur. À son terme, cette période est marquée par l'organisation de la wilaya I dont l'implantation aura sonné la fin du contrôle absolu des clercs sur la vie locale, au profit du Djeich (l'Armée de libération nationale), contrôle qui, comme on va le voir, est leur attribut essentiel, et dont la richesse est à la fois la conséquence et le moyen.

Prendre cette période comme un tout, c'était en restituer l'unité, y déceler une évolution progressive, une infinité de changements lents, minuscules, mais continus, plutôt qu'une cassure en son milieu, comme le veut la lecture réformiste locale des faits, qui coupe ce siècle en une jahiliya (barbarie), avant les années trente, et une nahda (renaissance), depuis. Ténèbes et lumières. État sauvage et civilisation.

Il s'agit là de la transposition sans le temps de la coupure entre le pouvoir et les paysans, qui s'est consolidée avec l'État moderne. Je retrouvais justement dans ces catégories celles qui ont fait obstacle àa la reconnaissance de l'orthodoxie et/ou de l'humanité civilisée du village ; il était donc essentiel de construire une durée qui permette de contourner cette interdiction de penser, parfois au prix d'un travail très violent contre les représentations les plus assurées des informateurs eux-mêmes. En même temps, il fallait prendre acte (s'en donner les moyens) du sentiment des gens, qui disaient que la religion "n'était plus la même" depuis cette fameuse cassure.

Fanny Colonna
Les versets de l'invincibilité
, 1995, p. 63-65

 

__________

1 - Cf. Jonathan Parry, Johanna Overing (eds), Reason and Morality, ASA Monography 24, 1985.

2 - Paul Pascon et Abdallah Hammoudi, "Segmentarisme, stratification sociale, pouvoir politique et sainteté", Hesperis Tamuda (Rabat), 15, 1974, chap. 3, p. 43, note 1.

 

Aurès cartes postales

 

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Mohammed Harbi

 

intervention de Mohammed Harbi lors de la célébration religieuse en mémoire de Fanny Colonna, en l’église Saint-Jean-Baptiste de Belleville, à Paris, mardi 25 novembre 2014.

Fanny Colonna sera enterrée au cimetière chrétien de Constantine, samedi 29 novembre, à 15 heures.
 
J’ai connu Fanny Colonna, en juin 1975, lors d’un colloque consacré aux rapports entre le politique et l’ethnologie au Maghreb. Sa communication s’intitulait : «Production scientifique et position dans le champ intellectuel et politique : deux cas, Augustin Berque et Joseph Desparmet».

Toutefois, mon rapport à Fanny ne s’inscrivait pas dans le champ académique mais dans le champ politique. Ce fut, d’abord, un rapport à distance. Lycéen à Skikda, je fus un jour sollicité par un chef scout, Zerouk Bouzid, pour assurer la diffusion d’une publication que lui avait envoyée Salah Louanchi : il s’agit de Consciences maghrébines, une revue annonciatrice de la naissance d’un courant de pensée anticolonialiste au nom de la conscience chrétienne.
Le professeur André Mandouze en était l’animateur. Je sus, plus tard, que Fanny appartenait à ce courant, qui constituait une chance pour l’affirmation d’un nationalisme démocratique, œuvrant à une société multiculturelle et multiethnique.

Chacun sait que l’éveil de l’Algérie à une existence historique a fait de grands progrès après 1945. La critique des mythes fondateurs de l’Algérie coloniale, qui gagnait des secteurs de plus en plus étendus de la société, n’épargna pas la communauté européenne.
Une mince frange des chrétiens d’Algérie – prêtres, étudiants et syndicalistes, à l'image d'Evelyne Lavalette, détenue politique – s’attaquèrent aux «écrans accumulés pour nier le caractère politique du problème algérien et le réduire à un problème économique et social». Cette donnée, oh combien féconde, de l’histoire algérienne a été prise en charge à Alger par les Scouts musulmans, avec Mahfoud Kaddache, Salah Louanchi, Omar Lagha, Mohammed Drareni, Reda Bastandji et les centralistes du MTLD – auxquels Fanny a consacré une étude qui revoit les polémiques anciennes à la lumière des politiques de notre temps.

Loin d’atténuer cette avancée, la guerre la précipita.
Des prêtres comme les abbés Albert Berenguer, Pierre Mamet, Jobic Kerlan, Jean Scotto…, les militants de l’AJAAS et les animateurs de Consciences maghrébines s’engagent dans la résistance et incitent l’Église d’Algérie, avec à sa tête le cardinal Duval, et le Vatican à la défendre.
Hommes de l’ombre sur le sol algérien, détenus politiques dans les prisons, exilés à l’étranger, ils ont tous mis leur énergie et leur foi au service de la nation algérienne : «Nous ne venons pas en aide au FLN, dixit Pierre Chaulet. Nous sommes Algériens comme vous : notre sol, notre patrie, c’est l’Algérie, nous la défendons avec vous. Nous sommes du FLN». Cette profession de foi, c’est aussi celle de Fanny. Son amour de la terre natale, qu’elle a exprimé tout au long de la guerre civile des années 1990 et jusqu’à son dernier souffle, a transformé sa vie de manière à lui donner un sens que la mort ne peut lui ravir.

L’hommage que l’Algérie lui doit va aussi à tous les chrétiens que le fanatisme religieux n’a pas épargnés. Ne les oublions pas. Le silence institutionnel sur leur contribution à la victoire contre le colonialisme n’a pas aidé à assurer leur sécurité dans la tourmente qu’a connue l’Algérie ces dernières années. Espérons que le rattrapage en cours y remédiera.
 
Mohammed Harbi
25 novembre 2014

 

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Fanny Colonna

 

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Cher(e)s ami(e)s,
Notre compatriote Fanny Colonna nous a quittés lundi 17 novembre 2014. Elle reposera en sa terre natale, à Constantine, où elle a grandi. 
Une célébration religieuse en sa mémoire aura lieu à Paris, mardi 25 novembre 2014, à 14h30, à l'église Saint-Jean-Baptiste-de-Belleville (139, rue de Belleville, 75019, métro Jourdain).
Nous saluons la mémoire de Fanny Colonna, pour son engagement dans la lutte de libération et les causes démocratiques après l'indépendance, pour son amour du pays – auquel elle consacra la plupart de ses travaux d'anthropologue et de sociologue –, et pour sa contribution d'importance au développement des études de sciences humaines et sociales sur l'Algérie. 
Nous perdons, en sa personne, un des plus fidèles soutiens de notre association.
Toutes nos condoléances à sa famille, à ses enfants Vincent, François, Ugo et Marie.
Pour l'association algérienne en France ACDA (Agir pour le changement et la démocratie en Algérie),
Faïza Aït-Kaci
Paris, le 22 novembre 2014.
PS : ci-joint un lien à une page d'El Watan, où des ami(e)s de Fanny Colonna lui rendent hommage.

 

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18 janvier 2014

critique du livre de Raphaëlle Branche ("Palestro") par Roger Vétillard

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L'embuscade de Palestro selon

Raphaëlle Branche (Armand Colin, 2010)

Roger VÉTILLARD

 

Ce livre est à ce jour le seul publié qui veut étudier la problématique de cette embuscade, mais finalement n'étudie qu'une seule hypothèse. Sa lecture m'a mis mal à l'aise. C'est pourquoi j'ai repris son étude.

Rappel des faits

En Algérie depuis 18 mois des attentats, des guets-apens, des affrontements ensanglantent le pays. Ce 18 mai 1956, une tragédie éclate dans le ciel métropolitain. Jusqu'ici les drames, les morts, les mutilations ne touchaient que les populations d'Algérie.

Cette fois des familles métropolitaines sont confrontées à l'horreur. La presse s'empare de l'événement et en fait l'archétype du sort des jeunes Français dans une guerre qui ne dit pas son nom. Les opposants idéologiques au conflit s'en emparent pour condamner la mobilisation des jeunes Français.

À 60 km au sud-est d'Alger dans les gorges de Beni Amrane, 21 soldats rappelés du 9e RIC sont en patrouille sous les ordres du lieutenant Hervé Artur. Ils n'ont pas 25 ans, ils appartiennent au contingent de 50000 hommes que le gouvernement de Guy Mollet vient d'envoyer en Algérie pour faire la guerre et non la pacification ou le maintien de l'ordre. Ils sont originaires de l'Île-de-France, ils ont déjà fait leur service militaire, mais ne sont nullement préparés à affronter un ennemi dont ils ne savent rien.

La région est sauvage, le danger y est quotidien. Dans les mois qui précèdent 35 Européens y ont été tués.

Le 25 février 1956 une embuscade au col de Sakamody, non loin de là, sous la conduite d'Ali Khodja a fait 8 morts dont une femme et une enfant de 8 ans. Ali Khodja est le responsable de l'ALN de cette région. Cet ancien sous-officier de l'armée française dispose d'une centaine d'hommes répartis en quatre groupes. Il a reçu un mois plus tôt une livraison d'armes et de munitions amenées par Henri Maillot aspirant déserteur et militant communiste.

La section a ses quartiers dans une maison forestière. Artur est un intellectuel né à Casablanca, rappelé à sa demande alors qu'il préparait l'agrégation de philosophie. Il est toujours de bonne humeur et a conquis ses hommes par sa gentillesse. Il a pour mission de sécuriser la RN5 qui relie Alger à Constantine et qui est régulièrement coupée dans les gorges éponymes.

Au petit jour, les 21 hommes dont 5 pères de famille quittent la maison cantonnière. Ils escaladent une piste raide, l'arme à la bretelle, laissant entre eux un espace d'une dizaine de mètres. Serge Dumas porte le FM, il sera le seul rescapé de cette expédition, celui grâce auquel nous en connaissons les détails.

Palestro gorges photo
gorges de Palestro

À l'approche d'une ligne de crête la fusillade éclate. Les échanges de coups de feu durent une vingtaine de minutes. Il y a 15 tués : 6 rescapés sont faits prisonniers, 4 sont blessés, seuls Dumas et Nillet sont indemnes. Avec Caron, le moins touché, ils suivent les rebelles. Les 3 autres sont abandonnés dans une mechta. Les rebelles ont eu 4 morts et des blessés qui seront soignés par les villageois voisins.

L'alerte est donnée par le sergent Raymond Callu resté à la maison cantonnière. Une section du 9e RIC arrive vers 18 heures. Le lendemain 2 cadavres sont retrouvés sur les lieux du combat en compagnie d'un djounoud blessé qui donne des informations : le piège a été monté avec la complicité de la population du douar Amal. 16 corps sont retrouvés affreusement mutilés à 1 km du douar, déplacés vraisemblablement pour tenter de protéger leurs auteurs. Pour le médecin légiste la mort de plusieurs des victimes est survenue plusieurs heures après les combats. Le 23 mai, les légionnaires du 1er REP localisent la bande de Khodja, tuent 27 hors la loi, font 3 prisonniers et délivrent Dumas. Dans le feu du combat, Jean David-Nillet est tué. Les médias s'emparent de cet épisode.

 

L'exégèse de Raphaëlle Branche

L'analyse de Raphaëlle Branche en replaçant l'épisode dans un contexte historique du siècle précédent a un côté séduisant mais aussi un aspect vulnérable criticable.

L'embuscade a fait date. Elle reste un des rares moments distingués dans les récits de cette guerre. Mais elle n'est pas unique. Elle n'est ni la première, ni la dernière, ni la plus meurtrière. Pourquoi occupe-t-elle cette place? Plusieurs arguments sont avancés :

- Souvent évoquée de façon subliminale, les erreurs ou les fautes ducommandement sont soulignées : "Les hommes envoyés garder les gorges de Palestro comme leurs camarades installés en d'autres points du territoire algérien, sont peu au fait des réalités locales… Le Français rappelé "type 1956" a une formation morale de petit syndiqué en campagne. Quant à la formation militaire, elle laisse bien à désirer".

C'est le bilan de la troupe qu'il a eu à commander depuis le printemps [1] dressé par le commandant Chabot fin 1956. Une étude menée à propos de plusieurs embuscades similaires durant la guerre d'Algérie mais non exhaustive montre que l'erreur de commandement n'est pas exceptionnelle. Ces bévues de la hiérarchie sont autant d'arguments utilisés par les opposants à ce conflit colonial et d'une façon symétrique par les partisans d'une armée de métier. On touche ici l'une des tensions résultant de la mise en place accélérée des renforts en Algérie [2]. Toutefois, l'historienne modère cette critique en rappelant que le bilan de l'embuscade s'inscrit dans la moyenne de la mortalité militaire pour la deuxième partie de l'année 1956 [3].

- la conjoncture politique : le gouvernement de Guy Mollet vient de procéder à un recours massif au contingent, et il utilise cet événement pour justifier sa décision.

- la violence et la cruauté des Algériens sont montrées du doigt et une analogie est suggérée avec l'ensemble de la situation en Algérie, mais les dimensions politiques et militaires de l'engagement sont passées sous silence [4],

- pour en comprendre les ressorts, il faudrait revenir à son nom "Palestro". L'embuscade a lieu sur les hauteurs de ce petit bourg, c'est son nom que les Français utilisent pour désigner abusivement l'événement, dit-elle, car pour les Algériens c'est la bataille de Djerrah.

- plus loin elle affirme que si l'embuscade marque, c'est parce qu'elle fait rejouer des failles anciennes, qu'elle révèle d'anciennes tensions. Sous cet événement une autre histoire est présente : c'est un "palimpseste mémoriel".

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la criticable hypothèse du palimpseste/mémoriel

On revient 85 ans en arrière au moment du massacre de Palestro du 20 avril 1871 pour décrypter celui du 18 mai 1956. Pour elle [5] "Parler de l'embuscade de Palestro [de 1956-nda], c'est inscrire l'action militaire de la guerre dans la continuité de ce massacre [de 1871]".

- Tendre une embuscade puis mutiler les soldats n'est ni original, ni propre aux maquisards des hauteurs de Palestro, ni aux Kabyles, ni aux Algériens ou aux combattants musulmans.

- Enfin, Ali Khodja est un chef exemplaire aimé de ses hommes qui apprécient sa gentillesse et ses qualités humaines, qui épargne les vaincus et impose que des prisonniers soient faits. D'autres épisodes où cet officier est impliqué infirment cette appréciation : les détails de l'embuscade du col de Sakamody le 25 février 1956 ou surtout ceux de la rencontre du 21 septembre suivant avec la section A. G. [6] ne doivent pas avoir été portés à sa connaissance.

 

Des explications singulières ?

