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études-coloniales
22 février 2023

les films «ALN à Oran» et «arrestation pillards par l'ALN», Jean-François PAYA

Capture d’écran 2023-02-23 à 10

 

 

commentaires sur les films «ALN à Oran»

et «arrestation pillards par l'ALN»

Jean-François PAYA

 

Ci-joint deux films «ALN à Oran» et «arrestation de pillards par l'ALN».

L'ALN vient d’entrer le dimanche 8 juillet 1962 en Oranie. Vous remarquerez les camions privés réquisitionnés dans le secteur Tlemcen, Témouchent où je me trouvais en disponibilité depuis plusieurs semaines pour tester officieusement les positions de l’ALN Oujda sur base de Mers-el-Kebir pour la Marine Nationale.
Il s’agit donc d’un donc d'un billard à 3 bandes entre OAS/FLN et militaires français.

Je confirme être entré à Oran le dimanche 8 juillet avec mission du sous-préfet français toujours en poste pour rechercher 2 amis instituteurs disparus le 5 juillet (pas retrouvés !).

* Pour la répression des «émeutiers», c’est un simulacre de sanction. On a revu des individus libres ensuite se pavaner dont le fameux Attou chef FLN (prime deux bijouteries considérés comme «biens vacants»).

Sur le lieu ferme «pont St-Albain" près d’Oran on y voit le capitaine Bakhti (frère de Nemiche, surveillant général au lycée Ardaillon) bien connu, qui fait l'article (taqîya) aux journalistes !

Jean-François PAYA

- film «Avec l'ALN à Oran»

- film «Arrestation de pillards par l'ALN»

 

Capture d’écran 2023-02-23 à 10

 

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21 février 2023

le dernier livre de Sylvie Thénault sur Amédée Froger (fin), Jean MONNERET

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le dernier livre de Sylvie Thénault

sur Amédée Froger (fin)

Jean MONNERET

 

Les chapitres finaux du livre sont intéressants et l’on ne peut que louer les efforts de l’auteure pour démontrer que Hamdeche Ben Hamdi, l’assassin d’Amédée Froger, était un agent messaliste.
Nous ne sommes pourtant que moyennement convaincu. Une bonne part de la démonstration repose en effet sur les actes et les déclarations de personnages plutôt flous. (1)
Il est vrai que le FLN a, pour sa part, toujours nié avoir ordonné le meurtre de Froger. Un livre entier pourrait être consacré à ce Ben Hamdi.

Une conclusion qui interpelle

Il est dommage que Mme Thénault abuse du français dialectal qui est devenu celui des jeunes générations. Elle fait plus qu’abuser en outre de l’adjectif colonial utilisé, par exemple, 5 ou 6 fois (p. 319). Mais, ce qui retient l’attention est autre.

 «Relier ainsi l’histoire de la colonisation et l’histoire de la guerre ouvre une perspective de longue durée inédite» (p. 320), écrit-elle. J’ai dit ailleurs pourquoi le recours à «la longue durée» par certains doit éveiller la méfiance du lecteur.
En effet, légitime en elle-même, la longue durée devient çà et là un artifice, autorisant bien des sophismes. Nous n’en sommes pas loin dans cette conclusion.

Ainsi notre historienne estime-t-elle que la «violence des Français» n’a pas suscité dans l’historiographie les mêmes analyses que celles des «Algériens réclamant la fin de leur sujétion». Mais elle précise que la «violence des Français» qui va retenir son attention ne renvoie pas aux forces de l’ordre et aux autorités, catégorie impersonnelle et désincarnée remontant jusqu’à Paris.
Ce qui l’intéresse, c’est la violence «des Français présents en Algérie, nés là-bas». Autrement dit des Pieds-Noirs.

À partir de là se dessine une analyse dont les contours sont bien connus. Les exactions de certains Français d’Algérie, évoquées plus haut, deviennent un révélateur «de la société coloniale algérienne» et «de sa logique ségrégationniste».

Ben pardi !

