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études-coloniales
31 mai 2007

Note au sujet des territoires coloniaux de l'Allemagne (Gérard Molina, 2005)

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Note au sujet

des territoires coloniaux de l'Allemagne

Gérard MOLINA (2005)

 

M. Gérard Molina (Paris) conteste, dans l’article intitulé «Commémorations» (Le Monde diplomatique, mars 2005), la formulation selon laquelle l’Allemagne aurait été «oubliée» en matière de colonies.

L’Allemagne est venue tard à la colonisation, mais, après la conférence de Berlin (1884-1885), elle établit rapidement sa sphère d’influence sur quatre vastes territoires d’Afrique (Togo, Cameroun, Sud-ouest africain et Afrique orientale allemande), ce qui en fit la troisième puissance sur ce continent. C’est le traité de Versailles (1919) qui la jugea «indigne de coloniser» et lui retira tous ses territoires. Il ne s’agit pas ici d’érudition, car l’Afrique servit de laboratoire aux politiques de ségrégation, d’espace vital et d’extermination.

Au début du XXe siècle, les colonies allemandes étaient les seules en Afrique à interdire les mariages entre Blancs et Noirs, y compris les métis chrétiens. C’est dans sa colonie du Sud-ouest africain (l’actuelle Namibie) que l’Allemagne accomplit en 1904-1905 un génocide contre les tribus hereros, qui se rebellaient régulièrement. Après la mise à mort de plus des trois quarts des 70 000 Hereros, les 16 000 survivants ne durent leur salut qu’à l’exil vers d’autres contrées. Quand on connut en métropole l’ordre d’exterminer les Hereros, l’émotion de l’opinion obligea le gouvernement de Berlin à le désavouer, mais c’était trop tard. Une même politique ethnocidaire fut déclenchée contre les Namas, descendants des Khoïkhoï ou «Hottentots».

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Lothar von Trotha

(...) Souligner ces faits ne doit pas conduire à relativiser la singularité de la Shoah, mais montre que celle-ci ne surgit pas comme un événement incompréhensible devant lequel tout essai d’explication serait a priori impossible, voire obscène. Hannah Arendt, très au fait de l’histoire allemande moderne, reconnut explicitement ce lien : «Les premiers à comprendre l’influence décisive de l’expérience sud-africaine furent les leaders de la foule qui, tel Carl Peters, décidèrent qu’ils devaient eux aussi faire partie d’une race de maîtres. Les possessions coloniales africaines offraient le sol le plus fertile à l’épanouissement de ce qui devait devenir l’élite nazie.»

Gérard Molina
agrégé de philosophie
Le Monde Diplomatique
, avril 2005,
page 2 (en ligne)

 

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Die Kriegsgeschichtliche Abteilung des Großen Generalstabs veröffentlichte 1907 eine umfangreiche Dokumentation über "Die Kämpfe der deutschen Truppen in Südwestafrika", deren 1. Teil dem "Feldzug gegen die Hereros" gewidmet war, während der 2. Teil den "Feldzug gegen die Hottentotten" dokumentierte (Bundesarchiv, Bibliothek).

La guerre des troupes allemandes dans le Sud-Ouest Africain.
L'expédition contre les Hereros
, Berlin, 1906

 

liens

- l'Allemagne et le Sud-Ouest africain, la répression de la révolte des Hereros (en langue allemande)

 

- The Revolt of the Hereros, Jon M. Bridgman, University of California Press, 1981 

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30 mai 2007

Germaine Tillion a 100 ans

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Germaine Tillion séjourna de 1934 à 1940 dans les Aurès



l'ethnologue Germaine Tillion a 100 ans


L'ethnologue Germaine Tillion est née le 30 mai 1907, à Allègre (Haute-Loire). Élève de Marcel Tillion_il__tait_une_foisMauss, elle part sur son conseil et celui de Paul Rivet en Agérie dans le massif des Aurès. Elle y découvre les berbères Chaouïas entre 1934 et 1940 et enquête pour sa thèse d'ethnographie.

Elle rentre en Europe en mai 1940 et, quand l'Occupation commence, rejoint le réseau de Résistance du Musée de l'Homme. Germaine Tillion fut arrêtée en 1942, interrogée puis envoyée à Ravensbrück avec sa mère où elle passa 18 mois.

Elle retourne en Algérie, fin 1954, sollicitée fortement par Louis Massignon. Grâce à ses contacts avec les Algériens, elle joue un rôle dans la crise de 1957, et fonde les Centres sociaux en Algérie. Germaine Tillion invente le terme de «clochardisation» pour désigner la chute vertigineuse du niveau de vie des Algériens, proteste contre la torture et s'affirme favorable à l'indépendance de l'Algérie.


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Germaine Tillion en 1990 (cf. ina.fr)


- biographie de Germaine Tillion sur le site de l'association "Germaine Tillion"

- célébration du centenaire de Germaine Tillion


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Tillion_il__tait_une_fois       Tillion_harem


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bibliographie

- Le harem et les cousins, Seuil, éd. 1982.

- Ravensbrück, Seuil, éd. 1997.

- L'Algérie aurésienne (avec Nancy Wood), éd. de la Martinière, 2001.

- La traversée du mal (avec Jean Lacouture), Arléa, 2004.

- Il était une fois l'ethnographie, Seuil, 2004.

SGE

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- Germaine Tillion, une ethnologue dans le siècle, Christian Bromberger et Tzvetan Todorov, éd. Actes Sud, 2002 (photographies Germaine Tillion).

présentation de l'éditeur

Germaine Tillion est une grande figure du siècle. Engagée dans les plus importants combats du XXe siècle,Tillion_Bromberger_Todorov fondatrice du réseau de résistance du musée de l'Homme, déportée à Ravensbrück avec son amie Geneviève Anthonioz de Gaulle, militante à la Libération avec David Rousset contre les camps de concentration, elle joue un rôle majeur en Algérie avec la création des centres sociaux et intervient vigoureusement avec son ami Camus contre la torture de l'armée française et les attentats du FLN. Jean Lacouture a rappelé dans sa biographie de Germaine Tillion, le témoignage est un combat, les grands moments de sa vie à la traversée du siècle.

Mais il est une autre dimension de Germaine Tillion, encore aujourd'hui bien trop méconnue, c'est son travail d'anthropologue du monde méditerranéen. Tzvetan Todorov, directeur de recherche au CNRS et proche de Germaine Tillion, et Christian Bromberger, anthropologue, professeur à l'université de Provence et spécialiste du monde méditerranéen, nous font découvrir cet autre visage de Germaine Tillion.

À l'occasion de la première Conférence Germaine Tillion d'anthropologie méditerranéenne, qui s'est tenue à Aix-en-Provence en avril 2002, Tzvetan Todorov a écrit ce texte qui présente l'oeuvre-vie de Germaine Tillion. Il nous donne les principales clefs de lecture du travail de Germaine Tillion et nous permet de comprendre l'héritage toujours bien vivant de sa pensée. C'est en effet une figure emblématique du XXe siècle, qui peut nous servir de repère dans ce début de XXIe siècle déjà si plein de bruit et de fureur.

Christian Bromberger nous révèle quant à lui l'immense apport de Germaine Tillion dans la connaissance du monde méditerranéen. Son fameux livre Le Harem et les Cousins est une étape très importante, après Lévi-Strauss et dans une toute autre perspective, pour comprendre les formes de filiation et de parenté propres au monde méditerranéen. Orles travaux de Germaine Tillion, notamment sur le terrain en Algérie et singulièrement dans les Aurès, ont été très largement occultés.
Ce livre d'une centaine de pages, rythmé par des citations originales et inédites de Germaine Tillion, tirées d'un film réalisé par Christian Bromberger, offrira au lecteur non seulement une synthèse de l'œuvre intellectuelle et scientifique de Germaine Tillion, mais également de véritables leçons de sagesse...
Le livre est illustré par une dizaine de photographies inédites de Germaine Tillion, une anthropologue dans la cité.

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Nancy_Wood_couv- Germaine Tillion, une femme-mémoire. D'une Algérie à l'autre, Nancy Wood, éd. Autrement, 2003.








 

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Journal du Dimanche - JDD.fr 30/05/2007 - 18:51

Sarkozy rend hommage à Germaine Tillion

Pour son centième anniversaire, Germaine Tillion a reçu un vibrant hommage de la part de Nicolas Sarkozy. "Je tenais à vous transmettre, en ce jour important, l'affection de la Nation toute entière", a écrit le chef de l'Etat dans une lettre lue mercredi à la Résistante par le conseiller du Président pour la culture et l'audiovisuel, Georges-Marc Benamou. "Vous incarnez véritablement ce que l'on peut appeler le siècle Tillion", a ajouté Nicolas Sarkozy à l'adresse de celle qui fut l'une des fondatrices du "Réseau du Musée de l'Homme", dès l'été 1940. Arrêtée le 13 août 1942 par la police allemande après une trahison, Germaine Tillion a été détenue 14 mois dans la prison de Fresnes, puis déportée à Ravensbrück, d'où elle ramena un témoignage sur la vie dans les camps de concentration nazis. "Sachez, chère  Germaine Tillion, qu'à travers vous, c'est devant une certaine idée de la France que je m'incline aujourd'hui", a conclu le locataire de l'Elysée.

- Vibrant hommage de Nicolas Sarkozy à Germaine Tillion - L'Express

- Actualités : le centième anniversaire de Germaine Tillion

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29 mai 2007

La femme égyptienne vue par les peintres orientalistes

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David Roberts (1796-1864), Ghawazi dansant au Caire

 

La femme égyptienne

vue par les peintres orientalistes

 

Bonjour,

j'ai trouvé votre blog passionnant alors que je faisais des recherches en vue d'un mémoire de recherche intitulé :

"La femme égyptienne vue par les peintres orientalistes d'expression anglaise
(anglais et américains) au XIXe siècle"

sous-titre : "Vision réelle ou idéalisée ?", le tout rédigé en anglais, bien sûr.