Écrire un ouvrage pour dire que le nom de Palestro renverrait plus au souvenir d'un événement antérieur qu'à la localisation de l'embuscade est singulier. En Algérie, dit-elle, on parle de l'embuscade de Djerrah [7], mais sait-elle qu'un tract de l'ALN en juin 1956 la nomme embuscade des Beni-Amrane ? De plus l'embuscade s'est déroulée à 5 km à vol d'oiseau de Palestro bourg de plus de 4000 habitants, alors que Djerrah était une mechta de quelques centaines d'âmes sur les hauteurs des gorges des Beni Amrane appelées aussi gorges de Palestro.

Cette pratique de dénomination des faits de la guerre d'Algérie est courante. Sans remonter aux massacres dits de Sétif où les affrontements dans cette ville ont fait 33 morts dans la population musulmane et se sont terminés à 11h le 8 mai 1945 alors que l'essentiel de l'événement a eu lieu à des dizaines de km les 15 jours qui ont suivi, on peut citer le massacre de Melouza du 3 juin 1957 qui s'est en fait déroulé à Mechta Kasbah près du douar de Beni Ilemane à 11 km à l'ouest de Melouza ou encore la bataille de Souk Ahras en avril 1958 qui s'est déployée à près de 20 km de cette petite ville.

Parler ici de Palestro n'est pas indu, d'autant plus que le nom est familier au vocabulaire français au contraire de ceux des Beni Amrane ou d'Ouled Djerrah. Enfin, il a été donné par la presse française alors que le souvenir de 1871 évoqué par madame Branche est celui des Algériens, cela parait antinomique.

On peut être dubitatif devant la démarche psycho-analytique de Raphaëlle Branche. Où veut-elle en venir ? Attaque-t-elle les théories de l'école de psychiatrie d'Alger pour combattre l'analyse [8] qui explique que la mutilation des corps renvoie à la nuit des temps ? Les psychiatres d'Alger auxquels Franz Fanon s'opposa violemment ont en effet parlé au cours de la première moitié du XXe siècle du primitivisme de la population indigène qui la prédestinerait à une conduite végétative et instinctive. Conception évidemment en accord avec l'air du temps.

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pour Frantz Fanon, ce serait la "dépersonnalisation" le facteur, explicatif
et légitimant, des mutilations des Français par le FLN

Pour Fanon, il faut prendre en compte le fait colonial et la dépersonnalisation qu'il entraine. Pour lui la dépersonnalisation engendrée par la déculturation que subit le colonisé explique son agressivité et dans le cas de Palestro, permet d'interpréter les mutilations des corps.

En quelque sorte, les dégradations imposées aux victimes de l'embuscade de Palestro de 1956 répondraient plus ou moins consciemment à la répression sévère qui a suivi le massacre de 1871. Or aujourd'hui la connaissance de l'inconscient est moins naïve : la dépersonnalisation est surtout névrotique et signe d'une angoisse intense. Elle peut mener à un syndrome dépressif ou en tout cas à la passivité, mais pas à un passage à l'action violente.

À Palestro et ailleurs en Algérie ce sont des révoltés qui agissent. Et la révolte est une action réfléchie mise en œuvre par un groupe conscient qu'il lui est interdit de vivre sa culture et pour lequel éliminer l'ensemble culturel dominant est la seule solution. La révolte n'entre pas dans le champ de la déviance.

Pour le 5e bureau qui conduisait l'action psychologique lors de la guerre, cette pratique de la mutilation des corps relevait d'une pratique culturelle. Il l'a utilisée à des fins de propagande, comme en témoignent les photos de cadavres profanés qui ont été largement diffusées dans la presse ou dans des opuscules de propagande. Il a même utilisé cette méthode brutale en exposant sur la place des villages les cadavres des hors la loi tués au combat, probablement parce que ces spécialistes de l'action psychologique (psychologues, psychiatres, sociologues, ethnologues) étaient convaincus que cette communication était remplie de sens pour ceux qui la subissaient.

Ce n'était pas l'avis de tous les intervenants dans cette guerre psychologique : David Galula était très réservé sur une pratique difficilement admise dans nos sociétés, car elle heurte notre sensibilité où le respect des morts est une valeur très forte. C'est ainsi que France Observateur des 24 et 31 mai 1956 est allé jusqu'à accuser les récits des mutilations d'être de pures créations des services d'action psychologique.

"Mes frères, ne tuez pas seulement…"

Enfin si la mutilation des corps pouvait recevoir une explication liée au palimpseste mémoriel et/ou aux traumatismes causés par la déculturation coloniale, comment analyser les mutilations des corps des moghaznis tués au Abdellys en novembre 1956, ou encore des indépendantistes du MNA massacrés à Melouza en mai 1957, celles de l'officier français blessé, fait prisonnier en janvier 1958 à Aïn Belkacem près de la frontière tunisienne, décédé de ses blessures et dont le corps rendu à l'armée française quelques jours plus tard était également mutilé ou encore des 72 corps retrouvés le long de l'autoroute en juin 1994 dans la même région de Palestro-Lakhdaria, sauf à suggérer que certaines théories résistent mal à la confrontation avec le réel ?

Et puis, faut-il rappeler cette exhortation parue fin 1955 dans "Le Journal des Etudiants" de la Grande Mosquée Ez Zitouna de Tunis à l'attention des algériens en révolte : "Mes frères, ne tuez pas seulement… Mais mutilez vos adversaires sur la voie publique… crevez-leur les yeux… coupez leurs bras et pendez-les" [9] .

Roger Vétillard

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[1] Rapport sur le moral du II/9e RIC, 13 décembre 1956, SHD 1H 2423/1 cité p 42.
[2] P. 52.
[3] P. 53.
[4] P. 8 et 9.
[5] P. 93.
[6] Cet épisode fera l'objet d'une publication prochaine.
[7] P. 10 et 85.
[8] P. 88.
[9] Cité par Jean-Jacques Jordi, Un silence d'État, Soteca éd., p 16.

 

 

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20 février 2014

des Européens avec le FLN dans la guerre d'Algérie

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"soutien européen à la résistance algérienne,

1954-1963"

compte-rendu de lecture

Roger VÉTILLARD

 

Kader Benamara et Fritz Keller, Solidarité en action, soutien européen à la résistance algérienne, 1954-1963, éditions Barkat, Alger 2013.

Fritz Keller et Kader Benamar
Fritz Keller et Kader Benamar

Kader Benamar, algérien, fonctionnaire international, déjà auteur d'un ouvrage remarqué publié en 2012, Éclats de Soleil et d'amertume relatant l'histoire de l'Algérie de 1942 à 1962, s'est associé à Fritz Keller, autrichien, philosophe, militant syndicaliste, auteur de nombreuses publications sur le mouvement ouvrier et estudiantin pour évoquer les groupes qui, en Europe, ont aidé le FLN pendant la guerre d'Algérie de 1954 à 1963.

Les écrits sont nombreux en France et ailleurs en Europe qui évoquent cette question. Mais la plupart d'entre eux limitent leurs recherches à un pays, à une région ou à une mouvance (notamment les trotskistes ou les chrétiens). D'autres publient le témoignage d'un des acteurs de ces événements.

Dans cet ouvrage, les auteurs dépassent ces champs et tentent une revue plus générale qui va de la France aux Allemagnes, de la Suisse à l'Autriche, aux Pays-Bas et au Danemark, à l'Italie, à la Belgique ou encore à la Hongrie et à la Grande-Bretagne.

Des témoignages, quelques documents originaux, des révélations inédites parsèment les 150 pages de ce court opuscule qui sera un guide précieux pour tous ceux qui voudront approfondir ce travail sur ceux que l'on a appelés les "porteurs de valises".

...vite déchantés...

Il faut ainsi parler de ce qui est moins connu : le réseau de rapatriement des légionnaires étrangers établi à Tétouan au Maroc, les aides en argent, en fausse-monnaie, en armes, en assistance diplomatique... Beaucoup de noms, souvent peu connus, sont révélés. Ce réseau d'assistance a tenté de poursuivre ses missions après l'indépendance, surtout sous l'influence des mouvements marxistes-léninistes tant qu'Ahmed Ben Bella fut au pouvoir.

Mais ces mouvements d'extrême-gauche ont vite déchanté. Le FLN se révèle en fin de compte n'être pas la formation progressiste que certains ont imaginée. Les espoirs placés dans l'indépendance algérienne disparaissent rapidement, les perspectives d'une révolution sociale s'estompent peu à peu et en 1965 tous les trotskistes sont expulsés d'Algérie vers la France.

Roger Vétillard
janvier 2014

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20 octobre 2014

hommage à Daniel Lefeuvre sur Radio Courtoisie

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Daniel Lefeuvre, un an après

Olivier DARD, Marc MICHEL, Michel RENARD

et Guillaume LEFEUVRE

 

Le 20 octobre 2014, Radio Courtoisie diffusait une émission en hommage à Daniel Lefeuvre, décédé le 4 novembre 2013. Étaient réunis autour de Roger Saboureau et Patrice Boissy : Olivier DARD, professeur à l'université Paris IV-Sorbonne ; Marc MICHEL, professeur émérite à l'université de Provence et Michel RENARD ; professeur au lycée de Saint-Chamond, chercheur ; tous trois amis de Daniel Lefeuvre ; et Guillaume LEFEUVRE, son fils aîné.

 

Radio Courtoisie 20 octobre 2014
de gauche à droite, Michel Renard, Marc Michel et Olivier Dard

 

Radio Courtoisie 20 octobre 2014 (2)
de gauche à droite, Michel Renard, Marc Michel et Olivier Dard

 

1ère partie (18 mn) : https://www.youtube.com/watch?v=uNTQo-v4y0E

Hommage à Daniel Lefeuvre (1951-2013), historien de l'Algérie coloniale (20 octobre 2014).

 

 2e partie : à venir

 

lien

- Secours de France : hommage à Daniel Lefeuvre sur Radio Courtoisie

 

 

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19 février 2015

décès d'Henri Martin (1927-2015), par Pierre Brocheux

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Henri Martin à son procès

 

Salut à toi Henri Martin !

«Tu aurais, en tirant sur eux, assassiné

la République»

Pierre BROCHEUX

 

Henri Martin est décédé le 16 février 2015 à l’âge de 88 ans. Avec lui disparaît un militant communiste mais, le plus important pour moi, il est celui qui a milité pendant des années contre la guerre d’Indochine et contre le colonialisme.

Après avoir participé à la résistance française contre l’occupation allemande, il s’engage dans la Marine nationale pour libérer l’Indochine, alors française, de l’occupation japonaise. Mais lorsqu’il arrive en Indochine, les Japonais ont capitulé. Sur place, Henri Martin est plongé en pleine révolution vietnamienne : Ho Chi Minh a proclamé la République démocratique du Viet-Nam, État indépendant, le 2 septembre 1945.

En fait de soldats japonais Henri Martin combat les résistants vietnamiens qui s’opposent au retour «de la souveraineté française» et il est témoin de massacres de civils vietnamiens. Il fait partie des Français qui refusent d’assumer la contradiction entre l’idéal pour lequel ils ont combattu en France et la reconstruction de l’empire colonial français. Il fut une belle incarnation du citoyen-soldat opposé au prétorien.

Revenu en France, affecté à l’arsenal de Toulon, il lutte pour «la paix en Indochine» par la propagande . Il est arrêté sur la fausse accusation de sabotage, un deuxième tribunal militaire retire ce chef d’accusation mais le condamne à cinq années de détention pour activités antinationales (1950). De nombreux intellectuels de renom (comme J-P Sartre) menèrent une campagne nationale pour sa libération et Henri Martin devint une figure emblématique. Et pour nous, étudiants anticolonialistes, il fut un exemple de la vigueur et de la droiture de ses convictions.

En 1953, il fut libéré avant terme, et nous fûmes plusieurs étudiants à avoir eu la joie d’aller l’acclamer à sa sortie de geôle, lorsqu’il apparut à la fenêtre du journal L’Humanité en compagnie de Jacques Duclos.

Pierre Brocheux

Pierre Brocheux portrait

 

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Henri Martin (7)
L'Humanité avec un dessin de Picasso

 

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Henri Martin (1927-2015)

 

Henri Martin (2)
Henri Martin (1927-2015)

 

Henri Martin (4)
Henri Martin (1927-2015)

 

Henri Martin (5)
Henri Martin (1927-2015)

 

Henri Martin (3)
Henri Martin (1927-2015)

 

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Henri Martin (1927-2015)

 

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Pierre Brocheux portrait tribune
Pierre Brocheux

 

 

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20 avril 2014

Jean Fremigacci, Madagascar à l'époque coloniale

inspecteur indigène en tournée

 

Jean FREMIGACCI

État, économie

et société coloniale à Madagascar

(fin XIXe siècle - 1940)

 

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Madagascar est secoué par des crises politiques récurrentes depuis plus de 40 ans. Cette instabilité traduit un problème de gouvernance qui n’a rien de conjoncturel, mais qui résulte du fossé qui s’est constamment creusé depuis deux siècles entre les populations et les oligarchies successives qui ont monopolisé le pouvoir et les richesses du pays. De ce point de vue, l’État royal du XIXe siècle, l’État colonial du XXe puis l’État post-colonial ont été en continuité. L’ère coloniale (1895-1960) a été un moment essentiel dans cette évolution.

Elle a mis en place en effet un État autoritaire et bureaucratique dont le modèle s’inspirait beaucoup plus de celui de la France d’Ancien Régime que de l’État moderne capable de mettre en oeuvre un processus de développement.

L’administrateur est bien l’héritier de l’Intendant royal de police, justice, finances, et ses moyens au service de la «mise en valeur» se résument au recours à différentes formes de travail forcé (Prestations, réquisition, travail pénal) qui pèsent d’autant plus lourdement que, assez contradictoirement, le pouvoir se lance dans des entreprises de modernisation avec des moyens archaïques, et que la croissance économique est fortement freinée par les contraintes du pacte colonial.

Facteur aggravant, le Fanjakana frantsay, le gouvernement des Français, a dû assumer le fardeau d’une société coloniale déjà largement constituée à la veille de la conquête française, et dont celle-ci a consolidé les cloisonnements, les mentalités et des comportements hérités de l’âge de l’esclavage et du mercantilisme.

Une oligarchie coloniale et un petit colonat surtout créole ont pu ainsi, malgré leur faible dynamisme économique, peser d’un poids très lourd dans le sens d’une accentuation de la contrainte sur les populations. L’insurrection de 1947 devait montrer que le fossé entre le Fanjakana, les gens du pouvoir, et la masse de la population était plus profond que jamais.