Que voilà une belle trouvaille et une fine analyse ! Nous avons écrit ailleurs que cela faisait irrésistiblement penser à la «vertu dormitive de l’opium» chez les médecins de Molière. 

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Graffiti à la gloire de l’OAS et du général putschiste Raoul Salan
dans une rue d’Alger, en 1961. (c) Marc Garanger

Mais nous ne sommes pas au bout des révélations. Ainsi en est-il de l’OAS, souvent décrite comme «d’extrême droite» ce qui «la situe dans l’histoire politique de la France». Or, si poujadistes, royalistes, intégristes s’unissaient pour la défense de l’Algérie Française, «ils étaient en désaccord sur tout le reste».

Sylvie Thénault souligne, pour sa part, que : «L’OAS a aussi recruté parmi les Français d’Algérie» (p. 322). Il faut donc approfondir ce rapport avec «la société coloniale».

Et d’enchainer : sur «ce vivier» qu’ils ont constitué pour elle, «en faisant circuler des tracts, en taisant ce dont ils étaient témoins, en offrant ponctuellement leur aide, quand l’occasion s’en présentait, ou en s’engageant de façon plus décisive mais sans trop se compromettre sans salir leurs mains du sang versé en particulier. Sans eux, toutefois l’OAS n’aurait pu exister ni durer».

Et l’auteure d’insister : «l’histoire de l’OAS en Algérie n’est pas celle de l’OAS en métropole. Elle ne s’y cantonne pas à l’extrême-droite». (2)

Faut-il donc considérer que les Français d’Algérie porteraient une responsabilité collective ? Ce serait franchir un nouveau degré, tout à fait inédit, dans la Repentance.

On nous permettra de regretter qu’un travail se voulant historique finisse par des considérations qui le sont fort peu.

Le dernier paragraphe ne se termine-t-il pas par une allusion à l’adhésion à «la théorie du grand remplacement» qualifiée de «Fantôme que la culture politique française gagnerait à chasser». 

Hors sujet !

Une recommandation

Les Français d’Algérie se sont vus présenter la facture de la Guerre d’Algérie. Outre le terrorisme, les morts et les disparus, ils ont dû s’exiler et perdre leurs biens. Ils ont dû aussi faire face à des campagnes de diabolisation très sévères. Très souvent calomnieuses.

Pourtant, nombre de leurs morts reposent dans les cimetières de France, de Tunisie, d’Italie, d’Allemagne avec ceux de leurs compatriotes musulmans tombés à leurs côtés. La France leur doit une bonne part de sa liberté retrouvée. Est-ce trop de demander que l’on s’en souvienne ?

Nous avons fréquemment conseillé, à ceux qui écrivent, de renoncer à utiliser l'article défini les pour lui préférer l’indéfini des. Ainsi le nombre des amalgames reculerait comme celui des gens qu’il blesse. La culture politique française y gagnerait là aussi.

De plus, jeunes et moins jeunes, devraient se méfier de leurs certitudes. (3)
Avec l’âge et les épreuves, beaucoup de choses deviennent complexes. Un Français d’Algérie nommé Jean Daniel disait, parait-il, à ses jeunes confrères : «N’oubliez-pas que la vérité a toujours un pied dans l’autre camp». (4)

Ceci lui a permis, certes tardivement, de découvrir les souffrances des harkis qu’il avait, en un temps, négligées.

Personne ne le lui reprochera. Espérons-le.

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Débarquement du bataillon de marche n°4 de la 1ère division française libre, le 17 août 1944,
sur la plage de Cavalaire, dans le Var. ©Usis-Dite/Leemage

Fin
Jean MONNERET

Notes

1 - L’un d’eux s’appelle Mohammed, l’autre El Hadj.
2 - Terme au sens très extensif.  
3 - Nietszche ne disait-il pas «qu’elle rend fou».
4 - F-O Giesbert, Histoire de la Ve République. 2, La Belle Époque, Gallimard, 2022, p. 84.