J'ai essayé de commander, en vain, les livres Voyageurs et écrivains égyptiens en France au XIXe siècle et L'autre Egypte. Savez-vous où je pourrais me les procurer, d'occasion, si possible, car il semblerait qu'ils ne soient pas réedités ou impossibles à obtenir par mon libraire. Ils sont tout à fait adaptés aux aspects que je souhaite étudier, même s'ils ne sont relatifs qu'à la femme. J'ai déjà beaucoup de livres et de documents venant d'Internet mais je cherche toujours à affiner.

Je vous remercie par avance de l'aide que vous pourriez m'apporter en ce sens.

"Catounet"

 

réponse

Malheureusement, l'ouvrage d'Anouar Louca, Voyageurs et écrivains égyptiens en France au XIXe siècle (1970) qui reprend sa thèse de 1957, est rarement proposé à la vente d'occasion. Il est plus facile de le consulter en bibliothèque, par exemple à la BnF (chercher sa notice). Table des matières de cet ouvrage sur le blog "islam en France".

Autre__gypte__Anouar_Louca_couvPar contre, L'autre Égypte. De Bonaparte à Taha Hussein (rééd. 2006), est accessible à l'achat. Il est édité par l'Institut français d'archéologie orientale du Caire - IFAO.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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     Anouar Louca (1927-2003)

 

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28 mai 2007

Hommages à Claude Liauzu

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23 mai 2008 - Il y a un an, Claude Liauzu disparaissait. Nous honorons sa mémoire et songeons aux siens et à ses amis.



Hommages à Claude Liauzu

 

Plusieurs hommages à Claude Liauzu ont été "postés" sous forme de commentaires à la suite de l'annonce de son décès sur ce blog. Nous les publions ci-dessous.

 

Hommage à Claude

Je n'oublierai jamais le formidable soutien que Claude m'avait apporté dans mon combat (le sien aussi) qui m'opposait au Général Schmitt et le procès des guerres coloniales, de la torture...
Une sentinelle, gardienne des droits de l'homme, au sens le plus profond, nous quitte. Je poursuivrai avec mes moyens cette démarche de dignité qui l'animait.
Avec beaucoup d'émotions

Henri POUILLOT

Posté par Henri POUILLOT, lundi 28 mai 2007 à 09:18

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Disparition de Claude Liauzu

Bonjour,

Je viens d'apprendre ce matin, lundi 28 mai, la disparition brutale de Claude Liauzu.

J'étais en contact avec lui ces jours derniers en tant qu'éditrice chez Armand Colin pour un ouvrage à paraître en octobre. Au-delà de la qualité d'écriture, le sérieux et l'efficacité de cet historien que j'ai déjà eu à plusieurs reprises l'occasion de constater, c'est un homme chaleureux, modeste, enthousiaste et curieux de tout qui nous quitte. Je suis encore pour ma part sous le coup de l'émotion et ne pense pas m'en remettre de sitôt. Les belles personnes ne courent pas les couloirs des maisons d'éditon...

Nous devions nous voir les jours prochains pour déjeuner ensemble car il avait encore d'autres projets à nous faire partager.

Avant de le faire de façon officielle, j'adresse à sa famille mes plus sincères condoléances et partage sa douleur.

2208_1Corinne Ergasse, éditrice chez Armand Colin

Posté par Ergasse Corinne, lundi 28 mai 2007 à 11:10

   

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histoire

Ancien étudiant à Jussieu, c'est grace au séminaire de Claude (et Américo) que j'ai appris à étudier les mécanismes si complexes du racisme et de la peur de l'autre. Il nous manquera dans ce domaine si négligé en France des études post-coloniales.

Posté par timothée, lundi 28 mai 2007 à 11:55

   

L'Historien-Militant ne meurt pas

J'ai appris par votre site la mort de mon professeur Claude LIAUZU ; je suis l'un de ses étudiants tunisiensmedina_tunis de l'université de Tunis vers les années 70 du dernier siècle ; il était coopérant ; il nous a donné le meilleur de lui-même : pédagogie exemplaire, cours parfaitement structuré et problématique, langue facile, rapports profondéments humains ; il a donné sa thèse d'Etat à l'histoire coloniae de La Tunisie ; il a aimé le pays et ses habitants ; certaines rues de Tunis, certains cafés de la capitale ne lui sont pas étrangers ; il avait une grande familiarité avec cet espace tunisien ; il se situe dans la lignée de ses collègues français comme André NOUSCHI, André RAYMOND, Robert MANTRAN, et les autres aussi ; il a forgé, malgré vents et marées, sa vie d'historien et de militant ; il a grandi dans les difficultés, non seulement personnelles, mais celles des peuples et des pays qu'il a connus et dont il voulait écrire une histoire décolonisée ; il l'a fait avec dignité, conviction et le devoir d'un historien qui n'est pas comme les autres. Sa mort ne peut en aucun cas nous faire oublier Claude LIAUZU, l'Hhmme, l'Historien et le Militant de toutes les grandes causes.

Ahmed JDEY
Historien, Universitaire, Université de Tunis, Tunisie

Posté par Ahmed, lundi 28 mai 2007 à 13:04

   

Hommage à Claude Liauzu

Ancien étudiant de Claude à Paris 7 dans les années 1990, il fut l'un de mes deux directeurs de thèse, puis quelqu'un avec qui j'ai beaucoup travaillé, comme beaucoup ici sans doute, sur les questions de conscience nationale ou sur la guerre et la mémoire. Claude fut pour moi une figure encourageante, une présence nécessaire. C'était une homme chaleureux et un grand historien. Il me manque terriblement.

1039230_property_imageDataArnaud Nanta, historien du Japon, CNRS

Posté par Arnaud Nanta, lundi 28 mai 2007 à 19:35

 

Regrets

J'apprends à New York la mort de notre collègue Claude Liauzu qui fut non seulement historien de la colonisation mais le témoin vigilant des dangereux dérapages racistes, anti-islamiques et populistes de celui qui est aujourd'hui président de la République. Il nous manquera. Je veux dire à sa famille toute ma sympathie.

Valensi_LucetteLucette Valensi, historienne

Posté par Valensi Lucette, lundi 28 mai 2007 à 23:47

 

Il savait rassembler

Ce que j'aimais beaucoup, et dont j'ai bénéficié, une belle qualité rare, qui va nous manquer : il savait rassembler sur des projets inventifs des gens qu'il rencontrait ici ou là, des spécialistes reconnus mais pas seulement : aussi des gens sans importance, que personne n'aurait remarqués, et qui lui paraissaient avoir un petit quelque chose qui valait la peine.
Il avait toujours une idée de livre collectif, de colloque, entre deux pétitions et trois réunions. Il agrégeait des personnalités et des genres hétérogènes, des vieux militants de l'époque des vrais combats anticolonialistes, et des étudiants de licence, des mandarins et des associatifs, des érudits et des pétitionnaires. Il n'avait pas peur de l'hétérogénéïté et au contraire, y puisait le sens de l'action. Tout le monde s'en trouvait bien.
SophieErnstPour moi, il aura été l'ami des années difficiles, dont la générosité m'a aidée à tenir.

Posté par Sophie Ernst, mardi 29 mai 2007 à 21:05

 

parti trop tôt

Etudiante de Claude Liauzu dans les années 74-75,à l'université de Tunis, je tiens à exprimer ma peine profonde pour la perte de cet enseignant qui fut pour beaucoup d'entre nous un guide dans nos premiers pas de recherche. Son engagement pour les causes qu'il croyait justes n'avait pas de limites. On s'en souviendra.

Tunis_11Leila Temime Blili

Posté par LEILA BLILI, samedi 2 juin 2007 à 23:31

un immense regret de ne pas l'avoir connu

C'est un peu paradoxal puisque nous ne nous sommes jamais rencontrés mais la mort de Claude Liauzu m'a beaucoup touchée. Il devait venir à Verdun au Centre mondial de la Paix, en compagnie de Daniel Lefeuvre, pour parler de l'histoire de la colonisation avec des lycéens. Nous nous sommes simplement parlé au téléphone pour préparer cette rencontre, qui n'a pas pu avoir lieu, je comprends maintenant hélas pourquoi. Lors de cette échange, sa chaleur humaine, sa générosité, son ouverture d'esprit et vers les jeunes m'avaient beaucoup impressionnée.
J'aurais vraiment aimé le connaître.
Je le remercie de m'avoir écouté et aidé à préparer ce débat.
visupoch50Je tiens à exprimer à sa famille toutes mes condoléances.

Posté par S. Le Clerre, dimanche 3 juin 2007 à 22:32

Je suis triste

J'ai bien connu Claude et Josette quand nous étions étudiants à Aix. Quand leur premier enfant est né, je lui ai "refilé" la poussette du mien ....(nous étions tous un peu fauchés). Claude m'a souvent vendu Clarté, je me suis inscrite grâce à lui au Mouvement de la Paix, mais il a su ne pas insister pour me faire adhérer au P.C... Je les ai ensuite complétement perdus de vue, mais j'ai suivi "de loin" les actions menées par Claude. En voyant sa photo, je retrouve la "passion" qui animait alors ce garçon, et j'ai du mal à l'imaginer autrement que courant pour défendre ses idées. À Josette, à son fils ainé qui a l'âge du mien, et à ses autres enfants j'adresse l'assurance de toute ma sympathie .

aix050bDanielle Bertrand, agrégée d'histoire .