Jean Fremigacci est historien de la colonisation. Il a enseigné à l’université de Tananarive puis à l’université de Paris I Panthéon-Sorbonne. Ses recherches actuelles portent sur l’insurrection de 1947 et la décolonisation de Madagascar. Il a récemment co-dirigé Démontage d’Empires (Ed. Riveneuve, 2013).

 

la guerre à Madagascar

 

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Madagascar à l'époque coloniale : le reflet des cartes postales

anciennes

 

Sakaramy eau
Sakaramy, rivière aux approvisionnements d'eau

 

Tamatave la douane
Tamatave, la Douane

 

transports à Finanarantsoa
Madagascar, transports à Fianarantsoa

 

chercheurs d'or
chercheurs d'or dans la région de l'Imame

 

construction voie ferrée
construction de la voie ferrée du lac Alaotra

 

extraction mica
extraction du mica

 

femmes pilant du riz
dans un vala, femmes pilant du riz

 

groupe d'officiers
groupe d'officiers du Commandement supérieur du Sud

 

Majunga anc quai Cie Havraise
Majunga, ancien quai de la Compagnie Havraise

 

Majunga rue de Roves
Majunga, la rue de Roves

 

personnel imprimerie Mission
les directeurs (PP. Genievs et Daniel) et les employés de l'imprimerie de la Mission à Tananarive

 

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Fremigacci couv

 

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cartes de Madagascar, 1888 et 1895

 

carte 1888
La France coloniale illustrée, 1888 (source)

 

carte 1895
Madagascar, carte de 1895

 

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liens

- Jean Fremigacci insurrection à Madagascar du 29 mars 1947 (sur France Inter du 2 avril 2007)

- "Madagascar, colonie française et l'Afrique du Sud" (extraits)

- Histoire et organisation de l'espace à Madagascar de Jean Fremigacci (1989) ; compte-rendu par Jacques Faublée

- Jean Fremigacci : "1947 : l'insurrection à Madagascar" sur Études Coloniales

- Jean Fremigacci : "Madagascar, insurrection de 1947 : ce que révèlent les reconstitutions historiques"

 

Fremigacci couv - Version 2

 

- le livre chez l'éditeur Karthala

 

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29 août 2015

compte rendu du livre de Guy Pervillé, par Gregor Mathias

accords d'Évian 1962 (1)

 

le livre de Guy Pervillé sur les Accords d'Évian

par Gregor MATHIAS

 

Guy Pervillé, Les accords d’Évian (1962). Succès ou échec de la réconciliation franco-algérienne (1954-2012), A. Colin, collection U, 2012, 288 pages.

Guy Pervillé Évian couvGuy Pervillé

Les accords d’Évian ont souvent été vus comme scellant définitivement 132 ans de présence coloniale en Algérie et terminant huit années de guerre. Or, pour l’historien Guy Pervillé, les accords d’Évian ne sont pas uniquement un point d’arrivée, mais sont surtout le début d’un nouveau départ entre le nouvel État et la France. Les nouvelles relations franco-algériennes représentent d’ailleurs la partie la plus importante de l’ouvrage.

Après avoir évoqué la genèse de l’idée de nation algérienne, Guy Pervillé rappelle que les autorités françaises de la IVe République et le FLN n’ont jamais abandonné l’idée de négocier dès janvier 1956. Interrompues avec les événements de mai 1958 et l’arrivée au pouvoir du général de Gaulle, les négociations reprennent à partir de décembre 1959.

 

Les accords d’Évian, «un bien étrange document» (R. Buron)

Si la plupart des commentateurs se sont focalisés sur le non-respect des accords concernant le cessez-le-feu, le sort des supplétifs et les Européens d’Algérie, Guy Pervillé nous rappelle que les 93 pages des accords d’Évian, signés le 18 mars 1962, «[sont] «un bien étranger document» [expression de R. Buron, un des négociateurs français], qui combinaient un accord de cessez-le-feu entre deux forces armées, (…), un accord politique (…) prévoyant d’acheminer par étapes le territoire français d’Algérie au statut d’État indépendant, et enfin un projet de traité entre deux États».

Guy Pervillé évoque les divergences entre le GPRA et les représentants français : la trêve demandée par la France comme préalable aux négociations, la représentativité exclusive des Algériens par le GPRA, le statut des Européens incompatible en contradiction avec l’unité du peuple algérien, le problème du Sahara, territoire intégré ou non à l’Algérie et les bases militaires françaises à Mers-el-Kébir et au Sahara.

Les réactions de la presse aux accords d’Évian sont évoquées allant des éditoriaux de la presse de Nation française parlant «d’un cessez-le-feu qui aggrave la guerre» et la constitution «d’un dispositif guerrier où l’ennemi à battre, est constitué par un million d’Européen et deux millions de musulmans consciemment fidèles» à L’Humanité réclamant désormais «l’épuration des éléments fascistes de l’armée, de la police, de la justice et de la haute administration».

 

Des accords mal respectés par les deux parties

L’ouvrage consacre toute une partie à la difficile application des accords d’Évian. L’OAS sabota les accords en multipliant les attentats contre les Musulmans et les forces de l’ordre. Le FLN «contourne» les accords d’Évian : si l’armée française perd 58 soldats dans des combats avec l’OAS, 32 pertes sont dues aux combats avec l’ALN dans les deux premiers mois du cessez-le-feu. De plus, l’ALN enlève 93 militaires et plus de 1 000 civils entre le 19 mars et le 2 juillet sans compter les massacres d’Européens à Oran.

Les attentats du FLN ne cessent pas, puisque 380 attentats répondent aux attentats de l’OAS. Les anciens supplétifs et les élus sont victimes de représailles, contrairement aux déclarations de garanties des personnes. Le gouvernement français estime que l’exode des Français d’Algérie ne dépassera pas les 100 000 personnes par an pendant quatre ans. Cette estimation sera bien loin de la réalité, puisqu’en mai 1962, ce chiffre était déjà atteint…

La France, elle aussi, n’a pas respecté les accords d’Évian puisqu’elle ne veille pas à sa bonne application : l’armée reste cantonnée dans ses casernes ; les commissions mixtes fonctionnent mal ; les supplétifs et leurs familles menacés ne sont pas rapatriés massivement.

Les accords d’Évian mettent au grand jour les tensions qui traversent le GPRA. G. Pervillé rappelle la démission, le 27 juin, de cinq membres du FLN de l’Exécutif provisoire pour protester contre la non-application des accords d’Évian concernant les enlèvements et les exactions touchant les Européens et protester contre l’anarchie qui s’installait en Algérie.

Il publie des extraits du programme de Tripoli du GPRA du7 juin 1962 estimant que les programmes de coopération des accords d’Évian établissaient des liens de dépendance «néocoloniale» dans les domaines économiques et culturels avec la France et s’opposent à toute présence d’Européens en Algérie. Ainsi voit-on se dessiner, à la veille de l’indépendance en Algérie, au sein de la nouvelle élite algérienne une tendance marxisante francophobe à une tendance réaliste plus francophile souhaitant conserver des liens de coopération avec la France.

 

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la délégation algérienne aux accords d'Évian, mars 1962

 

Une coopération franco-algérienne tumultueuse

Après l’indépendance, la France continue à assurer le fonctionnement financier du Trésor algérien jusqu’au 29 décembre 1962 et accorde une assistance dans les domaines de l’énergie, de l’enseignement et du développement économique d’un montant de 2,3 milliards de francs de 1962 à 1969. Des accords sont signés pour réguler l’immigration algérienne qui passée l’euphorie de l’indépendance cherche à gagner la France pour des raisons économiques.

Les relations franco-algériennes après l’indépendance sont davantage influencées par des intérêts. Pour la France, il s’agit de préserver ses bases d’essais militaires chimiques et nucléaires et ses centres d’exploitation d’hydrocarbures au Sahara, ainsi que de maintenir son influence culturelle en Algérie. De son côté, l’Algérie souhaite conserver le plus longtemps possible l’aide financière française, assurer l’exportation de sa production viticole sur le marché français, permettre l’émigration de travail de ses compatriotes en France, s’approprier les biens vacants des Européens et nationaliser les hydrocarbures du Sahara, seule ressource financière importante de l’Algérie indépendante.

La France n’ayant plus d’intérêt au Sahara après la nationalisation des hydrocarbures, l’Algérie ne dispose plus de moyens de pressions sur elle, les relations que l’Algérie voudrait à nouveau privilégier ne le sont plus dans les années 1970.

L’arabisation de l’enseignement et l’islamisation de la société algérienne dans les années 70 par H. Boumedienne favorisent l’émergence d’une contestation sociale portée par un islam radical. Un premier maquis islamiste apparaît même en 1982 annonçant 10 ans à l’avance la guerre civile algérienne.

En 1991-1992, le régime Chadli impopulaire subit les contrecoups de la chute des prix du pétrole et l’échec électoral face au parti  islamiste du Front islamique du salut.

Guy Pervillé évoque les arguments faisant le parallèle ou non entre la décennie noire de la guerre civile algérienne appelée également «la deuxième guerre d’Algérie» (1990-2000) et la guerre d’indépendance (1954-1962). Il interprète ce retour à la violence comme un refus des autorités algériennes, pendant 30 ans, de faire un travail critique sur l’usage délibéré de la violence dans leurs luttes pour l’indépendance, reprenant ainsi l’autocritique de Mohammed Harbi, acteur de l’indépendance et historien du FLN, qui évoquait «l’échec d’une génération n’ayant pas su trouver les chemins de la liberté».

 

Un ouvrage pour favoriser une meilleure compréhension de notre histoire commune

Cette «génération finissante», selon les mots d’A. Bouteflika au pouvoir depuis 1999, laisse enfin la place à une nouvelle génération d’Algériens qui trouvera dans cet ouvrage les clefs de compréhension de son passé, histoire indispensable à connaître pour procéder à une nouvelle étape de la réconciliation franco-algérienne.

Cet ouvrage dense et passionnant donnera également des connaissances actualisées aux professeurs d’histoire-géographie de lycée préparant leurs élèves pour le programme de «Questions pour comprendre le vingtième siècle» de classe de Première ES/L/S sur l’histoire de la guerre d’Algérie ou le programme de Terminale ES/L/S sur «L’historien et les mémoires de la guerre d’Algérie».

Gregor Mathias

Gregor Mathias

 

 

 

 

 

 

accords d'Évian 1962 (3)

 

 

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9 juillet 2014

70e anniversaire de la tragédie de Thiaroye

Tirailleurs sénégalais août 1944
tirailleurs sénégalais du 8e RTS partis de Tunis le 11 août 1944 (source ECPAD)

 

lettre ouverte au Président de la République

sur la tragédie de Thiaroye (1944)

 Julien FARGETTAS, historien

 

Julien Fargettas                                                                                                                     
Lucenay, le 4 juillet 2014

 

Monsieur le Président de la République
Palais de l'Élysée


Objet : 70ème anniversaire de la tragédie de Thiaroye

 

Monsieur le Président,

Lors de votre dernier discours prononcé à Dakar, vous avez évoqué la question de Thiaroye, ce mouvement de revendications de tirailleurs dits «sénégalais» sortant des camps de prisonniers de guerre allemands et tragiquement réprimé dans le sang au matin du 1er décembre 1944.

L'année 2014 marque le centenaire du déclenchement de la Grande Guerre mais également le soixante-dixième anniversaire de cette tragédie. Alors qu'une série d'initiatives à caractère historique et mémoriel est prochainement organisée par le Sénégal et la France, la question de Thiaroye sera immanquablement au cœur des discussions et ne manquera pas de susciter de nouvelles controverses.

Devenue un symbole en Afrique, la tragédie de Thiaroye est aujourd'hui encore sujette à polémiques et discussions. L'Histoire scientifique n'a pu que très sommairement s'emparer du sujet.

Ne serait-il pas temps qu'un véritable travail historique et scientifique sur le sujet puisse voir le jour ?

Vous avez été ainsi saisi en octobre 2012 du sujet des archives de l'événement par Madame Armelle Mabon. Depuis, de nouvelles pièces ont été retrouvées et mises à sa disposition, lui permettant de rédiger une «synthèse» de l'événement récemment remise à vos services. Si effectivement de nouveaux faits apparaissent, l'omission d'autres archives et témoignages, des conclusions hâtives et autres raccourcis incohérents, témoignent de la partialité de ce travail.

Docteur en Histoire et chercheur associé à l'unité de recherche CHERPA de l'Institut d’Études Politiques d'Aix-en-Provence, spécialiste reconnu internationalement de l'Histoire des soldats africains de l'armée française, je vous propose la constitution d'un comité d'historiens franco-africains chargé de travailler sur le sujet.

Ce comité devra faire le point sur les sources aujourd’hui existantes en France, en Afrique, aux États-Unis ou en Grande-Bretagne, les traiter, les analyser, les vulgariser, les rendre publiques. Ce comité devra rendre publics ses travaux, mais également ses questionnements, ses désaccords et les limites de ses conclusions. Car l’Histoire est ainsi faite, indispensable mais imparfaite, pleine de trous et source illimitée de réflexion.

L'annonce de la création d'un tel comité prouvera l'ouverture d'une France qui accepte de regarder et d'étudier son Histoire, y compris la plus douloureuse. Elle démontrera également sa volonté de s'affranchir des vaines controverses qui jusque-là n'ont pas permis à la connaissance de l'événement de s'établir.

Les bases scientifiques qui seront ainsi établies par ce comité pourront permettre la création d'instruments de vulgarisation et de connaissance accessibles au plus grand nombre, Français comme Africains.

Je suis aujourd'hui à votre entière disposition afin que cette initiative puisse voir le jour à brève échéance.

Je vous prie d'agréer, Monsieur le Président, l'expression de mes sentiments les plus respectueux.

Julien Fargettas
julienfargettas@gmail.com

 

Copies :

  • Monsieur le Premier Ministre
  • Monsieur le Ministre de la Défense
  • Monsieur le Ministre des Affaires Étrangères
  • Monsieur le Président de l'Assemblée nationale
  • Monsieur le Président du Sénat
  • Madame la Présidente de la Commission de la Défense nationale et des forces armées
  • Monsieur le Président de la Commission des Affaires Étrangères et de la Défense et des Forces Armées du Sénat
  • Monsieur le Secrétaire Général de L'Organisation internationale de la francophonie
  • Monsieur le général commandant le Service Historique de la Défense

 

Pièces jointes :

  • «Synthèse» de Madame Mabon
  • Commentaires de la «Synthèse»
  • Article de la revue 20ème Siècle
  • C.V. Julien Fargettas

 

camp Thiaroye auj
camp de Thiaroye aujourd'hui (Google Maps)

 

- droit de réponse de Madame Armelle Mabon.