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11 février 2023

le dernier livre de Sylvie Thénault sur Amédée Froger (suite), par Jean Monneret

Thénault couv

 

le dernier livre de Sylvie Thénault

sur Amédée Froger (suite)

Jean MONNERET

 

Combat 29 déc 1956 Froger


Compte tenu de ses méthodes de travail Mme Thénault, donne de l’assassinat d’Amédée Froger et de son contexte, une vision déformée.

Ceci est sensible dans la première partie où l’activité des Maires, le rôle de la ville de Boufarik, la défense de l’Algérie française lorsqu’éclate l’insurrection sont plus ou moins systématiquement rapprochés de pratiques liées à la Conquête (1).

Quant à l’administration locale, dès la page 83, elle est en mesure de formuler un diagnostic définitif : «(elle est) duale, discriminatoire».

Tous les défauts, tous les manques du système sont placés sous un verre grossissant ; inutile de dire que le tableau n’est guère flatteur. L’ensemble est long, laborieux et pour tout dire pénible. Tout ceci a déjà été fait, mieux, par maints historiens plus rigoureux.

Pour ne prendre qu’un exemple, lorsqu’elle fait allusion aux événements du 8 Mai 1945 dans le Constantinois, ses analyses sont conformes à l’unanimisme en cours dans les milieux anticolonialistes. Autant vaut dire que l’objectivité est sérieusement malmenée.

Sauf erreur de ma part, il n’y a aucune allusion au travail de Roger Vétillard. En revanche, Peyroulou est souvent cité. Ce dernier a d’ailleurs ses mérites, car, il a apporté du neuf. Il me semble toutefois qu’il a eu la délicatesse de soulever des questions plus que le souci d’alimenter on ne sait quelle doxologie déconstructrice. Passons…

 

froger1

 

Une triste journée

La seconde partie est heureusement plus intéressante. L’auteure s’est donné du mal pour reconstituer les incidents, parfois graves, qui ont marqué les obsèques dans la journée du 29 décembre. Disons qu’elle y serait mieux parvenue sans le regrettable défaut d’exagérer ou de surinterpréter diverses données.

Prenons un exemple :  le chapitre 8 est titré Pour un Français, Dix Arabes ! Tout lecteur non informé pourrait croire qu’il s’agit là du bilan de ladite journée. Dieu merci ce n’est pas le cas.
Il s’agit d’un slogan crié par un excité à la venue du cercueil. Le fait de mettre en exergue cette sottise en en faisant un titre lui donne un relief disproportionné.

Nous tenons à indiquer qu’ayant vécu 20 ans en Algérie française, nous avons assisté à de nombreuses manifestations algéroises. Jamais, nous disons bien jamais, nous n’avons entendu scander pareille calembredaine. Certes, à l’heure de l’anisette, dans tel ou tel bistro, l’on aurait pu dénicher quelque illuminé pour proférer semblable balourdise. Il serait néanmoins peu sérieux de présenter cette ânerie comme courante en milieu pied-noir.

Ceci est d’autant plus regrettable que tout au long de ce chapitre Sylvie Thénault déplore le manque de «représentation iconique» des obsèques d’Amédée Froger ; notamment pour ce qui concerne «les violences infligées aux Algériens» (p. 162).

On notera que le collectif «Algériens» (2) renvoie à l’ensemble d’une communauté ce qui renforce le sentiment d’exagération alors que le nombre de victimes réelles parait limité (même si toutes sont évidemment de trop).

Page 165, l’auteure estime qu’il faut procéder à des «recoupements minutieux» des sources politiques ou administratives, qu’elle juge abondantes, avec les récits des journalistes. Ceci permettant «d’en évaluer la crédibilité» (p. 166).

Si l’on a bien compris, ceci compensera la pauvreté «des sources visuelles».

À quoi s’ajoute une sienne méthode originale en la matière.

«Il suffit de s’intéresser aux r....(explétif) pour en remarquer là où elles étaient jusqu’ici passées inaperçues» (p. 167). Et notre historienne d’ajouter : «La curiosité fait surgir l’évènement, l’enquête le fait exister» (sic). Étrange ! Serait-elle efficace, la méthode reste, selon nous, à déconseiller. On imagine ce que des propagandistes sans scrupules pourraient en faire...!