Posté par DanielleBERTRAND, mardi 5 juin 2007 à 12:13

 

 

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l'historien Claude Liauzu (1940-2007)

 

- diffusion d'une émission de Claude Liauzu sur RFI : 27 mai 2007 (deux fichiers à télécharger)

 

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24 mai 2007

Claude Liauzu est décédé - La colonisation a-t-elle été positive ou négative ? (Claude Liauzu, mars 2007)

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Claude Liauzu est mort


L'historien Claude Liauzu, qui venait de publier Le Dictionnaire de la colonisation française, est décédé mercredi 23 mai au matin, d'une crise cardiaque dans son sommeil.

Nous exprimons à Josette Liauzu, son épouse, notre profonde affliction et notre désarroi devant cette disparition brutale, et l'assurons de nos sentiments affectueux.

Daniel Lefeuvre, Marc Michel, Claire Villemagne, Michel Renard

jeudi 24 mai 2007

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Avant de prendre sa retraite - il était encore professeur émérite - et d'animer les combats que l'on sait, Claude Liauzu, avait été professeur d'histoire contemporaine à l'université Denis Diderot-Paris VII. Il était né en 1940 à Casablanca et avait enseigné à Tunis comme coopérant.

hommages à Claude Liauzu


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Claude Liauzu, le 8 mai 2007 sur France 24



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- "Tunisie - Le dynamisme d'une société confrontée à la modernité", Le Monde Diplomatique, décembre 1985 (transcrit et posté par "Radical")

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La colonisation a-t-elle été positive

ou négative ?

Claude LIAUZU (mars 2007)


13076076_pLa polémique sur le terme "mise en valeur" dans un dictionnaire (*), est significative du poids des mots et des enjeux que les groupes de mémoires leur attribuent. Ce terme, employé par Sarraut, ministre des Colonies, signifie effort d'infrastructure et d'investissement destiné à la production coloniale. Il a été présenté comme positif par les défenseurs du système et contesté comme conçu exclusivement au profit de la colonisation par ses contempteurs.

Bardés de certitudes, les uns alignent kilomètres de routes et de chemins de fer, mètres cubes de bâtiments, statistiques de la vaccination ; les autres dénoncent les crimes contre l'humanité, l'esclavage, les massacres, la torture, le racisme. La sensibilité de la société est telle que les lois dites mémorielles se multiplient et s'opposent, toutes décidant du vrai et du faux, du juste et de l'injuste, au risque de voir des majorités politiques sujettes à variation changer notre passé à chaque législature. Tel n'est pas l'objet de l'histoire.

Cela ne signifie pas que les historiens se réfugient derrière une impossible neutralité, qu'ils n'aient pas d'opinions ; et celles des auteurs de ce dictionnaire sont diverses, choix délibéré, le seul critère ayant été leur compétence dans leur spécialité. Leur rôle n'est pas de dire le bien ou le mal, il n'est pas de condamner ni de couvrir de lauriers leurs ancêtres, mais de comprendre toute la complexité historique. Confrontés à des sensibilités très différentes, voire opposées, les historiens ne sont pas détenteurs de la Vérité absolue, ils doivent proposer des repères, aider le lecteur à comprendre le passé.

Et ce n'est pas une mince affaire. Il faut écarter la tentation de l'anachronisme qui consiste à juger hier avec les critères d'aujourd'hui. Les supplices subis par les esclaves doivent être étudiés en les comparant avec ceux infligés par l'Inquisition, par les bourreaux de Sa Majesté, par ceux de Chine ou d'Istanbul. L'esclavage a été une pratique courante depuis l'Antiquité et dans la plus grande partie du monde. La question de savoir si telle abomination du passé est un crime contre l'humanité est une question politique, juridique, peut-être morale ou philosophique, mais pas historique. Ce type de jugement, les lois qui l'imposent peuvent avoir des effets pervers en entravant un libre débat scientifique.

À l'opposé de beaucoup d'ouvrages se réclamant d'un anticolonislisme dans l'air du temps - mais anachronique et bien peu éclairant cinquante ans après la fin des grands conflits - ou d'un culte nostalgique du bon vieux temps des colonies, celui-ci a choisi : à l'encontre de trop d'auteurs qui ne disent rien de leur parti pris, il faut préciser le nôtre, ne pas penser à la place du lecteur.

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bâteau en rade de Tamatave (Madagascar), 1940 - source

Ces précautions étant prises, la première évidence, et le premier problème, à expliquer, c'est la certitude partagée par la plupart des contemporains du bien-fondé de l'expansion, la parfaite bonne conscience répandue dans les manuels scolaires depuis Jules Ferry et Lavisse jusqu'à la fin des années 1950. Ce qui est évident aussi, c'est l'amnésie qui a suivi le refoulement de l'événement traumatique des décolonisations, surtout dans la dernière décennie. On n'a pas assez réfléchi à ces variations des mémoires.

Cependant, avec le temps, tout passe, et si l'histoire n'est pas dépassionnée, il n'y a plus d'enjeux politiques directs comme dans les années 1950-1960. Les générations nées après 1962 n'ont pas le même point de vue que celles ayant vécu la période coloniale. Dans les pays indépendants, l'immense majorité de la société, née après le désenchantement qui a suivi les fêtes des indépendances, ne peut plus considérer les nationalismes comme l'ont fait ceux qui ont traversé la "nuit coloniale". Elle est beaucoup plus critique envers eux, envers les pouvoirs qui en sont issus.

Cette situation incite à prêter attention à des réalités négligées, à ne plus se limiter à la période attribuée à la "grande histoire" des nations. Les États sont dans leur rôle quand ils se dotent d'une politique publique de la mémoire, mais la mondialisation qui va s'accélérant rend beaucoup plus sensible aux interdépendances avant que la colonisation accélère le maillage du monde. Cet immense phénomène, où l'expansion coloniale a joué un rôle moteur, est au coeur de ce livre, car c'est la principale question posée par cinq siècles d'histoire, pour ne pas remonter au-delà de 1492.

Claude Liauzu, "La colonisation en questions",
in Dictionnaire de la colonisation française,
Larousse, mars 2007, p. 13-15.


(*) En septembre 2006, Le Petit Robert a été attaqué pour sa définition de la colonisation.


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Histoire de France, cours élémentaire, 1969 (E. Pradel et M. Vincent, éd. Sudel)


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18 mai 2007

réponse à Catherine Coquery-Vidrovitch (Daniel Lefeuvre)

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réponse à Catherine Coquery-Vidrovitch

Daniel LEFEUVRE

 

Catherine Coquery-Vidrovitch me fait l’honneur de publier, sur le site du Comité de vigilance face aux usages publics de l’histoire, un long compte rendu consacré à mon livre Pour en finir avec la repentance coloniale.

 

les Repentants existent-ils ?

Dans ce texte quelque peu confus, C. Coquery-Vidrovitch me reproche, d’abord, de n’avoir pas respecté «les règles élémentaires d’un historien» en ne définissant pas rigoureusement le milieu des repentants auquel je m’attaque, en confondant dans le même mouvement des politistes, des historiens «non universitaires» et quelques collègues, dont elle-même, Tariq Ramadan, et certains médias. Bref, je construirais, pour les besoins de ma (mauvaise) cause, un «adversaire collectif» sorti tout droit de mon imagination.

Ainsi, pour C. Coquery-Vidrovitch rien ne permettrait de repérer un courant d’opinion prônant la condamnation – et non pas la connaissance et la compréhension - du passé colonial de notre pays et exigeant de l’État, par la voix de ses plus hauts représentants, des manifestations de regrets et des demandes d’excuse auprès des victimes – ou plutôt de leurs descendants – de ce passé, sous le prétexte que ce courant serait hétérogène, constitué de personnalités diverses par leurs statuts comme par leurs motivations, s’appuyant sur des positions institutionnelles (Ligue des Droits de l’Homme ou MRAP) ou des organisations (Indigènes de la République)  et bénéficiant d’un accès privilégié à certains médias (Le Monde diplomatique par exemple).
Depuis quand, l’homogénéité d’un groupe de pression serait-il nécessaire à son existence ?

 

islamophobie / islamophilie

C. Coquery-Vidrovitch relève ensuite les «bourdes» qui émailleraient mon texte, notamment lorsque j’avance l’idée que loin d’avoir été uniment islamophobe, la culture coloniale a été 02957empreinte d’islamophilie, comme l’atteste la personnalité d’Augustin Berque. «Augustin Berque comme porte-parole de l’opinion publique en matière d’islam ?», la référence fait sourire mon critique.
Inutile de rappeler à Coquery-Vidrovitch ce que Bourdieu disait de cette notion d’opinion publique. Si j’ai fait référence à A. Berque c’est qu’il était chef du service des Affaires indigènes au sein du Gouvernement général de l’Algérie et qu’à ce titre son opinion est révélatrice d’une culture et d’une pratique de l’administration coloniale et, plus généralement, de l’État français. Bien d’autres exemples de la politique d’égard de la France vis-à-vis de l’islam peuvent être produits (respect par l’armée des prescriptions musulmanes, construction de la Grande Mosquée de Paris… ainsi que la politique du Royaume arabe esquissée par Napoléon III et que cite d’ailleurs C. Coquery-Vidrovitch). Certes, cette politique d’égard s’est accompagnée, tout au long de la période coloniale, d’une surveillance du culte musulman, mais celle-ci était d’ordre politique et non pas d’ordre religieux.