 

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8 août 2013

sur l'Afrique : quelques livres lus par Marc Michel

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source

 

lectures africaines critiques

Marc MICHEL

 

- Monsieur X/ Patrick PESNOT, Les dessous de la Françafrique, Les dossiers secrets de Monsieur X, Nouveau Monde éditions, 2008, 396 pages

Il y a des livres qu’il vaut mieux ignorer. Celui-ci en est un. Ramassis de ragots et de soi-disant «révélations» de seconde main, cet ouvrage est du plus mauvais journalisme.

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- Achille MBEMBE, Sortir de la Grande Nuit, Essai sur l’Afrique décolonisée, La Découverte, 2010, 246 pages,

Ce livre ne s’adresse sans doute pas à un public qui voudrait avoir une information générale et pratique sur l’Afrique. On doit à l’auteur, actuellement professeur d’Université en Afrique du Sud, des travaux remarquables sur le «maquis» au Cameroun pendant la décolonisation de ce pays.
Cet ouvrage, écrit dans une langue souvent d’accès difficile, n’est ni un ouvrage d’histoire, ni un ouvrage de géopolitique, ni un ouvrage d’anthropologie, mais une réflexion où se mêlent des considérations, parfois assez obscures, sur les mondes noirs contemporains, sous des rubriques où les néologismes audacieux (la «déclosion» du monde) voisinent avec des images qui désarçonnent le lecteur. Au total, on ne voit pas très bien, en définitive, à qui s’adresse cet essai, en tout cas, pas à l’historien, ni au géographe.

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- Tidiane N’DIAYE, Par-delà les ténèbres blanches, enquête historique, Continents noirs/NRF/Gallimard, 2010, 157 pages.

Second livre du même auteur après le Génocide voilé, dénonçant les traites arabes à travers le Sahara, à être diffusé par l’excellente collection des Continents noirs, ce dernier ouvrage est un acte de foi dans l’avenir d’une Afrique du Sud débarrassée de son démon racial.
Il constitue aussi une bonne mise au point sur les problèmes majeurs de l’histoire de cette partie du continent africain : la nature de l’immigration européenne, l’antériorité de l’occupation noire du pays, la résistance bantoue, l’apartheid évidemment, l’espérance enfin.
On pourra discuter, ne pas être toujours convaincu : parler de projet d’extermination des populations noires est contradictoire avec celui d’exploitation de leur force de travail ; faire des Anglais les ancêtres de l’apartheid est, pour le moins, paradoxal. Mais les  points de vue sont étayés, intelligents et méritent considération. Accompagné d’un lexique, d’une chronologie et d’une bibliographie (malheureusement essentiellement francophone) l’ouvrage n’est pas inutile. Il ne remplace pas cependant la remarquable et érudite Histoire de l’Afrique du Sud de François-Xavier FAUVELLE-AYMAR (Le Seuil, 2006).

9782070130412FS


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- Roger BOTTE, Esclavages et abolitions en terres d’islam, André Versaille éditeur, 2010, 388 pages, index.

Voilà un livre dont il est difficile de faire le compte-rendu tant il est riche, dense, érudit et passionnant. Dans son avant- propos, l’auteur, anthropologue et historien arabisant, affirme trop modestement s’en tenir à cinq études de cas pour aborder le sujet. Mais son premier chapitre est d’une toute autre ampleur puisqu’il traite de l’abolition de l’esclavage au regard de la shari’ia.

D’emblée, il pose la question : pourquoi les abolitions de l’esclavage ont-elles été si tardives, parfois très récentes, répétées, en vain, voire inexistantes. Une réponse facile est que le Coran n’a pas clairement interdit l’esclavage et ce qui n’est pas interdit  peut-être licite. Pourtant, la question est d’autant plus importante qu’elle n’a cessé de se poser aux théologiens de l’islam eux-mêmes et que l’esclavage a été – et reste souvent- une institution fondamentale des sociétés musulmanes.

Ces esclaves ont été très longtemps identifiés aux Noirs (aujourd’hui, les travailleurs blancs ou asiatiques des pays du Golfe sont dans une situation comparable) et que le nombre des déportés noirs varie, «selon les auteurs» de 11.500.000 personnes à 17.00.000 plus vraisemblablement et que les sociétés musulmanes n’ont jamais aboli l’esclavage de leur plein gré, sans «fermes pressions extérieures» (p. 15) assimilées d’ailleurs à d’intolérables ingérences extérieures.

Aussi, l’esclavage a-t-il occupé une place formidable dans les sociétés musulmanes, la condition servile elle-même a été extrêmement variable, des esclaves ont pu se trouver partout dans le champ économique comme dans le champ politique et presque à tous les niveaux. Le droit musulman sollicité, en s’appuyant sur trois inégalités fondamentales posées en principes, l’inégalité entre musulman et non-musulman, entre l’homme et la femme, entre libres et non-libres, a pu voler au secours de l’institution (p. 23).

L’affranchissement est une pratique hautement recommandable, comme l’a montré par son propre exemple le Prophète lui-même, mais il  relève d’une démarche personnelle du maître. La comparaison entre islam et christianisme, devenue une tarte à la crème, n’en connut pas moins à la fin du XIXe siècle, un moment précurseur de ce qui fut ressenti comme un premier «choc de civilisation», mais relança aussi les plus grandes controverses à l’intérieur de l’islam lui-même.

À ce sujet, Roger Botte constate que si aucune justification de l’esclavage, religieuse ou raciale (du mythe de la malédiction de Cham)  ne peut être trouvée dans le Coran, la plupart des auteurs musulmans s’accordèrent sur une théorie servitude fondée sur l’accumulation des préjugés infériorisant les Noirs (p. 44) et que le djihad était possible à leur encontre. Plus encore, par une subtile dialectique, certains docteurs peuvent conclure encore en 1940 que «puisqu’il n’y a plus de guerre sainte, autant dire que l’esclavage n’existe plus ou qu’il aura bientôt disparu» (p. 56). Or, le fait est, il a disparu très lentement et il n’a pas disparu comme le montre l’histoire des abolitions dans les cinq cas examinés.

Premier cas, la Tunisie, Etat musulman précurseur même par rapport aux Etats européens chrétiens, l’abolition datant de 1846, sous forme d’une série de mesures visant «l’émancipation» des esclaves noirs qui représentaient 6 à 8% de la population totale. Mais l’esclavage domestique, surtout de femmes, demeurant coutumier, il fallut une «seconde abolition» en 1890. Constat pessimiste : en définitive, l’abolition créa des catégories de sous-prolétaires urbains et ruraux marqués la marque infamante de la servitude et la misère de leur conditions de vie (p.90-92).

Second cas, l’Arabie saoudite. Inutile de rappeler que l’abolition n’y date officiellement que de 1962. Mais les statuts et les conditions des esclaves étaient si variées, si contrastées qu’il est impossible de fournir des chiffres fiables sur leur nombre: 15.000, 30.000, 40.000 dans les années 50, et un nombre très important d’affranchis ? Leur point commun était leur origine africaine, les hommes se trouvant à tous les niveaux de la société, les femmes, par contre, domestiques ou concubines, sort exclusif des Abyssines.

De même dans les émirats voisons. Ce qui est le plus frappant, est d’abord la fonction de grands marchés d’esclaves des villes saintes, alimentés par un flux perpétuel d’arrivées sous le contrôle d’intermédiaires sénégalais, nigérians et maliens (p. 125) ; également, la sensibilité de ces marchés aux fluctuations de l’économie mondiale, décrue pendant la crise des années 30, reprise de la demande pendant la Seconde Guerre mondiale (début de l’exploitation pétrolière), arrêt après la crise de 1956. Paradoxalement, dans la péninsule arabique, islam et servitude ne peuvent aisément être connectés.

Troisième cas, le Maroc. Des isolés se prononcèrent tôt contre l’esclavage, mais le sultan considéra  que la traite et l’esclavage étaient si fondamentalement ancrés dans les traditions et dans la société (on se rappellera la garde noir du sultan et le rôle des favorites) qu’il s’obstina à ne pas les sanctionner, malgré les pressions extérieures de la Grande-Bretagne. Marrakech restait un très grand marché de traite (dont le fonctionnement est remarquablement décrit par l’auteur) au début du XXe siècle. Le Protectorat français, lui, ferma les yeux longtemps sur la traite devenue clandestine dans les années 1930. Le fameux dahir  berbère de 1930, en dressant les nationalistes contre le Protectorat fossilisa la question, l’esclavage ne disparaissant finalement qu’avec l’indépendance ; il n’en reste pas moins que la marque servile subsiste comme ailleurs, associée à l’origine noire.

La Mauritanie et l’insurmontable contradiction entre les termes «République» et «islamique»  (p. 189), quatrième cas étudié est symbolique. Ce pays que connait particulièrement bien l’auteur par ses enquêtes de terrain illustre parfaitement les contradictions entre un État, champion du monde des abolitions (quatre : 1905, 1961, 1980, 2007) et une société dominée par des groupes «blancs», rétive à les admettre et régie par des relations interraciales conflictuelles et dominées par l’esclavage.

Le changement est lent, malgré une tendance ancienne des harâtin à «déguerpir» vers le sud dès les années 1930 ; l’indépendance marqua même un recul de l’émancipation et un renforcement des différences avec l’arabisation; le phénomène nouveau, contemporain, paradoxal et inquiétant, y est peut-être l’apparition d’un islam radical, sans distinction de race ou de classe, s’opposant à un islam conservateur et justificateur d’une institution d’un autre âge.

Enfin, le Soudan, le cas le plus complexe tant ce pays est vaste (le plus grand d’Afrique) et que les divisions ne peuvent se résumer en une simple opposition Nord-Sud, C'est dans cet énorme pays, que la partition a aujourd’hui divisé en deux, que l’esclavage est historiquement enraciné dans le passé au point de représenter 20 à 30 % de la population totale au XIXème siècle, qu’il a engendré une traite meurtrière et qu’un siècle plus tard, dans les années 1990, celle-ci a connu une résurgence contemporaine dramatique dans le nord du Bahr el Ghazal au profit de tribus «arabes» bagara.

La guerre qui a ravagé le pays depuis son indépendance, en 1956 (onze ans de «paix», trente-neuf ans de conflits sanglants, deux millions de morts !), en est évidemment la cause. Mais ce qui rend singulier, et déroutant, le «cas» soudanais est l’imbrication de l’esclavage et de l’ethnicité, et l’instrumentalisation politico-religieuse de la question par le pouvoir central, mais aussi par les forces extérieures, dans un contexte marqué par  la montée en puissance de la «menace terroriste» depuis la dernière décennie du XXe siècle.

À cet égard, le détour de Roger Botte par l’analyse minutieuse de la politique américaine et des stratégies humanitaires est passionnante ; de véritables mises en scène de fausses libérations d’esclaves par rachat ont été organisées à destination de médias internationaux par l’association chrétienne évangélique Christian Solidarity International. Comme au XIXème siècle, lorsque les Pères Blancs rachetaient les esclaves, une complicité objective s’établit entre «acheteurs» et «vendeurs» ayant pour objet la valeur, qu’on ne devrait jamais mesurer, de l’être humain et comme enjeu de la victoire dans une «croisade» de civilisation.

Ajoutons que le livre est accompagné d’un lexique de l’esclavage dans le monde musulman de langue arabe qui est lui-même une mine d’informations.

Roger Bote n’a pas épuisé un sujet. Peut-être. Mais il nous donne tellement à réfléchir avant de juger qu’en même temps, il nous plonge dans des  abîmes de perplexité. On est tenté de lui poser la question : que faire ? Qu’enseigner ? Ce livre est un monument d’érudition et une mise en garde pour ne pas nous céder aux instrumentalisations.

Marc MICHEL

9782874950841FS

 

Roger Botte
Roger Botte

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- la remarquable et érudite Histoire de l’Afrique du Sud de François-Xavier FAUVELLE-AYMAR (Le Seuil, 2006)

9782020480031

 

 

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10 septembre 2016

Accusé chercheur, levez-vous ! par Sonya Faure (Libération, 5 septembre 2016)

Fargettas portrait
Julien Fargettas, historien, chercheur, accusé de "diffamation"

 

un précédent déplorable

Le 18 septembre 2014, Armelle Mabon, maître de conférences en histoire contemporaine à l’université de Bretagne-Sud, se constituait partie civile auprès du Tribunal de Grande Instance de Paris, pour «diffamation» envers un fonctionnaire public.

Par qui avait-elle été «diffamée» ? Selon elle, par un autre historien : Julien Fargettas.

Rappel des faits.

Le site Études Coloniales publie le 9 juillet 2014, une Lettre ouverte au Président de la République sur la tragédie de Thiaroye (1944) dans laquelle Julien Fargettas évoque, notamment, la «partialité» du travail d’Armelle Mabon sur le sujet.

Celle-ci envoie un droit de réponse, publié le 21 août 2014. Elle «souhaite, par la présente, apporter quelques commentaires pour défendre tout à la fois mon travail et mon métier».

Dans un courriel adressé à Études Coloniales, elle précise : «En vous remerciant pour cette diffusion sur votre site qui a le mérite de porter à la connaissance du plus grand nombre des réflexions importantes sur l’histoire coloniale».

Classique controverse entre historiens, entre spécialistes d’une question ou d’une période.

Mais Armelle Mabon ne semble pas satisfaite. N’écoutant pas les conseils de ses pairs ni ceux de son université, elle soumet cet échange à la Justice. Depuis deux ans, les aléas de sa plainte finissent par aboutir à une date de procès devant se tenir en mars 2017.

Les mis en cause sont les deux responsables de publication (Michel Renard pour Études Coloniales, et Marwane Ben Yahmed pour Jeune Afrique) et leur «complice», Julien Fargettas.

C’est, évidemment, déplorable.

Études Coloniales

 

 

 

 

Accusé chercheur, levez-vous !

 Sonya FAURE (Libération)

 

Attaqués par des entreprises, des politiques, voire leurs propres collègues, de plus en plus d’universitaires se retrouvent au tribunal pour diffamation. Quand la controverse dérape, la justice prend le relais.

 

De l’amphithéâtre au tribunal. Des manuels scolaires aux procès-verbaux. Le cas est rare, mais pas anecdotique : deux historiens, Julien Fargettas et Armelle Mabon, vont régler leurs différends devant des juges en mars 2017.

Nouveau signe d’une tendance plus large : l’intervention, de plus en plus fréquente, de la justice dans les enjeux de recherche et les débats scientifiques. Or, «si la loi doit servir de cadre de référence à la recherche, alors c’est le juge qui décide de ce que le chercheur a le droit de dire et de publier», écrit l’historienne Catherine Lutard-Tavard, qui a fait les frais de poursuites devant les tribunaux il y a quelques années (1).