Remarquons qu’il est une hypothèse que Mme Thénault n’envisage pas :  à savoir que la «représentation iconique» des violences contre des arabo-berbères est rare parce qu’elles furent moins courantes qu’elle n’a pu le croire.

 

Le rôle du service d’Ordre

Pour éclaircir ce point, il faut analyser le rôle du service d’ordre ce jour-là. Nous nous baserons sur le témoignage du correspondant du Monde dans le numéro du 1er Janvier 1957 et également sur les citations puisées dans les rapports des Commissaires Jean Builles et Michel Gonzalez (3) figurant dans le livre.

Le correspondant du Monde n’est autre que Jacques Fauvet, qui fut bien plus tard, placé à la tête de ce journal. Nul ne le tiendra pour favorable ni à la colonisation, ni aux Pieds-Noirs, nul ne le tiendra pour un extrémiste. Sa présentation des faits n’en a que plus de valeur en la circonstance. Ainsi tient-il l’assassinat d’Amédée Froger pour une «odieuse provocation».

Redisons-le : après les massacres du 20 août 1955 frappant des Européens dans le Constantinois, après l’assassinat de la petite Françoise Salles en février 1956, une violence quotidienne a gagné la capitale. Survenant dans une ville en proie à un terrorisme incessant et cruel depuis des mois, le meurtre de Froger ne pouvait qu’entrainer un surcroît de tensions.

Rappelons en effet que l’exécution de Zabana et de Ferradj, au printemps précédant, a été accompagné de l’appel du FLN à des représailles contre la population européenne en général. Un attentat «contre-terroriste» dans la Casbah a été suivi, à l’automne, des bombes du FLN au Milk-Bar et à la Cafétéria, en plein centre-ville. Elles ont fait de multiples victimes parmi des enfants.

Bien d’autres explosions, bien d’autres crimes ont suivi faisant d’Alger une ville en crise, soumise à la tension extrême que crée un terrorisme indépendantiste omniprésent. De plus, l’Assemblée Générale de l’ONU s’apprête à se saisir de l’examen de la situation en Algérie.

Le meurtre du 28 décembre 1956 met donc littéralement le feu aux poudres. Le correspondant du Monde s’en fait, bien entendu, l’écho : «L’assassinat d’hommes sans défense est toujours une lâcheté ; celui de M. Froger, vendredi matin en était une».

Il ajoute : «La folie meurtrière de samedi soir en a été une autre dans la mesure où elle a frappé nombre de musulmans innocents». Et le journaliste poursuit : «Le devoir des responsables est d’empêcher le cycle absurde et infernal du terrorisme et du contre-terrorisme». Soulignons à regret que ces points de vue nuancés sont absents de ce qu’écrit Mme Thénault.

 

froger4
obsèques d'Amédée Froger

Mais qu’a fait la police algéroise ? Précisons d’emblée que le 29 décembre, jour des obsèques, elle était appuyée par diverses compagnies de CRS et par quelques unités «prêtées» par le Corps d’Armée. La communauté européenne d’Alger vit alors - nous citons Jacques Fauvet - dans une «atmosphère d’insécurité, de crainte pour la vie et pour l’avenir, de désespoir parfois.»

Tel est bien en effet le contexte. Ne pas le rappeler, ne pas en tenir compte en évoquant ces journées est un défi à l’objectivité, intellectuellement inacceptable.

Bien entendu ce contexte, n’excuse en aucune façon les exactions aveugles, les stupides représailles contre des passants musulmans. Outre les souffrances et les deuils causés, elles ont fait le jeu du FLN qui n’en demandait pas tant.

Quels furent les problèmes des responsables du service d’ordre pendant les obsèques ?

Nous l’avons dit plus haut, Mme Thénault a eu accès aux rapports des commissaires Builles et Gonzalez concernant cet enterrement devenu manifestation par l’ampleur du cortège. Il en ressort que les responsables étaient désireux que l’inhumation se fît vite, donc dès le lendemain et, en automobiles, de manière à accélérer le déroulement des choses car, le cimetière de Saint-Eugène se trouvait à l’autre bout de la capitale.