Je confesse une erreur, et C. Coquery-Vidrovitch a raison de me reprendre sur ce point : ce n’est pas tout le Nigéria qui applique la charia mais certaines provinces du Nord de ce pays. En revanche, comment admettre la complaisance avec une législation qui bafoue la dignité et le droit des femmes, que manifeste C. Coquery-Vidrovitch qui ne craint pas d’affirmer que les dirigeants islamistes des provinces en cause «font mine de l’appliquer» uniquement pour embarrasser le gouvernement central, aucune condamnation n’ayant été à ce jour exécutée. Mais que des femmes aient été condamnées pour «adultère», qu’elles aient vécu et vivent encore sous la contrainte et la menace d’un islamisme réactionnaire ne semble pas émouvoir plus que cela notre historienne qui paraît faire bon marché à cette occasion des valeurs du combat féministe. Décidément, je crois que certains rapprochements avec Tariq Ramadan ne sont pas infondés et je constate, hélas, que l’actualité récente me donne raison : on ne fait pas «mine» d’appliquer la charia dans les provinces du Nord du Nigeria.

 

les Algériens étaient français

Aussi sourcilleuse avec la réalité historique qu’elle affirme l’être, C. Coquery-Vidrovitch commet elle-même, dans son compte rendu quelques «bourdes» qui méritent d’être rectifiées. D’abord lorsqu’elle s’indigne queFRCAOM08_9FI_00164R_P je qualifie - «improprement» selon elle - les Algériens de Français, alors que «l’honnêteté historique» aurait dû me rappeler que «les Musulmans vivaient dans trois département français, mais qu’ils n’y étaient pas Français». Cette assertion témoigne d’une vision quelque peu étroite, en tout cas confuse, des réalités algériennes.

L’ordonnance royale du 22 juillet 1834, qui fait de l’ancienne Régence une possession française, conduit la cour d’Alger à juger, le 24 février 1862, que de ce fait, les indigènes d’Algérie étaient devenus des sujets français. Confirmant cette interprétation, le sénatus consulte du 14 juillet 1865 «sur l’état des personnes et la naturalisation en Algérie»  précise, dans son article premier, que «L’indigène musulman  est Français ; néanmoins il continuera à être régi par la loi musulmane.» Autrement dit, et cela est également vrai pour les Juifs résidant sur le territoire de l’ancienne régence d’Alger, le sénatus consulte opère une distinction entre la nationalité et la citoyenneté – au demeurant moins étanche qu’on ne le prétend généralement, la nationalité conférant, de fait, certains éléments de citoyenneté - celle-ci pouvant être acquise à la suite d’une démarche volontaire entraînant l’abandon des statuts personnels.

C’est d’ailleurs cet abandon que le décret Crémieux du 24 octobre 1870  impose aux Juifs du Nord de l’Algérie lorsqu’il leur accorde collectivement la citoyenneté (et non pas la nationalité dont ils jouissaient déjà) française. En Algérie, comme en métropole, les Algériens sont donc bien des Français et la critique de C. Coquery-Vidrovitch est sans fondement. Il n’est pas inintéressant de souligner que le décret du 25 mai 1881, «relatif à la naturalisation des Annamites», étend à la Cochinchine des dispositions similaires.

 

code de l'indigénat

FRCAOM08_9FI_00219R_PC. Coquery-Vidrovitch, toujours en délicatesse avec cette chronologie, chère aux positivistes qu’elle semble dédaigner, commet une deuxième «bourde» lorsqu’elle date de 1894, la promulgation du régime de l’Indigénat en Algérie («avant d’être généralisé ailleurs», ajoute-t-elle). En réalité, expérimenté en Kabylie en 1874 (décret du 29 août), à la suite de l’insurrection de 1871, l’indigénat a été étendu à l’ensemble des Algériens musulmans (non citoyens) résidant dans les communes-mixtes du territoire civil par la loi du 28 juin 1881. L’extension, sous des formes et avec des contenus variés, aux autres colonies, n’a pas attendu 1894 : elle intervient au Sénégal et en Nouvelle-Calédonie dès 1887 et en Indochine en 1890. Mais il est supprimé dès 1903 en Cochinchine tandis qu’en Algérie, il est très largement vidé de son contenu, au fur et à mesure que le Parlement en vote la prorogation et, en particulier, après la Première Guerre mondiale.

 

"pression du patronat" ?

Je me contredirais d’une page à l’autre à propos de la politique migratoire de la France à l’égard des Nord-Africains. Je crains, sur ce plan, que Coquery-Vidrovitch m’ait lu trop rapidement. Indiscutablement, au cours de la Première Guerre mondiale, pour son effort de guerre, la France a recruté massivement, en même temps que des soldats, de la main-d’œuvre coloniale, au Vietnam, en Algérie et au Maroc principalement, procédant même, à partir de 1916, à une «véritable chasse à l’homme».

Mais, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, et contrairement aux affirmations hasardeuses de Pascal Blanchard, dont C. Coquery-Vidrovitch se fait l’avocate, l’État ne s’est pas attaché à faire venir des Algériens «sous la pression du patronat». Ils venaient, spontanément et de plus en plus nombreux, chercher en France le travail et les revenus qu’ils ne trouvaient pas en Algérie. Le rôle de l’État n’a donc pas été de répondre aux demandes d’un patronat avide de main-d’œuvre à bon marché. Bien au contraire, il s’est efforcé d’imposer au patronat, qui n’en voulait pas, l’embauche de travailleurs algériens, par la mise en œuvre d’une politique de préférence nationale.

Toute autre est la situation des Marocains recrutés pour une trentaine de milliers d’entre eux par les Charbonnages de France, ce qui confirme que les causes du rejet de la main-d’œuvre algérienne par le patronat français ne se réduisent pas à un «racisme anti-maghrébin». Quant au terme «nord-africain», s’il apparaît dans mon livre comme synonyme d’Algériens, ce n’est pas, comme le croit C. Coquery-Vidrovitch, que j’ignore qu’il s’appliquerait aussi aux Marocains, mais parce qu’au-delà de son acception géographique, il a revêtu une définition historique et parce que la littérature administrative, notamment, l’utilise, des années 1920 jusqu’à la fin des années 1950, comme synonyme d’Algériens.

Concernant les Algériens qui assurent avoir été démarchés par des «agents patronaux», loin de faire «bon marché» de leurs témoignages, je les cite et si j’en réfute, non pas la sincérité, mais le bien-fondé, c’est justement après les avoir analysés et m’être attaché à débusquer l’origine du quiproquo, notamment grâce aux archives du Gouvernement général et à un article publié par Alger Républicain. Il ne me semble pas que l’historien sorte de son rôle en passant les témoignages au crible de la critique historique, fussent-ils les témoignages des «victimes» de l’histoire.

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travailleurs immigrés

Au-delà du cas d’espèce, c’est la méthode que C. Coquery-Vidrovitch met en cause puisqu’à ses yeux «exemples ne font pas preuve». Un exemple, je veux bien, mais une suite d’exemples, d’origines diverses (de préfets, de milieux patronaux, d’un journal proche du Parti communiste algérien et d’un grand quotidien algérien) crée, me semble-t-il, un ensemble suffisamment cohérent pour conforter une hypothèse et justifier une affirmation. C. Coquery-Vidrovitch est parfaitement en droit de contester celle-ci. Mais alors qu’elle avance ses propres arguments.

 

"Profits immenses"

Menteur par omission, ensuite, parce que je reproche à Claude Liauzu d’appuyer son affirmation que la colonisation a été l’occasion de «profits immenses», sur deux exemples. Tiens ! six exemples d’un livre deDAFANCAOM01_30FI088N043_P Lefeuvre témoignent de l’incompétence de l’auteur, mais deux exemples d’un livre de Liauzu auraient valeur démonstrative !
Le procès de Catherine Coquery-Vidrovitch est d’autant plus mal venu, sur ce point, que, page 129 de mon essai je souligne que «toute une série de sociétés coloniales sont, avant la Première Guerre mondiale, de bonnes  affaires pour leurs actionnaires».
Mais je rappelle aussi, m’appuyant sur les travaux de Jacques Marseille, que la mortalité des entreprises coloniales, en particulier du secteur minier, a été beaucoup plus élevée que la mortalité des entreprises métropolitaines et qu’il est donc inexact de présenter l’investissement dans les colonies comme une poule aux œufs d’or. C’était, bien souvent, un pari hasardeux, dont de nombreux rentiers ont fait les frais.

 

 

domination coloniale : totalitarisme ?

Je déformerais «outrageusement» la pensée de mes «adversaires». D’abord en accusant «Le livre noir du colonialisme de présenter le nazisme comme un héritage colonial». Une première remarque : s’appuyant sur une lecture me semble-t-il superficielle d’Hannah Arendt, Marc Ferro reproche aux historiens qui travaillent sur les régimes totalitaires d’avoir «omis de s’apercevoir qu’au nazisme et au communisme, elle avait associé l’impérialisme fichiercolonial» [M. Ferro, Le livre noir du colonialisme, p. 9]. Derrière le paravent d’H. Arendt, M. Ferro analyse donc bien la domination coloniale comme une des trois formes du totalitarisme. Compte tenu de son antériorité chronologique sur l’Union soviétique stalinienne et sur l’Allemagne nazie, ce serait même la première forme historique du totalitarisme. Pointer cela n’est en rien trahir la pensée du maître d’œuvre du Livre noir. Dans les pages qui suivent, celui-ci s’efforce d’entretenir une certaine filiation entre conquête et domination coloniales d’une part et nazisme d’autre part. Comment lire autrement cette affirmation  [p. 28] : «Autre forme de racisme, pas spécialement occidentale : celle qui consiste à estimer qu’il existe des différences de nature ou de généalogie entre certains groupes humains. La hantise principale porte alors sur le mélange ; mais cette hantise peut avoir des relents biologiques et criminels, le croisement étant jugé, par les nazis notamment, comme une transgression des lois de la nature

Ensuite, pensant «faire de l’esprit» je m’attaquerais à «une utile édition de sources récemment publiée» par Gilles Manceron. C. Coquery-Vidrovitch est une nouvelle fois en délicatesse avec la chronologie. L’ouvrageimg_pres_long_3317 auquel elle fait référence (voir sa note 6) n’a été publié qu’en février 2007, soit plus de cinq mois après le mien et je puis assurer que ni G. Manceron ni son éditeur ne m’en ont communiqué le contenu avant sa publication. Je ne m’essaie donc pas «à faire de l’esprit» à l’égard d’un ouvrage que je ne pouvais pas avoir lu et lorsque je dénonce le rapprochement fait entre la colonisation et les pratiques d’extermination mises en œuvre par les armées nazies dans l’Europe occupée, c’est au précédent livre de G. Manceron que je fais explicitement référence [Marianne et les colonies, p. 295], citation sourcée en note de bas de page à l’appui.