L’affaire remonte à l’été 2014. Julien Fargettas publie une lettre ouverte à François Hollande sur le sujet, hautement polémique, du massacre de Thiaroye. Le 1er décembre 1944, des gendarmes français fusillent, dans un camp militaire proche de Dakar, des dizaines de «tirailleurs sénégalais» qui viennent d’être libérés des camps de guerre allemands et revendiquent le paiement de leurs indemnités.

François Hollande avait été le premier président français à reconnaître «la répression sanglante» de Thiaroye et à promettre de donner au Sénégal les archives françaises.

 

Passes d’armes

Dans sa lettre ouverte, publiée notamment dans le journal Jeune Afrique [1], l’historien réclame la «constitution d’un comité d’historiens franco-africains» sur le sujet. Mais il critique aussi vertement les travaux d’une de ses consœurs, Armelle Mabon : «L’omission d’archives et témoignages, des conclusions hâtives et autres raccourcis incohérents, témoignent de la partialité de son travail.»

Lettre ouverte Fargettas dans Études Coloniales 9 juillet 2014
la Lettre ouverte de Julien Fargettas
sur Études Coloniales, 9 juillet 2014 (source)

Celle-ci réplique en portant plainte contre Fargettas pour diffamation. La procédure est en cours, et les récentes tentatives de conciliation entre les deux historiens ayant échoué, un procès est prévu pour mars 2017.

Tous deux se connaissaient pourtant depuis longtemps. «On a échangé pendant des années sur le sujet, chacun enrichissant la connaissance de l’autre», rapporte Julien Fargettas, chercheur à l’institut d’études politiques d’Aix-en-Provence, qui travaille sur les tirailleurs sénégalais depuis près de vingt ans (2).

Mais les thèses des deux historiens ont fini par diverger fortement - il lui reproche de voir des archives cachées partout, elle l’estime trop proche de l’armée et de ses représentants. Fargettas, plus habitué aux passes d’armes de colloques ou de notes de bas de pages, a découvert les coups de fil d’officiers de police judiciaire, les convocations chez le juge et la mise en examen. «Un événement n’appartient pas un historien, plaide-t-il. En refusant la confrontation des arguments, en portant l’affaire sur le terrain judiciaire, ma collègue neutralise tout échange.»

Où finit la critique d’un travail académique et où commence l’attaque personnelle d’une collègue et de sa probité ? Armelle Mabon est elle aussi une historienne reconnue qui voue ses recherches à dénoncer un «mensonge d’État», comme elle qualifie le massacre de Thiaroye (3). Et elle aussi accuse son confrère d’avoir voulu la faire taire. «"Raccourcis incohérents", "conclusions hâtives", "partialité", cite-t-elle, ce n’est pas de la polémique ou de la controverse, c’est de la diffamation publique : il y a là une volonté d’intimidation qui vise à me faire arrêter de chercher sur le sujet de Thiaroye.»

Mabaon et Fargettas
Armelle Mabon attaque Julien Fargettas pour "diffamation"

L’année prochaine, lors du procès, les juges n’auront pas à trancher sur ce qu’il s’est réellement passé à Thiaroye. Ils n’aborderont pas le fond des recherches des deux historiens, mais la forme de leurs passes d’armes, au prisme de la très riche jurisprudence autour de la diffamation et de la liberté de controverse.

«Nous ne demandons pas aux juges de devenir les arbitres de la recherche historique, prévient Elodie Tuaillon-Hibon, l’avocate d’Armelle Mabon. Mais même les chercheurs doivent respecter certaines règles. Sinon, la controverse scientifique dont ils se réclament ne sera justement plus possible ! M. Fargettas n’a pas dit qu’il contestait les conclusions de sa collègue. Il l’a accusée d’avoir mal fait ses recherches. Il est sorti du cadre, l’intention de nuire est claire.»

 

Honneur bafoué

Qu’une historienne en appelle à la justice pour se défendre des attaques d’un collègue est une extrémité rarissime en France. Dans le monde universitaire, ça ne se fait pas.

La preuve : l’université où travaille Armelle Mabon a décidé de ne pas l’épauler financièrement dans sa démarche. Le conseil d’administration de l’université de Bretagne-Sud a refusé de lui accorder une «protection fonctionnelle» (qui prévoit que l’administration protège tout agent public victime d’attaques dans le cadre de ses fonctions).

Selon un procès-verbal d’octobre 2014 que Libération a pu obtenir, le président de l’université et la directrice du labo d’Armelle Mabon considèrent certes «les propos de Julien Fargettas comme peu courtois». Mais ils enchaînent : «Il appartient aux historiens de débattre entre eux pour dire qui est tenant de la meilleure vérité historique par d’autres biais que par l’assignation en justice de leurs pairs.»

Un autre universitaire présent au conseil d’administration ajoute que «les débats parfois un peu vifs» sont «assez habituels entre chercheurs et en particulier sur ce sujet sensible qu’est le colonialisme. Cette affaire ne relève pas de la diffamation, et n’a pas sa place devant un tribunal.»

Ce qui est de moins en moins rare en revanche, c’est qu’un chercheur se retrouve à la barre, que ce soit en tant qu’accusé ou de témoin. On assiste aujourd’hui à une «montée en puissance de la judiciarisation de la recherche et de la controverse scientifique», comme le notait la revue Socio dans un excellent dossier intitulé «Chercheurs à la barre».

Olivier-Pétré-Grenouilleau

Il y a dix ans déjà, l’historien Olivier Pétré-Grenouilleau [ci-contre] avait dû faire face à une plainte pour négation de crime contre l’humanité venue du Collectif des Antillais, Guyanais, Réunionnais et Mahorais. Dans un entretien au Journal du dimanche, il avait marqué son désaccord avec la loi Taubira, qui reconnaît la traite des Noirs comme un «crime contre l’humanité» : «Les traites négrières ne sont pas des génocides, disait-il. La traite n’avait pas pour but d’exterminer un peuple. L’esclave était un bien qui avait une valeur marchande qu’on voulait faire travailler le plus possible. Le génocide juif et la traite négrière sont des processus différents.»

Emmenés par l’historien Jean-Pierre Azéma, plusieurs centaines d’enseignants et de chercheurs soutiennent alors la liberté d’expression de l’historien menacée par les lois mémorielles, dans une pétition lancée dans Libération. Le Collectif des Antillais, Guyanais, Réunionnais et Mahorais abandonne finalement ses poursuites.

Depuis, ce sont notamment les poursuites en diffamation qui se sont développées. Au nom de l’honneur bafoué d’un politique ou de l’image écornée d’une entreprise, des chercheurs doivent se défendre contre des accusations d’incompétence ou de partialité, comme le soulignent Laëtitia Atlani-Duault et Stéphane Dufoix, qui ont dirigé le dossier de Socio.

Bruno Deffains

L’économiste Bruno Deffains [ci-contre] a ainsi été poursuivi par le patron de Free, Xavier Niel, pour «dénigrement». Dans l’étude très médiatisée qu’il avait menée, cet enseignant à Assas estimait que l’arrivée de l’opérateur Free dans la téléphonie mobile supprimerait plusieurs dizaines de milliers d’emplois. Le tribunal de grande instance de Paris a finalement débouté Xavier Niel… mais entre-temps, l’économiste a vu des policiers débarquer à son domicile pour saisir ses fichiers informatiques.

Autre affaire - cette fois en lien avec le monde politique : les interminables poursuites du politiste Alain Garrigou par Patrick Buisson, alors conseiller du président Sarkozy. Dans une interview donnée à Libération, le professeur de sciences politiques à l’université Paris Ouest-Nanterre analyse les sondages commandés par l’Elysée à l’institut Opinion Way.

Alain Garrigou

Il tonne : «Soit [Buisson] est un escroc, soit c’est un petit soldat qui constitue un trésor de guerre pour payer des sondages durant la prochaine campagne électorale sans que ce soit visible dans les comptes de campagne du futur candidat Sarkozy.» Là encore, les collègues d’Alain Garrigou le soutiennent et l’Association française de science politique (AFSP) écrit dans un communiqué : «Face à la multiplication des actions judiciaires ou disciplinaires visant des enseignants et chercheurs spécialistes de la vie politique contemporaine, l’association rappelle que, comme celle de la presse, "la liberté scientifique ne s’use que si l’on ne s’en sert pas".» Les juges reconnaîtront finalement le caractère diffamatoire des propos d’Alain Garrigou [ci-contre], mais débouteront Patrick Buisson, au nom de la bonne foi du politiste.

Les poursuites judiciaires conduisent à dénigrer les chercheurs qui veulent verser leur savoir, parfois dérangeant, dans le débat public, mais aussi à décourager les plus jeunes de se lancer dans des domaines de recherche polémiques. Aux États-Unis, ces procès ont pris d’énormes proportions et les firmes composent leurs propres collèges de chercheurs pour porter la contradiction, devant les juges, à ceux qu’ils attaquent.

C’est ce que l’historien Robert Proctor appelle l’agnotology, ou comment les avocats de grandes entreprises ont créé, avec des chercheurs, une nouvelle «science», dans le but de produire de l’«incertain». Enjeux pour la recherche comme pour le débat public, donc. Mais aussi, souvent, bouleversement bien plus intime pour les chercheurs concernés.

 

Catherine Lutard-Tavard
Catherine Lutard-Tavard

L’historienne et sociologue Catherine Lutard-Tavard, spécialiste de l’ex-Yougoslavie, a été poursuivie en diffamation alors qu’elle était jeune doctorante par trois de ses collègues français d’origine croate dont elle critiquait le livre dans ses travaux. Ceux-ci réclamaient 30 000 euros de dommages et intérêts et la publication de sa condamnation dans les journaux.

La chercheuse témoigne de son «choc émotionnel et intellectuel» dans la revue Socio. Elle parle de l’«imbrication du droit et de la force», de la «violence verbale du procès». «Par ce déplacement vers la justice, les plaignants m’attribuaient un statut particulier, me salissant et souhaitant m’exclure de la communauté scientifique.»

 

«Autocensure»

Catherine Lutard-Tavard l’emporte en première instance : «Dans le contexte de guerre contre la Yougoslavie, le sujet traité revêt nécessairement un caractère polémique.» Selon les juges, ce contexte «ne saurait exiger de l’auteur de l’article ni modération ni prudence», et autorise «les appréciations les plus sévères voire les plus désobligeantes». Mais la cour d’appel contredit finalement ce jugement : «Madame Lutard-Tavard n’est pas journaliste mais historienne et n’avait donc pas à faire œuvre de polémiste.» Faute d’argent pour continuer à payer les frais de justice et d’avocats, la jeune historienne ne se pourvoit pas en cassation. Elle est donc définitivement condamnée.

Julien Fargettas, lui aussi, supporte difficilement les poursuites. Outre les «milliers d’euros» déjà dépensés en frais d’avocat, «la perspective du procès fait peser un poids très particulier sur vos épaules, confie-t-il. Dans votre travail, vous n’avez plus la même liberté de pensée. Immanquablement, naît une forme d’autocensure car vous pensez autrement aux conséquences de ce que vous écrivez».

C’est que, comme le dit Catherine Lutard-Tavard, «en portant ce conflit non pas sur les bancs de l’université mais en le nommant "diffamation", ils ont choisi le conflit absolu, le combat dans le prétoire». Un combat pour lequel le chercheur est rarement préparé.

Libération
tribune de Sonya Faure
5 septembre 2016 à 17:21

 

(1) Propos recueillis dans le numéro 3 la revue Socio, «Chercheurs à la barre», 2014.

(2) Il a écrit Les Tirailleurs sénégalais, éditions Taillandier, 2012.

(3) Prisonniers de guerre «indigènes». Visages oubliés de la France occupée, éditions la Découverte, 2010.

 [1] ...et sur ce blog en date du 9 juillet 2014 (note de la rédaction d'Études coloniales).

 

Source
http://www.liberation.fr/debats/2016/09/05/accuse-chercheur-levez-vous_1484657

 

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quelques pièces du dossier

 

1) la Lettre ouverte de Julien Fargettas, 9 juillet 2014 * source

 

Lettre ouverte Fargettas dans Études Coloniales 9 juillet 2014
la Lettre ouverte de Julien Fargettas
sur Études Coloniales, 9 juillet 2014 (source)

 

 

2) le courriel d'Armelle Mabon accompagnant le texte de son droit de réponse

 

mail Armelle Mabon juillet 2014

En nous confiant un "droit de réponse", Armelle Mabon ne parlait pas de diffamation et reconnaissait "le mérite" de notre site "de porter à la connaissance du plus grand nombre des réflexions importantes pour l'histoire coloniale"

 

 

3) le droit de réponse d'Armelle Mabon, 21 août 2014 * source

 

Droit de réponse de Mabon sur Études Coloniales 31 août 2014
le Droit de réponse d'Armelle Mabon
sur Études Coloniales, 31 août 2014
(source)

 

 

4) convocation à prévenu (avril 2015)

 

Procédure Mabon (7)

Procédure Mabon (8)

 

 

5) le PV d'interrogatoire de première comparution (23 avril 2015)

 

Procédure Mabon (9)

Procédure Mabon (10)

Procédure Mabon (11)

 

 

6) le réquisitoire du Parquet pour renvoi devant le Tribunal correctionnel

(28 mai 2015)

 

Procédure Mabon (1)

Procédure Mabon (2)

Procédure Mabon (3)

Procédure Mabon (4)

Procédure Mabon (5)

 

 

7) Cour d'Appel : arrêt sur requêtes en annulation de pièces

(23 octobre 2015)

 

Appel oct 2015 (1)

Appel oct 2015 (2)

Appel oct 2015 (3)

Appel oct 2015 (4)

 

 

8) notification d'arrêt de la Cour d'Appel (11 décembre 2015)

 

Procédure Mabon (18)

Procédure Mabon (19)

Procédure Mabon (20)

Procédure Mabon (21)

Procédure Mabon (22)

Procédure Mabon (23)

 

 

9) avis d'ordonnance de renvoi devant le Tribunal correctionnel

(29 décembre 2015)

 

Procédure Mabon (12)

Procédure Mabon (13)

Procédure Mabon (14)

Procédure Mabon (15)

Procédure Mabon (16

Procédure Mabon (17)

 

 

10) mandement de citation à prévenu (12 janvier 2016)

 

Procédure Mabon (6)

 

 

 

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Mabon couv

 

Fargettas couv

 

 

Julien Fargettas et Jacques Frémeaux
Julien Fargettas et le professeur Jacques Frémeaux (Sorbonne)

 

 

- retour à l'accueil

3 janvier 2015

le sacrifice monumentalisé, autour de la Première Guerre mondiale : mosquées et kouba

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Mosquée, 1916 ; kouba, 1918 ; Mosquée, 1920 :

le sacrifice monumentalisé

Michel RENARD

 

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* Cette communication en colloque s'accompagnait d'une présentation Powerpoint, dont chaque image a été insérée dans le texte qui suit lui conférant une dimension d'investigation et de restitution iconographique.