Ces deux commissaires sont eux-mêmes Pieds-noirs, ils connaissent la situation locale et savent que les esprits sont tendus. Ils passent pour être de gauche. Ce qui est dans doute vrai pour le premier, moins pour le second que j’ai bien connu.

Un obstacle qu’ils n’ont apparemment pas prévu va bouleverser leur plan. Les participants au cortège, énervés, ont imposé que tout le monde suive le convoi funèbre à pied. Ils ont même obligé le Préfet Chaussade à en faire autant.

Mais, de ce fait, l’enterrement est devenu une manifestation. Elle va traverser toute la ville et, à deux reprises, longer les quartiers musulmans. Outre que l’inhumation sera très en retard sur l’horaire, le service d’ordre va se voir investi d’une tâche beaucoup plus longue à laquelle il n’est pas forcément préparé. Est-il suffisamment important ?

La question se pose car, un défilé de voitures suivant un convoi funèbre, requiert moins de surveillance et d’hommes qu’une marche d’un bout à l’autre de la ville. Une marche qui a attiré une marée humaine.

Un autre problème que les responsables ne semblent pas avoir prévu ou pas assez, est la présence de petits groupes parfois armés qui se détachent occasionnellement du défilé pour agresser des musulmans isolés, leurs commerces ou leurs véhicules. La Préfecture a fait circuler des mises en garde dans les quartiers autochtones recommandant à leurs habitants de ne pas en sortir cet après-midi-là. Le FLN les aurait relayées dans la Casbah. Mais dans ces cas-là, il y a toujours des gens mal informés.

 

obsèques Froger

 

Bilan

Aucun bilan définitif n’est possible sur une  pareille journée. Surtout, si l’on ajoute qu’une bombe a explosé dans l’après-midi, au cimetière, près du lieu d’inhumation. La chose s’étant produite avant l’arrivée du gros de la foule, il n’y eut pas de  victimes. Néanmoins, on imagine l’effet que ce fait, magnifié par la rumeur, a pu avoir sur certaines personnes déjà nerveuses. Six musulmans tués, 58 blessés dont 10 graves dira le communiqué officiel en matière de bilan global.

Certains le contesteront au motif que certaines victimes ne se sont pas signalées à la police ou à l’Armée. Ceci est habituel, chacun ayant tendance à minimiser ou à amplifier les chiffres selon le camp auquel il s’identifie. Les responsables avaient intérêt également à faire oublier une certaine impréparation de leur part, laquelle ne sera pas étrangère à l’arrivée des paras de Massu, quelques jours plus tard.

Du point de vue du maintien de l’ordre la police a pu donner en effet l’impression d’être débordée.

L’année 1956 avait commencé à Alger par l’Appel à la Trêve Civile de Camus, elle s’achevait dans la haine et le sang. La nouvelle année verrait la remise des pouvoirs de police à l’Armée et le début de la Bataille d’Alger. Un tournant s’il en fut.

Ceci explique probablement le rapport du Commissaire Gonzalez, qui semble très sévère pour ses compatriotes : «Dans son immense majorité, elle (population européenne) approuva (les violences aveugles). Sans réserve» précise-t-il, page 179.

Le commissaire Builles, autre pied-noir, dénonce, de son côté : «l’approbation tacite de la foule qui suivait le cortège et des badauds». Idem, page 179. Pour notre historienne, ces affirmations confortent ses points de vue.

On nous permettra pourtant d’en donner un différent. La déclaration du commissaire Builles est celle d’un homme à la réputation de gauche affirmée. Durant l’Affaire Audin, il apparaîtra très proche de P-H. Teitgen Secrétaire Général de la police. Quelques mois plus tard, Builles a répandu l’information que Maurice Audin, le communiste arrêté par les Paras était mort sous la torture. Ce que le Comité Audin répéta ensuite à satiété (4). Son affirmation sur le 29 décembre étonne donc peu.