 

 

colonies et "caisses de l'État"

Je témoignerais d’une singulière «malhonnêteté intellectuelle» en mettant en cause une affirmation de C. Coquery-Vidrovitch, selon laquelle, dans l’entre-deux-guerres «le Maghreb allait à son tour remplir les caisses de l’État, et surtout des colons et des industriels intéressés, grâce aux vins et au blé FRCAOM08_9FI_00572R_Pd’Algérie, et aux phosphates du Maroc»  puisque j’aurais pris soin de «taire la phrase suivante» : «mais comme l’a montré Jacques Marseille, ce soutien fut de bout en bout un leurre.»

Je renvoie évidemment le lecteur au texte original de C. Coquery-Vidrovitch ("Vendre : le mythe économique colonial",  dans P. Blanchard et alii, Culture coloniale, 1871-1931, éditions Autrement, 2003, p. 167) : il constatera de lui-même que la phrase suivante est, en réalité, le début d’un nouveau paragraphe qui ne prolonge pas la même démonstration, puisque le «leurre» renvoie au fait que «l’économie coloniale, toujours prônée par les gouvernements successifs, eut pour effet majeur de protéger l’économie française de façon malthusienne».
Ajouter cela, n’invalide donc pas, ni même ne nuance, la «bourde» de l’historienne qui feint d’ignorer – peut-être pour être dans le ton de l’ouvrage auquel elle participe - qu’à partir des années 1930, non seulement le Maghreb ne remplit pas les caisses de l’État, bien au contraire, mais encore que les colons subissent une crise de trésorerie dramatique qui aurait conduit la plupart à la faillite si la Métropole n’avait volé à leur secours (voir l’article de René Gallissot sur la révolte des colons tondus du Maroc qui vaut aussi pour les colons algériens étranglés par un niveau d’endettement auquel la plupart ne peuvent plus faire face, dans L’Afrique et la crise de 1930, RFHOM, 1976, sous la direction de C. Coquery-Vidrovitch elle-même).

Mais - et je l’ai bien compris - il ne faut pas prendre au pied de la lettre les affirmations de notre historienne, car on risquerait alors de la faire passer pour une «idiote». Ce qu’elle écrit doit donc être interprété et j’attends donc qu’elle livre, avec ses textes, un mode de lecture pour m’éviter toute interprétation malveillante. Curieusement dans son compte rendu, C. Coquery-Vidrovitch préfère garder le silence sur une autre de ses affirmations que je critique pourtant : «C’est seulement à partir des années 1950 […] que l’Afrique noire à son tour, allait soutenir l’économie française» ["Vendre : le mythe économique colonial", p. 169]. Sans doute, là encore, ne faut-il pas prendre au pied de la lettre cette affirmation.

 

quel soutien l’Afrique noire apporta-t-elle à l’économie française entre 1950 et 1959 ?

FRCAOM08_9FI_00208R_P- Un soutien financier ? Jamais, au cours de cette période, ni l’AOF, ni l’AEF ne dégagèrent une balance commerciale positive avec la France, leur déficit commercial cumulé s’élevant à 3 988,6 millions de NF, pour l’essentiel couvert par des transferts de fonds publics en provenance de la métropole.
- Un soutien économique ? Entre 1950 et 1959, l’AOF et l’AEF réunies absorbent autour de 10 % du total des exportations françaises, avec, d’ailleurs au fil des ans, une tendance à l’effritement, et livrent environ 7,2 % des importations. 10 %, 7 %, ce n’est pas négligeable, et bien entendu, pour certains produits la part de l’Afrique noire française était beaucoup plus élevée, mais tout de même, cela ne justifie aucunement qu’on parle de «soutien» à l’économie française. D’autant que C. Coquery-Vidrovitch omet de s’interroger sur le financement du commerce extérieur de l’Afrique française, largement pris en charge par le contribuable français.

Je n’ignore évidemment pas l’enquête quantitative sur la réalité détaillée des différents territoires de l’empire, colonie par colonie, entreprise sous sa houlette, à laquelle Jacques Marseille a participé et dont il a utilisé les résultats dans sa thèse. Lectrice un peu plus attentive, C. Coquery-Vidrovitch n’aurait pas manqué de voir, dans mon livre, des références à ce travail, notamment un tableau sur la démographie des sociétés coloniales qui contredit l’idée d’un eldorado colonial.

Mais, depuis cette enquête, au demeurant inachevée et incomplètement publiée, d’autres travaux ont été menés et, s’agissant du poids des colonies sur le Trésor public métropolitain, C. Coquery-Vidrovitch n’ignore pas la contribution du même Jacques Marseille, présentée lors du colloque Finances [J. Marseille, "La balance des paiements de l’outre-mer sur un siècle, problèmes méthodologiques", dans La France et l’outre-mer, Un siècle de relations monétaires et financières, CHEFF, 1998] qui fait, non pas de la conquête, mais de la domination coloniale un «tonneau des Danaïdes» pour les contribuables français. À ma connaissance, cette démonstration n’a pas été invalidée, y compris par l’africaniste C. Coquery-Vidrovitch. Pourquoi ?

L’affirmation selon laquelle «l’économie coloniale, toujours prônée par les gouvernements successifs, eut pour effet majeur de protéger l’économie française de façon malthusienne» repose elle-même sur une série d’erreurs factuelles : le pacte colonial ne s’est pas toujours ni partout déployé dans l’espace colonial français, ne serait-ce que parce que des conventions internationales ne le permettaient pas (la Conférence de Berlin définit des zones de libre-échange pour les pays du bassin du Congo, tandis que l’acte final de la conférence d’Algésiras – 7 avril 1906 – réaffirme le principe de la «porte ouverte» au Maroc). Le pacte colonial est ensuite largement abandonné, au moins pour l’Afrique du Nord, à partir de Vichy.

Cette affirmation témoigne aussi, et c’est sans doute plus grave, d’une conception systémique de l’histoire coloniale qui gomme la diversité des situations dans les espaces coloniaux et dans les durées de la domination coloniale, mais aussi les stratégies diverses prônées ou suivies par les différentes administrations coloniales ou les milieux patronaux. Je renvoie à mon tour, C. Coquery-Vidrovitch à une lecture plus attentive de la thèse de Jacques Marseille.

 

positivisme

Victime d’«un positivisme simplificateur», je m’attacherais à compter un par un le nombre des victimes des conquêtes coloniales en ignorant – volontairement ou par bêtise – «la complexité des facteurs historiques». Sur ce plan, le débat est effectivement d’ordre méthodologique. Ce mépris pour le «positivisme» dont C. Coquery-Vidrovitch témoigne, justifie qu’on puisse dire tout et n’importe quoi. Elle ne s’en prive d’ailleurs pas, dans Le livre noir du colonialisme (p. 560), lorsqu’elle affirme que la guerre d’Algérie aurait fait un million de victimes parmi la population algérienne musulmane.

C. Coquery-Vidrovitch, qui me reproche d’ignorer les travaux d’André Prenant, sait pertinemment qu’elle 383470_471498énonce, là, un mensonge grossier, forgé par la propagande du FLN et qui sert, aujourd’hui encore, à conforter le pouvoir des dictateurs algériens : tous les travaux des démographes et des historiens français (d’André Prenant à Charles-Robert Ageron, de Benjamin Stora à Guy Pervillé et Gilbert Meynier) ont infirmé ce chiffre et proposé des estimations beaucoup plus basses : 250 000 morts environs, parmi lesquels, selon Gilbert Meynier, environ 200 000 auraient été victimes de l’armée française et 50 000 du FLN. Tout comme est mensonger le chiffre d’un million de morts liés à la conquête de l’Algérie, qui ignore l’ampleur de la catastrophe démographique des années 1865-1868, tout à la fois alourdie ET amortie par le fait de la colonisation, comme je me suis attaché à le montrer dans mon livre.

 

 

 

 

immigration coloniale et Trente Glorieuses

Mon «étroitesse d’esprit» m’interdirait également de penser le rôle de l’immigration coloniale en France au-delà du pourcentage global – moins de 1 % de la population active – qu’elle représenterait, ce qui conduit C. Coquery-Vidrovitch à m’inviter à regarder du côté des catégories professionnelles.