***

 

La Première Guerre mondiale a fait passer le nombre de musulmans présents en métropole de quelques milliers à 500 000 environ, soit 320 000 indigènes mobilisés venus en Europe et 184 000 travailleurs (1). Cent fois plus !

 

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Jacques Frémeaux, Les colonies dans la Grande Guerre, 2006

 

Le chiffre de travailleurs est, cependant, sujet à caution. L’historien Charles-Robert Ageron parle de surévaluation de l’administration. Et ramène ce total à une fourchette de 10 à 15 000 ! Un dixième de l’évaluation officielle, qui comptabiliserait fautivement tous les embarquements, compte non tenu des voyages successifs (2).

 

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un Kabyle, éboueur à Paris, en 1917

 

Si Charles-Robert Ageron a raison, cela expliquerait que nous disposions de beaucoup moins d’informations sur ces travailleurs que sur les soldats.

Ainsi, cette communication portera uniquement sur les combattants de confession musulmane et le traitement qui fut réservé aux conditions d’exercice de leurs sentiments religieux.

Plus précisément à trois édifices emblématiques : la mosquée du Jardin Colonial, la kouba du cimetière de Nogent-sur-Marne et la Mosquée de Paris.

 

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Qui en furent les concepteurs et dans quel contexte ? qui en furent les réalisateurs ? quelle analyse peut-on en effectuer ?

***

 

En résumé, les quatre facteurs provoquant une prise en compte de la composante religieuse des troupes provenant de l’empire colonial africain, furent :

- le nombre – même si la proportion n’est que de 4% de la totalité des effectifs combattants ;

- les blessés et morts au front ;

- l’effet de retour sur les populations de l’empire ;

- et la concurrence avec l’adversaire germano-turc.

 

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I – Soldats des colonies : le non-Jihad

 

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Ce dernier facteur apparaît très vite avec l’entrée en guerre de l’empire Ottoman le 1er novembre 1914, puis la proclamation du jihad le 14 novembre par le cheikh al-islam Mustapha Hayri Effendi à Constantinople (3).

 

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déclaration du jihad, le 14 novembre 1914 à Constantinople

 

On sait la faiblesse intrinsèque de cet appel qui subordonnait le combat des musulmans à une alliance avec des puissances chrétiennes, l’Allemagne et l’Autriche-Hongrie.

Il n’empêche que les autorités françaises s’employèrent à en parer les effets potentiels auprès de ses soldats, combattants ou déjà prisonniers, en sollicitant des attestations de fidélité des multiples figures musulmanes de son empire colonial.

La Revue du Monde Musulman créée en 1907 par Alfred Le Châtelier (1855-1929) a publié ainsi, la proclamation de Moulay Youssef, sultan du Maroc, à ses troupes, en date du 15 novembre 1914 (26 hijja 1332) :

 

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Revue du Monde Musulman, vol. XXVIII, 1914

 

- «À nos fidèles sujets qui combattent en soldats valeureux sur le sol de la France, à vous le salut accompagné de souhaits pour que Dieu vous aide et vous protège. (…)

Soyez assurés du triomphe final, et comptez que les ailes de la victoire se déploieront sur vos rangs, car c’est avec des soldats venus de la majeure partie des pays d’Islam, vos propres coreligionnaires, que vous combattez (…) un ennemi imbu de préjugés illusoires, qui s’est laissé égarer par un orgueil tyrannique, entraînant avec lui d’autres peuples ignorants et irréfléchis, incapables de prévoir les conséquences et les dangers des œuvres entreprises sans discernement».

Dernier passage faisant directement allusion à la Turquie qui vient de proclamer le jihad (4).

 

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Revue du Monde Musulman, vol. XXIX, 1914

 

Le numéro XXIX de la Revue du Monde Musulman, paru fin 1914 ou début 1915, est tout entier consacré à la publication de messages religieux refusant le soutien à la Turquie et lui opposant à la fois des répliques politiques (l’attachement à la Patrie française et à ses «bienfaits»…) et des arguments religieux, citations coraniques à l’appui.

En Algérie, la coopération du «clergé» musulman officiel s’affiche dès avant la proclamation turque et plus encore après.

Dans sa thèse, Gilbert Meynier, relève que : «du 6 au 28 novembre 1914, L’Écho d’Alger publie une centaine d’adresses "loyalistes", La Dépêche de Constantine une quinzaine en deux jours (6 et 7 novembre 1914)» (5). Elles proviennent de notables, élus, caïds de communes mixtes, mais aussi de muftis, de cadis, d’imams, de chefs de confréries.

 

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L'Écho d'Alger, 20 novembre 1914

 

Les muftis des deux rites, malékite et hanéfite, à Alger, déclarent :

- «Les Turcs ont enfreint le commandement de Dieu : "ne vous précipitez pas de vos propres mains dans la perdition" [sourate II, verset 195]. Ce verset comprend, suivant l’avis des exégètes, l’interdiction de toute entreprise guerrière illicite, c’est-à-dire qui ne tend pas à faire triompher la justice ou à porter assistance à ceux dont la cause est juste et qui n’aurait d’autre raison que l’intérêt personnel ou la passion de répandre du sang» (6).

 

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Revue du Monde Musulman, vol. XXIX, 1914

 

L’interprétation de ces prises de positions est controversée. Gilbert Meynier insiste sur les sollicitations de l’administration et la nature assimilationniste des réactions religieuses.

Il évoque, par contre, la nouveauté des manifestations provenant des confréries tout en les marquant du sceau de la collusion avec l’autorité coloniale : «leurs déclarations fracassantes, parfois dithyrambiques en faveur des armes et du nom français, donnent l’estampille de l’islam algérien à la collaboration» (7).

Pour sa part, Charles-Robert Ageron souligne l’étonnement réconfortant que provoquèrent le rejet des démarches turques et germaniques :

- «le loyalisme des Musulmans algériens en 1914 fut une surprise pour tous les gens informés. L’Allemagne escomptait un concours efficace du monde islamique et espérait provoquer des troubles en Afrique du Nord. La France, qui ne l’ignorait pas, redoutait les effets d’une guerre sainte proclamée par le Sultan de Constantinople et ceux de la propagande allemande» (8).

La lecture de plusieurs harangues algériennes montre, au-delà de l’assentiment politique, une physionomie de différend intra-islamique, de controverse théologique.

Certes, les textes ne prétendent pas au statut de fatwa, mais le Coran est cité, le hadith est cité, y compris celui qui affirme «Détournez-vous des Turcs tant qu’ils vous laisseront tranquilles».

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hadith utilisé en Algérie coloniale contre le jihad proclamé par les Turcs en 1914

 

Ce hadith est utilisé, entre autres, par le seyyid tijania Mohammed el-Kebir sidi-Mohammed el-Bechir qui en précise le sens grâce au Djami Saghir de Soyouti : «Laissez les Turcs de côté tant qu’ils se tiendront chez eux et ne vous attaqueront pas» (9).

D’autres messages, marocains par exemple, parlent «d’usurpation du titre khalifal» par les Turcs.

Ainsi, on voit le vieux contentieux arabo-turc sur la suprématie du monde musulman, ressurgir pour étayer un refus des premiers de s’aligner sur les seconds.

Cet aspect est lié à la question du califat, thème d’une diplomatie française ayant à définir une politique à l’égard de l’empire ottoman et à prendre en compte sa dimension de «première puissance arabe musulmane», selon la formule de Paul Bourdarie, fondateur de la Revue Indigène (10).

 

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le Bey de Tunis, Sidi En Nacer

 

En Tunisie, le Bey adresse une proclamation à l’ensemble de ses sujets. Il précise que la France «ne nourrit aucune haine contre le peuple turc (…) sa colère ne vise que quelques Jeunes-Tucs que les intrigues allemandes à Constantinople ont asservis aux ambitions germaniques».

Il rappelle ses sujets «aux devoirs qui leur incombent» en citant le «bel exemple (de) leurs coreligionnaires des Indes anglaises» (11).

De leur côté, les lettres de dignitaires musulmans tunisiens ont, à l’évidence, été rédigées juste après la déclaration de guerre de la Turquie et avant les avis religieux provenant de Constantinople.

Ils évoquent tous l’intervention de la Turquie dans le conflit. Mais ne font pas mention du jihad.

 

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Revue du Monde Musulman, tome XXXIII, 1917

 

Après le Maghreb, l’Afrique Noire.

La Revue du Monde Musulman a relayé dans son tome XXXIII (1917) les témoignages de loyalisme de différents dignitaires religieux en Afrique Occidentale française recueillis en 1915 et 1916.

Cadis, imams de grande mosquée, mokaddems de tariqa, marabouts, émirs locaux, cheikhs de nombreux cercles, almanys, prédicateurs… livrèrent leurs missives d’allégeance et de confiance, leurs vœux de triomphe prodigués aux troupes françaises contre l’oppresseur.

 

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proclamations du cadi Alioun Diagne de Dakar et de  Diagne Samba, chef de Rufisque

 

La Revue du Monde musulman publie 33 messages provenant du Sénégal (Falémé et Djoloff compris), 30 de Mauritanie, 19 du bassin du Niger, 14 du Fouta-Djallon et de Guinée, 3 de Côté d’Ivoire, 5 du Dahomey, soit 104 au total, à ajouter aux 24 déjà publiés dans le n° XXIX de la revue (mais certains sont les mêmes).

Il est difficile d’apprécier les effets de ces exhortations religieuses mais les conséquences démobilisatrices escomptées par l’appel au jihad n’eurent pas lieu (12). Charles-Robert Ageron évoque même «l’échec de la guerre sainte» (13).

En conclusion, on peut mesurer, par ces déclarations, le barrage politico-religieux édifié pour désamorcer le panislamisme généré par le corpus de déclarations et fatwas émis par Constantinople dès novembre 1914.

***

 

Examinons maintenant, les manifestations de gratitude renvoyées par la puissance coloniale à l’endroit des combattants qui ont assumé leur loyauté jusqu’au sacrifice.

 

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II – La mosquée du Jardin Colonial

 

J’ai tenté ailleurs une évaluation de la politique militaire à l’égard de la religion de ses combattants musulmans pendant la Guerre (14).

Mais l’armée ne fut pas seule dans la prise de conscience qu’il fallait aller au-devant des pratiques musulmanes des soldats de l’Empire.

 

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le journal Le Temps, 26 décembre 1914

 

À la «une» du Temps, le 26 décembre 1914, le pasteur protestant Frank Puaux (1844-1922), professeur à la Faculté de théologie protestante de Paris, attire l’attention sur le traitement des blessés indigènes :

 - «il faudrait faciliter à nos indigènes les moyens de retrouver en France leurs coutumes africaines… (il faudrait) attacher aux formations sanitaires des imams qui veilleraient aux rites religieux, objets du grand respect des musulmans et, en cas de mort, présideraient aux funérailles suivant les prescriptions coraniques» (15).

L’institution militaire avait réagi dès le début de l’automne 1914, à propos des sépultures. Elle le fit quelques semaines plus tard en décidant d’accueillir des blessés musulmans dans les locaux du Jardin colonial. Un hôpital de convalescence y fut aménagé.

L’idée d’y adjoindre une mosquée germa au cours de l’année 1915 comme instrument réactif aux initiatives allemandes qui avaient fait édifier une mosquée dans le camp de prisonniers de Zossen, près de Berlin, en 1915.

 

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camp du Croissant (Halbmond-Lager) à Wündsdorf-Zossen, à côté de Berlin ;
entrée de la mosquée avec le minaret durant la Première Guerre mondiale

 

Que se passait-il à Zossen, qui puisse inquiéter la France en guerre ? Ce camp enfermait environ 8000 prisonniers nord-africains et hindous. On y distribuait, dans toutes les langues, un journal intitulé Jihad, et les détenus pouvaient pratiquer leur religion librement (16).

 

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El Jihad, journal distribué aux prisonniers musulmans du camp de Zossen, 15 juillet 1917

 

Les archives allemandes détiennent un film de 6 minutes sur la célébration de l’aïd el-kebir à Zossen en 1916. Cette fête fut célébrée le 9 octobre dans le monde musulman (peut-être le 8 à Zossen ?). Il doit donc s’agir du même jour.

http://www.filmothek.bundesarchiv.de/video/2535

 

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On voit le cortège se rendre sur l’esplanade où fut organisée la cérémonie rituelle.

 

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aïd el-kebir, octobre 1916, au camp de Zossen

 

Des hommes sont en uniforme, d’autres en tenue traditionnelle… peut-être des goumiers 

 

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Les sacrificateurs tournent la tête vers la tribune, attendant le «bismillah allâhu akbâr» collectif. Puis les bêtes sont apprêtées.

 

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les sacrificateurs attendent le bismillah... pour sacrifier les moutons

 

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préparation du mouton, aïd el-kebir à Zossen en octobre 1916

 

Un personnage harangue la foule assise devant lui.

 

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Ce moment a-t-il été précédé d’une prière ? Si tel fut le cas, le film ne contient pas cette scène.

Mais le dispositif, les tapis au sol et sur l’estrade, le passage, visible au premier rang, des hommes passant de la génuflexion à la position assis en tailleur permettent de le supposer fortement, ainsi qu'une autre image de prière à côté de la mosquée.

 

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khûtba (prône) de l'aïd el-kebir à Zossen en octobre 1916

 

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prière collective au camp de prisonniers musulmans de Zossen

 

L’orateur (khatib) était le cheikh égyptien, pro-turc et pro-allemand, Abd el-Aziz Sawis qui prononça la khûtba (prône), traduite par Idris pour les prisonniers Tatars. Il expliqua aux prisonniers qu’ils avaient été trompés par les ennemis de l’Islam mais qu’ils pouvaient désormais se racheter en s’engageant dans le chemin du Jihad (17).

Ce qui pouvait préoccuper au plus haut point les Français était que l’un des propagandistes les plus actifs à Zossen fût le cheikh Sâlih ash-Sharîf at-Tûnisî (1869-1920) (18).

 

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le cheikh Sâlih ash-Sharîf at-Tûnisî (1869-1920)

 

Né à Tunis, d’une famille algérienne émigrée dans les années 1830, son grand-père et son père avaient étudié à l’université de la Zeituna.