Rien de semblable chez Michel Gonzalez. Son affirmation, pour qui l’a connu, détonne. Beaucoup.

Nous l’avons souvent rencontré lors de réunions hebdomadaires que nous eûmes pendant des années, dans un restaurant kabyle du 15e arrondissement, avec un groupe d’anciens d’Algérie. Il avait vécu la Guerre d’Algérie quasiment de bout en bout, n’ayant quitté la capitale qu’après les Accords d’Évian. Il savait tout. Il n’avait rien d’un gauchiste. Certes, son caractère était empreint de pessimisme, comme l’on peut s’y attendre de la part d’un responsable des RG, ayant connu le dessous de bien des cartes et ne nourrissant aucune illusion sur les hommes politiques de tout bord, voire sur l’humanité.

Sa connaissance de «l’autre côté du miroir», rendaient ses propos fascinants et nous manquions rarement l’une de nos réunions. Nous avons souvent abordé tous les épisodes du conflit algérien et nous apprîmes, grâce à lui, beaucoup. Nous n’avons jamais rien entendu de sa part qui put confirmer, même de loin, une aversion pour les Pieds-Noirs aussi saillante que celle exprimée dans le rapport cité. En y réfléchissant, nous croyons pouvoir risquer l’hypothèse que, le 29 décembre 56, devant le fiasco du maintien de l’ordre, la colère a pu le gagner, contre «la foule».

 

Une police inquiète

Sylvie Thénault suit ensuite le commissaire Builles dans les méandres de son enquête pour vérifier le bilan officiel. Il ne parait guère le contredire en dépit de quelques réserves mineures. Elle consacre ensuite un long, trop long chapitre aux différentes versions données par la police de cette journée. C’est interminable et filandreux.
Nous dispenserons donc le lecteur de commentaires à l’exception de celui-ci : la police algéroise semble très inquiète devant la situation et confirme, de mauvais gré, qu’elle est dépassée.

Michel Gonzalez, cité à nouveau, ne reprend pas son jugement précédent fort sévère. En revanche, il surveille les mouvements susceptibles d’agir violemment, ce qui est parfaitement son rôle. En dépit des déclarations des deux chefs de la police, nous gardons, quant à nous, un souvenir différent : la vaste majorité des personnes suivant les obsèques maintinrent une attitude digne et désapprouvèrent la violence.

obsèques Froger 2
obsèques d'Améde Froger

Pour conclure sur ce point, nous citerons le bandeau du Monde, qui précède l’article de son correspondant. Il  nous parait traduire la réalité. L’on sait pourtant que ce journal n’a jamais eu de tendresse particulière pour les Pieds-Noirs.

«Les obsèques de M. Amédée de Froger, célébrées samedi après-midi, ont été accompagnées et suivies de scènes de violence qui n’ont pris fin qu’après la tombée de la nuit. Selon un bilan établi par les services officiels, six musulmans ont été tués et cinquante-huit blessés, dont dix gravement.
Mais, de même source, on précise que tous les blessés n’ont pas été recensés, une partie d’entre eux ayant préféré ne pas se faire connaître.
Dimanche, le calme était revenu dans les rues de la capitale administrative, mais de nouveaux attentats à la bombe  étaient signalés, notamment dans les églises.
Prévisibles et redoutées, ces manifestations seront pour les uns justifiées par le caractère odieux et provocant du crime qui les a suscitées, pour d’autres injustes et inexplicables.
Il faut objectivement remarquer que les brutalités parfois meurtrières et les exactions toujours stupides n’ont été le fait que d’une partie des manifestants, et que la perte de tout sang-froid n’a jamais gagné l’ensemble de la foule (5) rassemblée pour témoigner de son émotion.
Le bilan parait en tout cas chargé de conséquences, auxquelles la plupart des acteurs n’ont pas réfléchi. Les meneurs y voient l’occasion d’une action politique qu’ils voudraient porter au-delà de l’Algérie.
Les obsèques d’Amédée Froger pour provocant qu’ait été le choix d’une telle personnalité de la communauté française d’Algérie, n’étaient qu’un élément d’une exaspération entretenue depuis plusieurs jours par une série de faits : mardi, tentative d’assassinat du président du conseil général Aït Ali : mercredi, grâce de 5 condamnés à mort par le Président de la République ; jeudi, actions terroristes diverses ; vendredi, assassinat du président Froger ; samedi, annonce d’augmentation de 10% des impôts directs en Algérie...etc..