Qu’elle me permette à mon tour de l’inviter à lire un peu plus sérieusement les livres qu’elle entend critiquer : que ce soit pour les années 1920 comme pour celles d’après la Seconde Guerre mondiale, c’est très précisément ce que je fais, en m’attachant, notamment pages 145, 146 (note 1) et 156, à mesurer le poids de cette immigration selon les principaux secteurs d’activité ou en fonction des catégories professionnelles dont elle relevait. Et, loin d’invalider la conclusion que le pourcentage global autorise, cette ventilation sectorielle ne fait que la renforcer : l’immigration d’origine coloniale a bien joué un rôle économique marginal dans les reconstructions d’après-guerre et au cours des Trente Glorieuses.

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grève à Renault-Billancourt

Quant au «commentaire» qui biaiserait les statistiques que je présente, j’attends que C. Coquery-Vidrovitch veuille bien le citer. Que les quatre-cinquièmes des OS employés par Renault dans ses usines de Billancourt ne soient pas des travailleurs coloniaux ne signifie évidemment pas que ceux-ci n’ont pas contribué à la production automobile française, ou, pour d’autres secteurs, à la production nationale. Cela veut simplement souligner que, même dans la plus grosse des entreprises françaises employeuses de main-d’œuvre coloniale, cette dernière n’a pas joué le rôle central que certains lui prêtent.

Contrairement à C. Coquery-Vidrovitch, sur tous ces points – bilan des victimes des guerres coloniales ; bilan de l’exploitation économique des colonies et des populations colonisées ; rôles des soldats coloniaux constantine_camiondurant les guerres mondiales, etc. ; rôle de la main-d’œuvre coloniale dans la croissance française – je crois en effet que le premier devoir de l’historien est d’établir les données les plus précises possibles (au passage, on pouvait espérer de C. Coquery-Vidrovitch plus de précision à propos de l’enfumade qui aurait été perpétrée, en 1931, en Oubangui-Chari qu’elle se contente d’évoquer). C’est seulement à partir de ce socle de connaissances «positives» que des interprétations peuvent être proposées.

Et, toujours contrairement à mon censeur, je ne pense pas qu’on puisse faire dire ce que l’on veut aux statistiques, dès lors qu’elles sont honnêtement construites. Jean Bouvier, qui dirigea mon mémoire de maîtrise sur L’Industrialisation de l’Algérie dans le cadre du plan de Constantine et Jacques Marseille qui dirigea ma thèse n’ont, à ma connaissance, jamais dit autre chose ni pratiqué autrement.

Le relativisme dans lequel C. Coquery-Vidrovitch se complet actuellement,  adossé à - ou rendu nécessaire par - un tiers-mondisme qui l’amène à minimiser le poids que la charia fait peser sur les femmes de «deux ou trois provinces» du Nord du Nigéria et à justifier la propagande des dictateurs algériens – conduit à tourner le dos aux principes fondamentaux de la discipline historique.

 

racisme

C. Coquery-Vidrovitch se scandalise du fait que, dans un chapitre consacré à la mesure et aux origines du Gastaut_immigration_couvracisme dans la société française actuelle, je cite un sondage de novembre 1996 – tiré de la thèse de Yves Gastaut, L’immigration et l’opinion en France sous la Ve République, Le Seuil, 2000 – qui indique que 42 % des Français estiment que tous les hommes appartiennent à la même race tandis que 38 % admettent l’existence de races mais sans établir entre elles une hiérarchie. Au total, l’inégalité des races serait admise par un cinquième de la population. C. Coquery-Vidrovitch, croit pouvoir dire que je trouverais rassurant ce résultat et que j’en serais content, alors qu’elle-même s’en inquiète. Nos «subjectivités» seraient donc différentes et me voilà, au détour d’une phrase, rendu suspect d’une coupable indulgence pour les sentiments racistes d’une fraction de nos compatriotes, à moins que je ne partage ce sentiment ! Tout cela n’est pas raisonnable.

Ce que montre la thèse d’Y. Gastaut c’est, premièrement que le racisme est un sentiment largement rejeté par la société française, comme la mobilisation des habitants de Montfort-sur-Meu (Ille-et-Vilaine) en ont apporté une nouvelle démonstration au mois de mars dernier en se mobilisant contre l’expulsion des travailleurs maliens employés par l’abattoir de la commune. Ce qu’elle montre ensuite c’est que le racisme actuel, réel par ailleurs, même s’il n’est pas aussi répandu qu’on [en particulier le MRAP et toutes les organisations dont le fond de commerce repose sur la supercherie d’une France malade du racisme] tente de nous le faire croire, ne relève pas d’abord de la subsistance d’une «culture coloniale» dans la France contemporaine mais de mécanismes actuels qui doivent plus à la crise sociale et identitaire que notre pays traverse et aux violences – application de la charia, appels aux meurtres, attentats, massacres … - perpétrés à travers le monde par les fascistes islamistes de tout poil.

 

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"post-colonialité"

Enfin, C. Coquery-Vidrovitch brocarde mon inculture à propos de la post-colonialité. Je me sens, sur ce plan en bonne compagnie, puisqu’Éric Hobsbawn lui-même ne craint pas de railler les «errements de l’histoire post-coloniale» dans sa préface au livre de C. A. Bayly, La Naissance du monde moderne (traduction française, Les Editions de l’Ateliers, 2007, p. 14). Mais évidemment, raillerie pour raillerie, cette réponse n’est pas suffisante et comme le sujet est important, non pas, à mon sens, du fait de la valeur heuristique de ce faux concept mais parce qu’il devient un phénomène de mode, je serais ravi d’engager, sur le fond, le débat avec Catherine Coquery-Vidrovitch et j’espère qu’elle voudra bien accepter mon invitation à participer aux journées d’études que je co-organise à Paris 8 Saint-Denis, au début de la prochaine année universitaire, sur le thème : La France est-elle une société post-coloniale ?

Je rejoins C. Coquery-Vidrovitch sur la nécessité d’être vigilant face aux usages publics et politiques de l’histoire. Mais cette vigilance suppose, d’abord, des historiens qu’ils ne se trompent pas de métier. Ni juges, ni même juges d’instruction, ils ne sont pas là pour instruire le procès du passé et des acteurs de ce passé, fût-il le passé colonial. Ils sont là pour l’étudier, principalement à partir des archives de toute nature que ce passé nous a léguées, pour le connaître et le comprendre. En s’attachant à défendre l’indéfendable et à contester l’incontestable, outre les remarques qu’elle appelle de ma part, la critique que C. Coquery-Vidrovitch fait de mon livre, sous prétexte de me donner une leçon d’histoire, conforte le mésusage de l’histoire dont elle s’inquiète par ailleurs.

Daniel Lefeuvre
Professeur d’histoire contemporaine
Université Paris VIII-Saint-Denis

 

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usine de Sisal, Mali (source)

 

* cf. "Réplique à un argument de Catherine Coquery-Vidrovitch : un historien peut-il faire dire ce qu'il veut aux statistiques ?" (Michel Renard)Diapositive1

 

 

 

 

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16 mai 2007

Le dictionnaire politique et culturel du colonialisme (L'Humanité)

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le dictionnaire politique et culturel

du colonialisme

Jean CHATAIN (L'Humanité)

 

L’ouvrage mis au point par Claude Liauzu avec des spécialistes internationaux éclaire cent cinquante années de colonisation.

Dictionnaire de la colonisation française,
ouvrage collectif, sous la direction de Claude Liauzu, éditions Larousse, 2007, 648 pages, 28 euros.

«Il faut dire ouvertement qu’en effet les races supérieures ont un droit vis-à-vis des races inférieures. (...) Elles ont un devoir de civiliser les races inférieures.» Cette pétition au racisme triomphant est aujourd’hui volontiers passée sous silence en France [1], mais demeure en revanche célèbre en Afrique comme aux Antilles. Elle date de 1885 et fut prononcée par le ministre Jules Ferry devant l’Assemblée nationale, à laquelle il était demandé une rallonge budgétaire censée permettre le dernier coup de collier pour la conquête de Madagascar. Le même ajoutait, afin de lever les ultimes hésitations : «Les colonies sont, pour des pays riches, un placement des capitaux des plus avantageux. (...) La fondation d’une colonie, c’est la création d’un débouché.» Les premières phrases s’inscrivent dans une tradition aussi ancienne que le colonialisme, celle qui, sous Louis XIV, permettait à Bossuet de menacer d’excommunication toute personne mettant en doute le bien-fondé de l’esclavage aux Antilles et du Code noir le régissant, par exemple. Dépouillées de leur habillage chrétien de règle sous l’Ancien Régime, elles prétendaient donner formulation anthropologique à la politique de conquête ainsi proposée aux élus de la nation. Les secondes en éclairaient crûment la véritable finalité afin de les convaincre que l’on discutait de choses sérieuses et dignes de toute leur attention. L’appel fut d’ailleurs entendu.

Réunissant plus d’une soixantaine de chercheurs (ce qui explique certaines variations de tonalité d’un article à l’autre), ce monumental ouvrage élaboré sous la direction de l’historien Claude Liauzu se veut oeuvre pédagogique dans un domaine où les propagandes actuelles (voir certaine loi UMP de février 2005 vantant le «rôle positif» de la présence française outre-mer et sommant les enseignants d’en rendre compte) prolongent souvent les anciennes et continuent de brouiller les cartes et les enjeux. «La passion autour de cette question, explique l’historien, prouve que la colonisation n’appartient pas à un passé mort.» Au fil de sept cents entrées, le dictionnaire explore tous les aspects du passé colonial, il fait d’ailleurs appel à des chercheurs «nés après le désenchantement qui a suivi les fêtes de l’indépendance», ainsi qu’à des historiens des DOM-TOM et des anciennes colonies : Maghreb, Madagascar, Vietnam, Afrique.