Il devint lui-même professeur dans cette institution renommée. En 1900, il émigra à son tour, vers Istanbul puis Damas.

Sans que l’on sache trop comment, il entra dans le cercle des principaux dirigeants turcs.

En 1911, il accompagna Enver Pacha en Cyrénaïque pour organiser la résistance à l’invasion italienne. On dit que c’est Sâlih Sharîf qui déclara le jihad.

Par des contacts d’amitié avec la famille de l’émir Abd el-Kader et ses accointances avec les Jeunes-Turcs, il arriva à Berlin à la fin 1914 et se mit en rapport avec l’Office de Renseignement sur l’Orient (Nachrichtenstelle für den Orient - NfO) animé par Max von Oppenheim et placé sous la direction de l’État-major et du ministère des Affaires étrangères.

 

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Sâlih ash-Sharîf at-Tûnisî, collaborateur de l'Office de Renseignement sur l'Orient, à Berlin

 

Parmi les axes de travail de la NfO, se trouvaient la propagande auprès des prisonniers musulmans et la propagande dans les colonies des puissances de l’Entente.

Sâlih ash-Sharîf étonna les témoins de ses discours aux soldats prisonniers à Lille (occupée depuis le 13 octobre), en ce même mois de décembre 1914.

 

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Die Wahreit über den Glaubenskrieg (La vérité sur le jihad) de Sâlih ash-Sharîf at-Tûnisî, 1915

 

En 1915, il publia son opuscule La vérité sur le Jihad (die Wahrheit über den Glaubenskrieg, Haqîqat al-jihad), écrit en novembre 1914.

Il y exposait une doctrine classique du jihad, agrémentée d’un tableau apocalyptique de la situation coloniale, et obviait à la critique adressée à la proclamation turque :

- «Mon intention est de réfuter tout ce qui pourrait inquiéter les âmes de ceux qui n’arrivent pas à discerner la vraie nature de cette guerre des mises en suspicion par les ennemis fourvoyants».

Le jihad, disait-il, «n’est pas identique à l’homicide de tous ceux qui ont une autre confession», ou encore «ce n’est pas une lutte contre tous ceux qui ne correspondent pas à notre religion», donc il n’est pas dirigé contre les chrétiens en général, mais contre «l’ennemi barbare tel que les Anglais, les Russes et les Français».

Sâlih ash-Sharîf concluait : «C’est un devoir du monde entier islamique de se lever sans exception et de suivre le drapeau du calife de la famille sublime d’Osman et de s’assembler avec ses alliés fidèles, les Allemands et tous ceux qui les suivent» (19).

 

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Jihad et colonialisme, de Mahmoud Abdelmoula (1987) contient le texte de Sâlih ash-Sharîf

 

Cet ensemble de données avait de quoi inquiéter la France en guerre.

Il fallait parer à ce prosélytisme politico-religieux – parce que les prisonniers reviendraient un jour dans leurs foyers - et à ses effets éventuels immédiats dans les colonies.

 

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image de propagande allemande pro-islamique, en cinq langues

 

L’idée première de la mosquée du Jardin Colonial est donc à inscrire dans une contre-propagande.

Ce qui marquait un degré supplémentaire dans la politique d’égards. Jusqu’ici, l’aménagement de sépultures musulmanes relevait plutôt d’un acquiescement à des demandes, plus ou moins explicites, d’ordre métaphysique. Même si le souci de ne pas commettre d’impairs à l’égard de l’opinion d’un «arrière» colonial existait aussi, évidemment.

 

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le diplomate français Pierre de Margerie (ici, à Berlin, en 1928)

 

L’objectif de cette entreprise est exposé, le 16 janvier 1916, par Pierre de Margerie (1861-1942), directeur des Affaires politiques au ministère des Affaires étrangères :

- «Les autorités militaires allemandes ayant fait ériger à Zossen, près de Berlin, où se trouvent détenus trois mille de nos prisonniers musulmans, une mosquée que sont conviés à visiter périodiquement, dans un but de réclame, des publicistes turcs, persans et égyptiens, le gouvernement de la République a cru devoir, comme vous le savez, répondre à cette manœuvre de nos ennemis en faisant ériger un oratoire musulman au centre du Jardin colonial à Nogent-sur-Marne où il a installé un hôpital spécialement destiné aux blessés mahométans.
J'ai l'honneur de vous adresser, ci-joint, un dessin de cette mosquée que j'ai fait parvenir également à nos agents en pays musulmans en les invitant à y donner le plus de publicité possible» (20).

 

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dessin du projet de mosquée dans le Jardin Colonial, 1916

 

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dessin du projet de mosquée dans le Jardin Colonial, 1916

 

L’édifice est bâti en 1916, à partir du dessin préparatoire, et inauguré le 14 avril de la même année. Deux imams y sont affectés en permanence.

La mosquée est utilisée par les convalescents de l’hôpital du Jardin Colonial, ce qui fait moins de monde qu’à Zossen.

Mais la France peut dire et faire dire, désormais, qu’elle considère ses soldats musulmans avec respect pour leur religion et qu’elle n’est pas à la traîne de l’Allemagne.

 

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mosquée dans le Jardin Colonial à Nogent-sur-Marne, 1918

 

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mosquée dans le Jardin Colonial à Nogent-sur-Marne, 1918 (détail),
à gauche l'imam Katranji est le premier des dignitaires religieux (barbe blanche),
l'imam Mokrani est le deuxième (au centre), tous deux de rite malékite, à droite, probablement l'imam hanéfite

 

Le lieu servit également de célébrations, mises en scène, des fêtes religieuses et notamment de l’aïd el-kebir, comme à Zossen.

La monumentalisation permettait la mise en image et la diffusion d’une contre-propagande parmi les populations de l’empire colonial.

 

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René Besnard, ministre des Colonies, sept.-nov. 1917, en visite à la mosquée du Jardin Colonial ;
le personnage central est très probablement Émile Piat

 

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mosquée du Jardin Colonial, aïd el-kebir, 1918

 

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mosquée du Jardin Colonial, aïd el-kebir, 1918

 

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mosquée du Jardin Colonial, photographies, 1918 (source : ANOM)

 

La correspondance de Pierre de Margerie en témoigne. Le 13 décembre 1916, il s’adresse au président du Conseil, Aristide Briand :

- «J'ai l'honneur de vous faire savoir que j'avais adressé, le 19 septembre dernier, à notre Agent et Consul général en Égypte, deux albums de vues photographiques représentant les différents services de l'hôpital du Jardin Colonial à Nogent-sur-Marne où sont groupés un assez grand nombre de blessés musulmans, en le priant de donner à ces documents une certaine publicité.
M. Defrance m'a écrit, à la date du 11 du mois dernier, qu'il lui a paru que la publication de ces photographies, qui témoignent du soin apporté par le gouvernement de la République à faire bénéficier nos soldats mahométans blessés de tout le confort désirable et des progrès de la science, était de nature à produire dans les milieux musulmans d'Égypte non sympathiques à la cause des Alliés, un effet salutaire, et qu'il a obtenu de la direction du journal Al-Ahram de faire reproduire celles d'entre elles paraissant les plus propres à frapper l'imagination et à réaliser le but poursuivi» (21).

L’historien Peter Heine, professeur d’études islamiques à Berlin, confirmait ce point dès 1982, à partir des archives allemandes :

- «Par la suite, le nombre de déserteurs musulmans diminua progressivement. Sans, l’une des raisons fut l’amélioration de la contre-propagande française qui était en mesure de mobiliser les muftis d’Afrique du Nord prêts à relativiser la proclamation du jihad par la Sublime Porte.
En outre, la France se tourna vers une politique plus amicale (friendlier) envers l’Islam, étape qui apaisa les troupes tunisiennes et algériennes» (22).

De toute façon, les déserteurs ne furent qu’un «petit nombre» selon Jacques Frémeaux ; quelques centaines, engagés dans l’armée ottomane, dit Gilbert Meynier.

 

 

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III – La kouba de Nogent-sur-Marne

 

Réalisée dans la période finale de la guerre, la kouba de Nogent revêt une également une dimension de politique musulmane à l’égard des colonies. Mais l’initiative est débarrassée de tout souci de concurrence avec l’Allemagne.

Là encore, l’édifice apparaît comme le vecteur privilégié de la politique d’égards. C’est à un fonctionnaire du Quai d’Orsay, le consul Émile Piat (né le 29 mai 1858), que l’on doit l’idée première de construire une kouba dans le cimetière de Nogent.

Après avoir été, commis de chancellerie à Smyrne en 1879, à Tunis en 1881, puis en poste à Tripoli en 1883, à Zanzibar en 1884-1886 (où il fut gérant du consulat), et durant plusieurs années drogman à Tanger (1888-1893), il était devenu consul chargé de différentes missions.

 

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Émile Piat fut commis de chancellerie à Smyrne (aujourd'hui, Izmir) en Turquie

 

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Émile Piat fut en poste à Tripoli, en Cyrénaïque (aujourd'hui Libye)

 

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Émile Piat fut gérant du consulat à Zanzibar  (avant la période du protectorat britannique)

 

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Émile Piat fut gérant du consulat à Zanzibar  (avant la période du protectorat britannique)

 

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Émile Piat fut , plusieurs années, drogman à la Légation de France à Tanger

 

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Émile Piat fut , plusieurs années, drogman à la Légation de France à Tanger

 

À l’âge de 60 ans, pourvu d’une solide expérience du monde de l’Islam, il était donc chargé de la surveillance des militaires musulmans dans les formations sanitaires de la région parisienne (en fait, depuis au moins l’année 1915).

Son projet de kouba ne résulte d’aucune consigne militaire, supérieure, d’aucune directive du Quai d’Orsay.

Si il n’est pas dépourvu – nous l’avons dit – d’un calcul politique, Émile Piat a conçu son dessein à titre personnel. Et, ce qui est symptomatique, c’est qu’il suscita d’autres contributions personnelles, d’autres engagements individuels.

Émile Piat écrit, le 14 juin 1918, à son ami, le capitaine Jean Mirante, officier traducteur au Gouvernement général à Alger :

- «Ayant eu l’impression que l’érection d’un monument à la mémoire des tirailleurs morts des suites de leurs blessures aurait une répercussion heureuse parmi les populations indigènes de notre Afrique, j’ai trouvé à Nogent-sur-Marne, grâce à l’assistance de M. Brisson, maire de cette ville, un donateur généreux, M. Héricourt, entrepreneur de monuments funéraires qui veut bien faire construire un édifice à ses frais dans le cimetière de Nogent-sur-Marne» (23).

Grâce à Mirante – qui fit ensuite une carrière aux Affaires indigènes en Algérie – Émile Piat obtient le soutien financier du Souvenir Français d’Alger pour la décoration de l’édifice. Le coût principal est supporté par le marbrier funéraire, Héricourt, à Nogent.

 

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la kouba de Nogent-sur-Marne fut inaugurée le 16 juillet 1919

 

La kouba est finalement inaugurée le 16 juillet 1919. Émile Piat écrit au capitaine Mirante, deux jours plus tard :

- «Ce monument qui est fort simple produit néanmoins un bel effet au cimetière de Nogent-sur-Marne. Les délégués de l’Algérie, de la Tunisie et du Maroc qui assistaient à la cérémonie présidée par M. Fabre, sous-secrétaire d’État au ministère de l’Intérieur, ont été favorablement impressionnés. Ils remporteront dans leur pays la certitude que rien n’a été négligé en France pendant la guerre pour soigner nos musulmans avec une sollicitude et un dévouement au-dessus de tout éloge».

La kouba resta une quarantaine d’années en place avant d’être victime de la négligence des différentes autorités susceptibles de la sauvegarder.

Toutes les démarches entreprises pour l’entretien et la restauration de la kouba butèrent sur l’impossibilité de dégager une autorité habilitée à financer les travaux.

En mars 1982, les édiles locaux durent constater «l’effondrement naturel» du monument.

 

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l'emplacement de la kouba, en 2004 (photo Michel Renard)

 

Notons, pour terminer l’histoire – puisque le nom de Daniel Lefeuvre, premier président du conseil scientifique de notre Fondation y est attaché – que la kouba a été reconstruite à la suite de plusieurs années de requêtes menées par l’association Études Coloniales dont les historiens Daniel Lefeuvre, Marc Michel et moi-même furent les fondateurs.

L’édifice reconstruit, par l’héritier familial du premier marbrier, a été inauguré le 28 avril 2011. Daniel Lefeuvre a été emporté par la maladie le 4 novembre 2013.

 

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la première kouba (1919) et la seconde (2010), dans le cimetière de Nogent-sur-Marne

 

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Daniel Lefeuvre lors de l'inauguration de la kouba reconstruite, 28 avril 2011

 

Pour en revenir à Émile Piat, il n’était pas un néophyte en matière de propagande.

En 1915, déjà en fonction, il avait envoyé des photographies de tombes musulmanes, aménagées dans plusieurs cimetières de la région parisienne, à son ami le capitaine Mirante.

Il lui disait : «Pensez-vous qu’il y ait lieu d’en faire expédier dans les milieux arabes pour prouver que nous respectons toutes leurs croyances ?» (2 septembre 1915).

Trois semaines plus tard, autre envoi. Photographie d’un groupe de tirailleurs en traitement à l’hôpital du Jardin Colonial :

- «J’espère que vous pourrez la faire reproduire dans vos Akhbar el-Harb [journal, en langue arabe, édité pendant la guerre par le Gouvernement général de l’Algérie], car je pense qu’elle produira une bonne impression sur les populations indigènes» (20 septembre 1915).

 

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blessés musulmans en convalescence à l'hôpital du Jardin Colonial, 1915

 

Suivent ainsi plusieurs lettres. Le 1er février 1917, il écrit : «Les Akhbar el-Harb continuent à être un excellent moyen de propagande. C’est bien le journal qui convient à nos tirailleurs et, pour ma part, je le distribue régulièrement dans les formations sanitaires que je visite».

 

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remise de médailles à des blessés musulmans à l'hôpital du Jardin Colonial ;
Émile Piat est probablement le civil qui se trouve entre les deux militaires à képi, au centre

 

Émile Piat insère donc son initiative dans une continuité politique d’assistance et de propagande bien comprise.

 

Émile Piat portrait 1917
portrait vraisemblable d'Émile Piat (1858-?)

 

La fondation de la Mosquée de Paris, elle, s’inscrit dans un réseau de facteurs plus divers et plus complexes.