Pour compléter nous citerons également le communiqué de la Fédération des Libéraux d’Algérie, association créée par des amis de Camus, dont il est permis de penser qu’ils avaient peu d’empathie pour les partisans de choc de l’Algérie Française. En l’occurrence leur prise de position a du poids et elle eût mérité d’être citée dans un livre sur l’histoire de ce temps.

«Se basant sur des renseignements recueillis auprès de témoins oculaires, la Fédération des Libéraux d’Algérie affirme que ces évènements ont été le fait de quelques dizaines de meneurs, presque ,tous des jeunes gens qui n’ont pas été suivis par l’ensemble de la population. La FLA tient à déclarer solennellement que la masse des Européens qui se trouvaient dans les rues réprouvaient ces agissements, que certains même se sont opposés au lynchage de paisibles passants d’origine musulmane parmi lesquels plusieurs femmes et enfants.»

Jean Monneret

* Dans une 3ème partie nous reviendrons sur le livre de Mme Thénault. Il y sera question du contre-terrorisme et de l’assassin de M. Froger.

___________

Notes

1) Ce que certains appellent «resituer dans le temps long». Excellent principe quand il n’est pas détourné. L’usage immodéré de l’épithète colonial est à déplorer aussi, car, il remplace l’analyse par la volonté de flétrir.
2) Pour I956, désigner comme Algériens les seuls  musulmans est un anachronisme car il revient à leur attribuer une nationalité putative.
3) Voir sa courte biographie sur internet : «J’ai eu de la chance.» www.lattrapp emots.fr
4) Voir pour plus de détails notre ouvrage : Dissidence, Dissonance, Fauve éditions. 2020.
5) Souligné par nous.

 

Froger, 1er nov 1937
L'Écho d'Alger, 1er novembre 1937

 

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9 février 2023

Secours de France, au service des oubliés de l'histoire

Secours de France 60 ans

 

Secours de France

au service des oubliés de l'histoire

 

Le Secours de France a été créé en août 1961 pour faire face aux tragédies causées par la fin de l'Algérie française.
Grâce au dévouement sans faille de sa fondatrice Clara Lanzi, ses soutiens et donateurs ont très concrètement aidé des milliers de personnes : familles des militaires emprisonnés ou en fuite, pieds-noirs devant se reconstruire un avenir en métropole, prisonniers pour cause d'activités "subversives" et surtout Harkis rapatriés grâce à leurs officiers, mais parqués en France dans des conditions indignes.

Au fil des années, le Secours de France a adapté ses actions aux exigences complémentaires que les circonstances faisaient apparaître. Ses trois missions actuelles, venir en aide aux oubliés de l'histoire, préparer l'avenir et rétablir la vérité, lui permettent de contribuer, modestement mais efficicacement, à ce qui constitue depuis l'origine le cœur de son engaement : la défense de notre patrie et de la civilisation chrétienne qui l'a façonnée.

C'est parce que ces missions sont jugées d'une évidente actualité par des donateurs qui se sont renouvelés et accrus que, soixante ans après sa création pour répondre à un drame ponctuel de notre histoire, le Secours de France continue d'exister.

Ce livre permettra à ses lecteurs de comprendre pourquoi.

Secours de France 60 ans

Secours de France Roger et Daniel

 

Secours de France
29, rue de Sablonville
92200 - Neuilly-sur-Seine
https://www.secoursdefrance.com/

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8 février 2023

le nouvel ouvrage de Guy Pervillé

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Histoire de la mémoire de la guerre

d'Algérie

le nouvel ouvrage de Guy PERVILLÉ

 

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Pervillé Histoire mémoire guerre d'Algérie

 

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- site de Guy Pervillé

 

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