Un objectif de lucidité atteint avec ce travail de référence englobant la période de l’après-Révolution française. Une limitation dans le temps que l’on peut d’ailleurs regretter puisque l’expansion coloniale s’était amorcée vers le début du XVIIe siècle (la traite négrière inscrite dans le commerce triangulaire Europe-Afrique-Amérique connaissant son apogée au XVIIIe). En dépit de cette réserve, d’ailleurs formulée dans le texte de présentation, cette publication constitue un précieux outil de travail pour tous ceux qui refusent d’être dupes de la mémoire officielle.

Jean Chatain
article paru dans L'Humanité du 16 mai 2007

 

 

note en forme de réponse à Jean Chatain

[1] Voilà vraiment une formule convenue... qui est une absolue contre-vérité. La phrase de Ferry sur le "devoir de civiliser les races inférieures" figure, depuis des années, dans tous les manuels scolaires au chapitre qui traite de la colonisation. Elle est rebattue sans aucune explication de son contexte. Et même si il est connu qu'elle a recontré des contradicteurs à l'époque (Clemenceau et d'autres...), la tendance est à la lire aujourd'hui dans un contexte post-Deuxième Guerre mondiale, post-Tribunal de Nuremberg, c'est-à-dire à affecter au mot "race" un sens qu'il n'avait pas du tout à l'époque. Jean Chatain se trompe donc. La censure ne vise pas la phrase de Ferry, archi citée, mais l'effort d'intelligibilité historique qui permettrait de la comprendre avec la mentalité de 1885.

Quant au "racisme" de Jules Ferry, il est partagé - faut-il donc le rappeler chaque fois... - par l'homme qui en 1905 fonda... L'Humanité ! L'antiracisme et l'anticolonialisme attribués à Jaurès doivent être tempérés par son approbation de l'occupation de la Tunisie, par le fait qu'il a toujours soutenu Jules Ferry dans l'affaire du Tonkin... Même après son ralliement au socialisme en 1893, son attitude "anticoloniale" n'est pas évidente. En 1898 il écrit : "Si quelques fous songeaient à dépouiller la France de son domaine colonial, toutes les énergies françaises et toutes les consciences droites dans le monde se révolteraient contre une pareille tentative" (9 novembre).

En 1903, il déclare à la Chambre : "Oui il est à désirer, dans l'intérêt même des indigènes du Maroc comme dans l'intérêt de la France, que l'action économique et morale de notre pays s'y prolonge et s'y établisse" (20 novembre). Jules Ferry aurait dit la même chose... et Eugène Étienne, du parti colonial, partageait de telles vues.

Et si Ferry avait dit "races inférieures" (sans qu'il n'y ait ni le mépris ni le "racisme" dont ces termes furent porteurs plus tard), Jaurès, lui, parlait de "peuples enfants". La croyance en un "devoir de civilisation" était commune à Ferry et à Jaurès.

Michel Renard

 

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Jules Ferry n'était pas "raciste" (ici, 3e à partir de la droite)

 

 

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13 mai 2007

Spécial collèges et lycées (à venir)



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12 mai 2007

Une histoire de la colonisation, par Jean-Pierre Renaud

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Le vent des mots, le vent des maux,

le vent du large

un livre de Jean-Pierre RENAUD

                                 

Ancien élève de l'École nationale de la France d'Outre-Mer (ENFOM) et ancien haut fonctionnaire du ministère de l'Intérieur, Jean-Pierre Renaud publie Le vent des mots, le vent des maux, le vent du large. Dans cet ouvrage de 553 pages, l'auteur expose le rôle de la communication et des communications dans les conquêtes coloniales de la France entre 1870 et 1900 (Afrique, Tonkin, Madagascar en terminant par Fachoda). À chacune des étapes de la colonisation française, il souligne le rôle tantôt auxiliaire, tantôt prépondérant  des moyens de communications.

      - édité par  Éditions JPR (ISBN 2-9510651-2-4).
      - prix : 27 € (chèque à l'ordre de "JPR Éditions").       

Contact :
 J.-P. Renaud : 3, rue   Alfred-Bruneau - 75016 Paris 
        Tél. : 01 45 20 05 17
        Courriel des éditions JPR : jp.renaud@orange .fr

 

 

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Lyautey à propos de la deuxième affaire de Lang Son (1885) : "La moralité, c'est que le télégraphe est un engin dangereux et que le premier acte de tout général en chef qui opère à 3 000 lieues devrait être de couper le fil, aussi bien pour se libérer des harcelantes instructions de la métropole que pour se garantir contre ses propres entraînements."

cité par Jean-Pierre Renaud, op. cit., p. 531

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halte française à Lang Son, rivière Claire, 1885 - photo du Dr Hocquard (source)

 

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télégraphie du temps colonial

 

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Maroc, Tiflet, le poste de télégraphie sans fil

 

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Maroc, Taourirt, génie employé à construire le pylône de la télégraphie sans fil
au sommet du Djorf (carte postale ancienne, postée le 24 avril 1913)

 

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Maroc, Oujda en avril 1907 : postes et télégraphes

 

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Maroc, Beniouarin : poste de télégraphe sans fil

 

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Maroc, Taourirt : poste de télégraphe sans fil

 

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Dakar, poste et télégraphe

 

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Saïgon, les quais et le sémaphore


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Cochinchine, 1946 (source : Caom, base Ulysse)

 

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- Répertoire des historien(ne)s du temps colonial

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11 mai 2007

Remarques sur le Dictionnaire de la colonisation française (Matthieu Damian)

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Remarques sur le

Dictionnaire de la colonisation française

Matthieu DAMIAN (journal Témoignages, La Réunion)

 

Le 10 mai est, depuis 2006, la journée commémorative de la traite des Noirs et de l’esclavage. Celle-ci rappelle le vote de la loi Taubira qui s’est produit ce jour même de l’année 2001. Ce texte législatif condamne l’esclavage comme un "crime contre l’humanité". Dans ce cadre, il faut saluer la publication récente du Dictionnaire de la colonisation française aux éditions Larousse. Le présent ouvrage a été dirigé par Claude Liauzu, professeur émérite à l’université Paris VII. Cet ouvrage a plusieurs mérites quant à ses contributeurs. Tout d’abord, il rassemble plus de soixante-dix auteurs. En outre, nombre d’entre eux sont assez jeunes. De plus, une proportion non négligeable est originaire des DOM. Enfin, des spécialistes des anciennes colonies ont participé à la rédaction de cet ouvrage.

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Quelques idées reçues à propos de la colonisation


Revenir sur la normalité de la colonisation ou le pari de l’Histoire

Un des points importants sur lequel revient Claude Liauzu dans son introduction «est la certitude partagée par la plupart des contemporains du bien-fondé de l’expansion, la parfaite bonne conscience répandue dans les manuels scolaires depuis Jules Ferry et Lavisse jusqu’à la fin des années 1950.» (p. 14). Ainsi est-il souligné, dans l’article «République et colonisation» : «Lors de son congrès des 23-25 mai 1931, la Ligue des Droits de l’Homme, qui rassemble le gotha de la culture républicaine, exprime bien cette vision en manifestant une adhésion sans précédent dans son histoire à la colonisation (...).» (p. 556). À cette relative “normalité” de la colonisation, il oppose l’attitude actuelle qui consiste souvent à juger du passé sans connaître les représentations mentales qui dominent l’époque.
Claude Liauzu constate alors «Jamais la colonisation, un demi-siècle après les guerres d’Indochine et d’Algérie, jamais l’esclavage - cent-cinquante ans après la deuxième abolition - n’ont occupé une telle place dans la vie publique (...).» (p. 10). En tant qu’historien, il a voulu rappeler, avec d’autres, quelques faits. Au devoir de mémoire, il substitue quelque part le «travail de mémoire» cher à Paul Ricoeur qui nécessite un plus grand travail d’appropriation et donc, de réflexion.

 

L’éducation pour tous ?

L’article consacré à «l’Afrique noire» nous rapporte que l’école primaire a été mise en place dans cet espace avant même la Première Guerre mondiale. Néanmoins, sa dissémination a été très faible : «À la fin des années 1950, les taux de scolarisation variaient de 4% en Haute-Volta et au Tchad à plus de 50% au Congo et au Gabon, la moyenne des autres territoires atteignant à peine 20%. L’enseignement secondaire s’étendit, mais avec de fortes disparités, tandis que l’enseignement supérieur n’existait qu’à Dakar et à Brazzaville.» (p. 88).

 

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île de la Réunion, Saint-Denis, dépôt des immigrants (Comoriens)
carte postale ancienne

 

L’empire fardeau ou apport pour l’économie de la France ?

Entre 1850 et 1900, l’article «budget» met en évidence que l’expansion coloniale a représenté 6% du budget de la France. Puis, entre 1900 et 1946, les équipements n’ont pas été financés par la métropole. En effet, une loi sur l’autonomie financière des colonies est adoptée en 1900. Elle met fin à la subvention de la métropole et ne permet de transfert financier que si et seulement si celui-ci est provisoire et que les fonds soient remboursés avec intérêt. Elle stipule également que chaque colonie ne compte que sur ses deniers propres.

Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, les investissements dans l’empire peuvent à nouveau être financés par la métropole. Cependant, entre 1945 et la fin de la colonisation (vers 1962), le budget dévolu aux colonies a représenté moins de 5% des dépenses totales de l’État. Des plans ont existé pour plus de grandeur. En effet, au sortir de la Première Guerre mondiale, on se rend compte à la fois de ce que l’empire a apporté à la France mais aussi de sa faiblesse économique. Pour remédier à cela, Albert Sarraut propose, en 1923, un programme de mise en valeur des colonies françaises. Cependant, il n’obtiendra jamais les financements nécessaires.