 

 

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IV – La Mosquée de Paris

 

Dans une formule ramassée, on peut dire que la Mosquée de Paris affiche trois marqueurs :

1) - l’indigénophilie fut la source des projets ;

2) - la guerre détermina sa construction ;

3) - la politique coloniale musulmane en fit son symbole.

 

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1) les projets

Les deux premiers projets, en 1846 et 1895, procédaient d’une vision compréhensive et empathique des rapports coloniaux avec des sujets musulmans. Une indigénophilie stratégique, pourrait-on dire.

Puis vinrent les propositions opiniâtres de la Revue Indigène et de son fondateur, le journaliste et activiste, Paul Bourdarie (1864-1950).

 

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Paul Bourdarie, fondateur de la Revue Indigène

 

L’animateur de la Revue Indigène imagina un projet, appelé le projet Bourdarie-Tronquois, et le fit circuler auprès des possibles décideurs parlementaires et gouvernementaux (24).

Une troisième vague monta à l’assaut, ainsi que l’annonce Émile Piat, le 18 juillet 1919, à son correspondant habituel, le capitaine Jean Mirante, à Alger :

- «il a été décidé à la suite d’une démarche qui a été faite auprès de M. Bèze du ministère de l’Intérieur par MM. Diagne, Cherfils et le Dr Bentami et à laquelle je me suis associé, qu’une mosquée serait édifiée à Paris. J’espère que le Gouvernement général facilitera les souscriptions en Algérie. La construction de cet édifice dans notre capitale aura un retentissement énorme dans tout l’Islam».

Voilà les sources liées au courant indigénophile.

 

2) la guerre

Le conflit produisit une double accélération menant à la décision.

a) D’une part, la politique musulmane en Arabie, déterminée par la guerre contre la Turquie, et par la rivalité avec l’Angleterre pour l’influence auprès du chérif Hussein de La Mecque, conduisit le président du Conseil Briand et le Quai d’Orsay :

- à l’envoi d’une délégation conduite par Si Kaddour ben Ghabrit pour la réouverture du pèlerinage aux Lieux Saints de l’islam (660 pèlerins), en octobre 1916 ;

- et à la création d’un organisme permettant l’acquisition d’une hôtellerie des pèlerins (réalisée en décembre 1916) : la Société des habous des Lieux Saints de l’islam.

Les membres de celle-ci sont désignés par Pierre de Margerie et la Société est constituée par acte enregistré à la mahakma hanéfite d’Alger, le 16 février 1917 (25).

Cette structure servit ensuite lors de la fondation de la Mosquée de Paris.

b) Un projet de loi est présenté par le gouvernement le 30 janvier 1920  prévoyant la création d’un Institut musulman comprenant notamment une mosquée, et affectant une subvention de 500 000 francs à cette entreprise.

Le texte est examiné le 29 juin 1920, avec un rapport de la commission des Finances présenté par Édouard Herriot, président du parti Radical et membre du Comité de l’Institut musulman aux côtés de Paul Bourdarie.

 

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subvention de 500 000 francs votée par le Parlement en 1920 pour l'Institut musulman

 

Herriot déclare que «la guerre a scellé, sur les champs de bataille, la fraternité franco-musulmane», que la «patrie désormais commune doit tenir à l’honneur de marquer au plus tôt et par des actes, sa reconnaissance et son souvenir».

La loi est finalement signée le 19 août 1921. Peu avant, la Ville de Paris avait votée deux subventions (1 620 000 francs et 175 000 francs) permettant l’achat du terrain qui fut cédé ensuite à la Société des Habous qui s’était transformée en association loi 1901, le 24 décembre 1921.

Les travaux s’effectuent entre 1922 et 1926. Et l’inauguration principale a lieu le 15 juillet 1926.

En 1920, Herriot avait assuré que «le monde musulman ne manquera pas d’être sensible au geste de la France, installant et honorant chez elle un édifice consacré à la Religion musulmane et un foyer intellectuel où à l’abri de notre pavillon l’Islam trouvera l’appui de nos sciences pour rajeunir et renouveler ses traditions de haute culture».

 

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"l'Islam trouvera l'appui de nos sciences pour rajeunir et renouveler ses traditions",
Édouard Herriot,1920

 

Le député radical annonçait, ainsi, un double objectif :

- l’érection d’un édifice devant manifester le libéralisme de la France à l’égard des sujets musulmans et dont on espère des répercussions en chaîne dans le monde de l’Islam ;

- un dessein intellectuel ambitieux – et peut-être trop crédule – visant ce qu’on appellerait aujourd’hui une «modernisation» du corpus islamique.

Il n’est rien resté du dessein de réformer l’islam.

Mais le monument est toujours là. Même si il fallu attendre novembre 2010 pour qu’une plaque apposée sur la Mosquée de Paris rende explicitement hommage aux soldats musulmans de la Grande Guerre.

 

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la Mosquée de Paris en construction, 1924 ; aquarelle de Camille Boiry, L'Illustration, 1925

 

3) la politique coloniale musulmane

La Mosquée de Paris a connu cinq inaugurations :

- celle du 1er mars 1922, pour l’orientation de la qibla ;

- celle du 19 octobre 1922 pour la pose de la première pierre du mihrab ;

- celle, générale, du 15 juillet 1926, en présence du sultan Moulay Youssef ;

- celle, proprement religieuse de la salle de prière, du 16 juillet 1926, en présence du sultan et du cheikh Ahmad al-‘Alawi de la tariqa ‘Alawiyya ;

- celle du 12 août 1926, pour la salle de conférences de l’Institut musulman, en présence du bey, possesseur du royaume de Tunis, Sidi Mohammed el-Habib.

Les fonctions religieuses et symboliques l’ont emporté sur la fonction intellectuelle.

La Mosquée est devenue un lieu où s’effectuent les rites principaux de l’islam : prière, khûtba, tarawih du mois de ramadan, aïd el-fitr, aïd el-kabîr ou el-adha…

 

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extrait du discours de Si Kaddour ben Ghabrit en 1926

 

Elle est aussi un symbole de la politique musulmane à l’époque de l’empire colonial, et la figure de Si Kaddour ben Ghabrit a été le grand ambassadeur de celle-ci.

 

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inauguration de la Mosquée de Paris, la garde du Sultan

 

Mais le souvenir du sacrifice des «indigènes» musulmans sur les champs de bataille de la Grande Guerre s’est perdu avec le temps.

 

Conclusion

Le point commun de ces trois édifices, dont seuls deux ont perduré, était d'inscrire dans le monumental le sacrifice des soldats français de confession musulmane venus de l'empire colonial.

Si le premier fut conçu comme provisoire, les deux autres affichaient dans leur matériau le désir de durer. Ils ont traversé le temps. Mais le troisième – la Mosquée de Paris – a connu une destinée plus complexe se détachant de son objectif premier.

 

Michel Renard
15 octobre 2014
colloque de la Fondation pour la mémoire
de la guerre d'Algérie
fm-gacmt

Notes

1 - Cf. Jacques Frémeaux, Les colonies dans la Grande Guerre. Combats et épreuves des peuples d’Outre-mer, Soteca éd., 2006, p. 63 et 73. Les données chiffrées sont approximatives.

2 - Charles-Robert Ageron, «L’immigration maghrébine en France. Un survol historique», revue Vingtième Siècle, 1985, réédité dans Genèse de l’Algérie algérienne, éd. Bouchène, 2005, p. 412.

3 – Sur les différentes proclamations turques en novembre 1914, voir l’article de Mustafa Aksakal «"Holy war made in Germany » ? Ottoman origins of the jihad», in Religion, Identity and Politics. Germany and Turkey in interaction, édité par Haldan Gülalp et Günter Seufert, éd. Routledge/ESA studies in Europan societies, New York, 2013, p. 34-45.

4 - Sur le Maroc, cf. Daniel Rivet, Lyautey et l’institution du Protectorat français au Maroc, 1912-1925, tome 2, L’Harmattan, 1996, p. 108-110, et notamment ce passage sur l’algérien ‘Abd el-Malek : «Dès lors son combat, financièrement commandité par l’Allemagne et idéologiquement orienté par Istanbul, se concentre exclusivement contre les Français. (…) Mais ce jihâd conserve un caractère factice, presque postiche, actionné qu’il par un musulman étranger au Maroc, lui-même télécommandé par une puissance chrétienne. Il ne résiste pas, du coup, à la débâcle de ses commanditaires» (p. 208-109), et Le Maroc de Lyautey à Mohammed V, le double visage du Protectorat, Denoël, coll. «L’aventure coloniale de la France», 1999, p. 59 : «…Abd el-Malek, qui avait depuis 1915 harcelé, sans les ébranler, les positions du Protectorat dans la vallée de l’Ouergha en s’appuyant sur le concours d’agents allemands et en invoquant le recours d’Istanbul : un "jihâd made in Germany" en quelque sorte : postiche, factice» (p. 29).

5 - Gilbert Meynier, L’Algérie révélée. La guerre de 1914-1918 et le premier quart du XXe, Droz, 1981, p. 269.

6 - Revue du Monde Musulman, «Les musulmans français et la guerre», vol. XXIX, décembre 1914, p. 176-177.

7 - Gilbert Meynier, ibid, p. 270.

8 - Charles-Robert Ageron, Les Algériens musulmans et la France, 1871-1919, tome second, 1968, rééd. Bouchène, 2005, p. 1174.

9 - Revue du Monde Musulman, «Les musulmans français et la guerre», vol. XXIX, décembre 1914, p. 199.

10 - cf. notamment Henry Laurens, «La France et le califat» (1999) in Orientales II. La IIIe République et l’Islam, Cnrs éd. 2004, p. 69-100 : «Dès l’entrée en guerre des Ottomans, la France va multiplier les fatwa des différentes autorités islamiques de son empire pour démontrer l’illégitimité du califat ottoman par rapport au califat arabe. Certaines de ces fatwa sont particulièrement argumentées et tranchent en faveur du chérif de La Mekke comme véritable héritier légitime du califat. Les Français s’empressent de les publier et de les diffuser dans les milieux musulmans», p. 86.

11 - Revue du Monde Musulman, «Les musulmans français et la guerre», vol. XXIX, décembre 1914, p. 271-272. Sur la Tunisie, cf. François Arnoulet, «Les Tunisiens et la Première Guerre mondiale (1914-1918)», Revue de l’Occident Musulman et de la Méditerranée, n° 38, 1984, p. 47-61.

12 - Sur la propagande allemande au Maroc, voir Ministère de la Guerre, état-major de l’Armée, service historique, Les armées françaises dans la Grande Guerre, tome IV, vol. 1, 1935, p. 213 et suiv. On y trouve ce diagnostic : «L’essai de soulèvement général, au nom de l’Islam, n’ayant aucun résultat, il fallait recommencer sur d’autres bases. L’Allemagne eut recours aux procédés suivants : propagande auprès des militaires nord-africains servant en France ; etc.», p. 214 ; le camp de prisonniers à Zossen, près de Berlin, est évoqué.

13 - Charles-Robert Ageron, Les Algériens musulmans et la France, 1871-1919, tome second, 1968, rééd. Bouchène, 2005, p. 1174.

14 – Michel Renard, «Le religieux musulman et l’armée française (1914-1920)», colloque international de Reims, «Les troupes coloniales et la Grande Guerre», 7 et 8 novembre 2013 :

http://etudescoloniales.canalblog.com/archives/2014/08/23/30279901.html

15 - Le Temps, samedi 26 décembre 1914.

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k242034f/f1.zoom.langFR

16 – L’étude la plus complète sur le sujet, à ma connaissance, est celle de Gerhard Höpp, Muslime in der Mark : als Kriegsgefangene und Internierte in Wünsdorf und Zossen, 1914-1924, Berlin, Verlag Das Arabische Buch, 1997 :

http://www.zmo.de/publikationen/studien_6.pdf

Sur les activités de Max von Oppenheim à destination des prisonniers de confession musulmane, cf. «Dschihad an der Seite von Kaiser und Reich», in Preußische Allgemeine Zeitung, 26 janvier 2013 ; et plus généralement, Stefan Kreutzer, Dschihad für den deutschen Kaiser. Max von Oppenheim und die Neuordnung des Orients (1914-1918), Ares Verlag, 2012. La mosquée de Zossen fut inaugurée le 13 juillet 1915.

17 - Gerhard Höpp, ibid., p. 124.

18 - Cf. Peter Heine, «Salih ash-Sharif at-Tunisi, a North African nationalist in Berlin during the first World War», Revue de l’Occident Musulman et de la Méditerranée, 33, 1982-1, p. 89-95.

19 - Cf. Mahmoud Abdelmoula, Jihad et colonialisme. La Tunisie et la Tripolitaine (1914-1918), éd. Tiers-Monde, Tunis, 1987.

20 - Anom (Aix-en-Provence), Fr Caom 1affpol/907 bis/5, 16 janvier 1916.

21 - Anom (Aix-en-Provence), Fr Caom 1affpol/907 bis/5, 13 décembre 1916.

22 - Peter Heine, ibid., p. 90-91.

23 - Anom (Aix-en-Provence), Algérie, GGA, 1Cab/4. Toutes les citations d’Émile Piat proviennent de ce fonds d’archives.

24 - Dans un manuscrit (n° 163) conservé par l’Académie des Sciences d’outre-mer, un texte, sans date, signé de quatre auteurs (le député de Seine-et-Oise Aristide Prat, Paul Bourdarie, l’architecte Alfred Tronquois, et Barret de Beaupré) explique qu’il fallait désirer : «la conquête morale des élites du monde arabe et musulman [et rechercher] les ponts existants ou à établir entre la civilisation arabe et la civilisation française. Dans ce but, les promoteurs [d'un Institut franco-arabe musulman] avaient tout d'abord eu la pensée de proposer l'édification à Paris d'une mosquée. Le projet Bourdarie-Tronquois, adopté et soutenu par MM. Herriot, sénateur, Benazet, Marin, Prat, députés, Girault, de l'Institut, A. Brisson, etc... ainsi que par de nombreux musulmans, a reçu l'approbation successive de la Commission interministérielle des Affaires musulmanes, de M. le Président A. Briand et du Conseil des ministres».

25 - Découvert aux archives nationales (F60/820) et publié par mes soins :

http://islamenfrance.canalblog.com/archives/2006/09/03/2602527.html

 

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à la mémoire de mon ami Daniel Lefeuvre

 

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Et à la mémoire de mon fils Pierre Renard, accidenté le 12 octobre, hospitalisé et dans le coma pendant que je prononçais cette conférence, et décédé le 22 octobre 2014. Je t'aime, mon fils.

 

Pierre pull noir 2013
Pierre Renard, 1980-2014

 

 

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