Au niveau des capitaux privés, cette question est évoquée dans l’article «capitalisme et colonisation». La première phase va jusqu’en 1850. Jusque-là, les investissements privés métropolitains dans les colonies sont à la fois connus de façon peu fiable et peu importants.
Entre 1852 et 1881, les colonies reçoivent moins de 5% des investissements français hors de l’Hexagone. Puis, entre 1881 et 1914, cette part augmente. L’empire devient un des lieux où les capitaux français sont investis de plus en plus fortement. Au cours de l’entre-deux-guerres, cette proportion explose jusqu’à atteindre la moitié des investissements français hors métropole en 1939.
Le placement dans les colonies a deux qualités : il est rentable et sûr. Avec la crise de 1929 qui atteint la France quelques années après de plein fouet, de nombreux entrepreneurs préfèrent investir dans les colonies. Néanmoins, en agissant ainsi, les entreprises françaises perdaient en compétitivité. L’auteur de l’article conclut alors : Ce n’est donc pas le marché colonial mais la stratégie de repli sur l’empire, imposé par certaines branches du capitalisme français, qui à terme isola et sclérosa l’économie métropolitaine.» (p. 172).

 

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île de la Réunion, Saint-Denis, Bureau de recrutement
carte postale ancienne

 

Chemin de fer

L’article consacré au «chemin de fer» met en évidence que, contrairement à ce qui se passe aux États-Unis et en Europe, le rail n’a pas provoqué de croissance économique là où il s’est développé. En outre, les moyens déployés n’ont pas été assez conséquents pour ce faire. Comme le montre l’article, l’avion supplantera peu à peu ce mode de transport et seul le Maghreb connaîtra réellement un réseau ferroviaire.

 

Le 10 mai pose la question de l’histoire de la sortie de l’esclavage

Un adage du Parlement de Paris stipulait : «La France, mère de liberté, ne permet aucun esclave sur son sol.» Cependant, ce mot s’est révélé être en contradiction avec les pratiques du commerce triangulaire. Comme l’indique l’article intitulé «Abolitions de l’esclavage», ce sont quelques humanistes de la Renaissance qui ont, les premiers critiqué ce système de servitude. Néanmoins, ce n’est qu’à partir de 1740 qu’un double mouvement fonde un antiesclavagisme important. Le premier repose sur quelques pasteurs britanniques. Le second vient du droit naturel qui souligne que les hommes sont égaux. Ce dernier mouvement reçoit l’appui considérable de Montesquieu [image ci-contre] qui, dans L’Esprit des Lois, publié en 1748, réfute tous les arguments desMontesprit_des_lois esclavagistes. Ses idées seront reprises et consolidées par Voltaire et Rousseau au cours des années qui suivent.
En 1770, comme l’indique encore l’article, deux publications connaissent un grand succès de librairie. Le premier est l’oeuvre de Louis Sébastien Mercier qui fait paraître, en 1770, sa fameuse utopie, L’an deux mille quatre cent quarante, Rêve s’il en fut jamais. L’année qui suit, Raynal publie le premier tome de son Histoire philosophique et politique du commerce et des établissements des Européens dans les deux Indes. Dans les deux ouvrages, une insurrection énorme des Noirs dans les colonies est décrite, ce qui ne manque pas d’effrayer les lecteurs. La décennie 1780 est celle de la création de sociétés antiesclavagistes.

Néanmoins, loin de ces débats théoriques, l’insurrection de cinquante mille esclaves à Saint-Domingue en 1791. Des renforts militaires sont dépêchés de France «par une Assemblée législative dominée par les Amis des Noirs, mais refusant l’idée d’une victoire des esclaves pour se cramponner aux schémas anciens de l’abolition graduelle.» (p. 74-75). Suite à ce mouvement, le décret du 4 février 1794 proclame la première abolition de l’esclavage. Néanmoins, dès 1802, Napoléon revient sur cet acquis. À Saint-Domingue, les esclaves refusent ce retour en arrière et obtiennent une victoire éclatante sur les troupes envoyées par Bonaparte. Suite à ce désastre, l’abolition de l’esclavage restera longtemps un sujet tabou au sein des élites françaises. Il fallut que l’Angleterre procède à cette réforme en 1834 pour qu’à nouveau certains politiques éclairés proposent de faire de même. Cependant, ce n’est qu’avec la Seconde République en 1848 qu’une telle décision fut prise, sous l’impulsion de Victor Schoelcher.


Quelques enseignements ou rappels sur La Réunion

Trois auteurs locaux ont contribué à la rédaction de l’ouvrage. Françoise Vergès a réalisé un article intitulé «Comité pour la Mémoire de l’esclavage». Yvan Combeau s’est chargé de «la départementalisation de La cafreRéunion». Reine-Claude Grondin est la plus «productive» puisqu’elle a notamment rédigé les articles intitulés : «cafre», «créole», «Indien (océan)», «Lacaussade», «Leblond», «Leconte de Lisle», «marron», «La Réunion» ou encore «Sarda Garriga». On regrettera néanmoins l’absence d’une quelconque entrée pour «L’Abbé Grégoire».
De façon chronologique, on débutera par l’article «Abolitions de l’esclavage» qui souligne que la première abolition de l’esclavage, rendue possible par le décret du 4 février 1794 n’a pas été appliquée dans les colonies de l’Océan indien. Pas un soldat n’a été dépêché pour faire respecter cet ordre.
L’article «Temps forts» rappelle que si Madagascar n’est pas conquise plus vite, cela est dû à la présence de missions aussi bien catholiques que protestantes sur place. Si ces dernières jouent bien de leur influence en obtenant les faveurs de la reine, les Réunionnais poussent la métropole à conquérir l’île. En 1885, la partie semble mieux engagée pour la France puisque un traité admet le «protectorat» de Paris. Il faut cinq ans pour que Londres l’accepte. Néanmoins, le refus de la reine de reconnaître ce traité, en 1894, entraîne la conquête de Gallieni en 1897. L’article «Réunion» met en valeur que cette conquête, «voulue par les Réunionnais pour résoudre la question sociale grâce à l’émigration», (...) contribue à la dévitalisation de l’île, désertée par ses élites.» (p. 562).
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L’entrée «Abd el-Krim» rappelle que le célèbre résistant marocain [photo ci-contre], doit se rendre en mai 1926. Il est ensuite exilé à La Réunion. Dans la même notice, il est souligné que ce lieu de bannissement avait déjà été utilisé pour l’empereur d’Annam, le sultan des Comores ou encore la reine Ravalona III de Madagascar.

À propos de l’article «cafre» Reine-Claude Grondin écrit enfin : «L’abolition n’a pas débouché sur l’intégration des cafres, désignés péjorativement par l’expression "nouveaux citoyens". S’ils ne sont pas officiellement discriminés, leur image est restée marquée par la période servile et s’exprime dans les expressions populaires telle "le cafre a sept peaux", souvenir de sa résistance au fouet et à la tâche encore qu’il a de "vilaine manières" sous-entendant son caractère "primitif". La Réunion n’a pas participé au mouvement de valorisation du "nègre" qu’ont connues les Antilles.» (p. 160).

 

Des critiques
«Ce dictionnaire s’adresse à tout un chacun», dit Claude Liauzu. Néanmoins, on peut regretter que, dans la rédaction des articles, la contextualisation ne soit pas mieux élaborée. Les articles étant souvent très courts, le lecteur a parfois du mal à saisir toute l’importance de tel ou tel fait s’il ne possède pas un certain nombre de souvenirs d’Histoire.
En outre, un propos introductif qui met en évidence la spécificité mais aussi les points communs que la colonisation française partage avec celles entreprises par l’Angleterre, le Portugal ou encore l’Allemagne aurait été pertinent.
Les auteurs ne sont pas signalés à la fin des articles et il faut aller les chercher systématiquement au début de l’ouvrage selon un procédé qui n’est pas aisé (qui a écrit l’article intitulé «Abolitions de l’esclavage» ?). En outre, il n’y a pas de photographies ou d’illustrations. En revanche, le lecteur trouvera un certain nombre de cartes.
Dans le chapitre intitulé «Temps fort», on ne peut que regretter qu’aucun bilan humain ne soit donné. Les massacres de Sétif, le 8 mai 1945, l’insurrection à Madagascar, en 1947, sont signalés sans souligner leur ampleur...
De façon plus secondaire, on peut mentionner que Zinedine Zidane est cité mais non Lilian Thuram. En revanche, on remarquera que le refus de Christian Karembeu de chanter La Marseillaise, ou le fameux RAronmatch France-Algérie de 2001 sont remis en mémoire (articles “sports” et “Zinedine Zidane”). En effet, son grand-père, un kanak, avait été amené en France afin de représenter un “cannibal” lors de l’exposition coloniale de 1931.
Enfin, on dirait que les auteurs plutôt de droite sont moins cités que ceux de gauche. Les deux ouvrages de Raymond Aron [photo ci-contre] sur la guerre d’Algérie ne sont pas mentionnés. Si Lénine est cité, Hannah Arendt l’est rarement (cette dernière n’est d’ailleurs ni de droite ni de gauche).

Matthieu Damian
Article paru dans Témoignages
le jeudi 10 mai 2007 (pages 4 & 5)

URL : http://www.temoignages.re/article.php3?id_article=22065
 

 

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Témoignages
est un journal
réunionnais fondé en
1944 par le Dr Raymond Vergès

 

 

 

 

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"Album de la Réunion"

 

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le Bernica, vue prise de la Chaussée, Saint-Paul

 

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Passage de la rivière des Remparts ; extrait du Voyage de Bory de Saint-Vincent (1801)

 

 

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