le système colonial a été profondément injuste (Nicolas Sarkozy)
le système colonial
a été profondément injuste
Nicolas SARKOZY
(...) Je suis venu en Algérie pour bâtir entre nos deux peuples un avenir de solidarité partagée. Parler d‘avenir, ce n'est pas ignorer le passé. Je suis convaincu depuis toujours que pour bâtir un avenir meilleur on doit au contraire regarder le passé en face. C'est d‘ailleurs ce que nous avons fait en Europe.
à l'intérieur d'un système injuste, beaucoup
ont aimé l'Algérie
C‘est le travail de mémoire que je suis venu proposer au peuple algérien. Oui, le système colonial a été profondément injuste, contraire aux trois mots fondateurs de notre République : liberté, égalité, fraternité.
Mais il est aussi juste de dire qu'à l'intérieur de ce système profondément injuste, il y avait beaucoup d‘hommes et de femmes qui ont aimé l'Algérie, avant de devoir la quitter. Oui, des crimes terribles ont été commis tout au long d‘une guerre d‘indépendance qui a fait d‘innombrables victimes des deux côtés. Et aujourd'hui, moi qui avais sept ans en 1962, c'est toutes les victimes que je veux honorer.
Notre histoire est faite d'ombre et de lumière, de sang et de passion. Le moment est venu de confier à des historiens algériens et français la tâche d'écrire ensemble cette page d'histoire tourmentée pour que les générations à venir puissent, de chaque côté de la Méditerranée, jeter le même regard sur notre passé, et bâtir sur cette base un avenir d‘entente et de coopération.
Notre relation n'a pas d'équivalent. Ce n‘est pas qu'une question d‘histoire. C‘est d'abord une affaire de géographie : nous sommes voisins de part et d‘autre d‘une mer qui a toujours été un trait d'union et non une barrière. C‘est enfin et surtout l'intensité unique de la relation entre nos deux peuples. La communauté algérienne est la première communauté étrangère en France. Mais plus important encore, c'est aujourd'hui un français sur dix qui éprouve pour l'Algérie des sentiments très forts parce qu'il y est né, parce qu'il y a vécu, parce que ses parents ou ses grands-parents en sont venus et ont fait le choix de s'établir en France.
L'antisémitisme : le visage de la bêtise et de la haine
Faire le choix d'une pleine intégration dans notre République ne signifie pas renoncer à ses racines. Au contraire : les deux doivent aller ensemble, et c'est ainsi que nous pourrons bâtir dans l'ouverture, la tolérance, le respect de l‘autre, un avenir partagé. En France comme en Algérie, nous devons combattre avec une détermination sans faille toute expression de racisme, toute forme d'islamophobie, toute forme d'antisémitisme. Quand on menace un Arabe, un Musulman ou un Juif en France, on menace la République. Le racisme, l'islamophobie, l'antisémitisme ne s'expliquent pas, ils se combattent. Ce qui vaut pour la France vaut partout ailleurs dans le monde. Il n'y a rien de plus semblable à un antisémite qu'un islamophobe. Tous deux ont le même visage, celui de la bêtise et celui de la haine.
Le peuple algérien, au cours des années 90, a eu à livrer un terrible combat contre la barbarie terroriste. Les terroristes sont des barbares. Le peuple algérien a combattu, seul, au nom de valeurs qui nous sont communes : la tolérance, la liberté, le refus de la violence. Sa victoire sur le terrorisme est un succès majeur qui nous concerne tous, car l'installation à Alger d'un régime de type taliban n'aurait pas été seulement une tragédie pour l'Algérie : elle aurait été une catastrophe pour tous les pays riverains de la Méditerranée.
Je n'ai jamais été de ceux qui ont donné des leçons aux Algériens pendant ces années sombres. D'abord parce que l'Algérie n'a pas de leçons à recevoir. Et ensuite parce que ceux qui lui faisaient la leçon se plaçaient de facto du côté des ennemis de la démocratie. Je dirai demain au Président Bouteflika mon respect pour le courage et la détermination du peuple algérien tout au long de cette épreuve. Je lui dirai aussi la confiance de la France dans l‘avenir de l'Algérie.
Oui, j'ai confiance. Oui, je crois en l'avenir de l‘Algérie. Une Algérie stable et pluraliste, prospère et dynamique, capable de transformer sa richesse d'aujourd'hui en investissements pour demain. Une Algérie où tous les Algériens doivent pouvoir espérer un avenir meilleur. Participer à cette grande ambition est dans notre intérêt. Parce qu'un échec de l'Algérie serait aussi un échec pour la France et serait un échec pour toute l'Europe. Nous devons tous contribuer à l‘avenir de l'Algérie, dans le respect de ses choix et de ses souhaits, avec amitié. Mieux : dans un esprit de fraternité. C‘est pourquoi nous devrons aussi aller plus loin pour faciliter la circulation des personnes entre les deux rives de la Méditerranée.
Nicolas Zarkozy
3 décembre 2007, Alger
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Koléa, rue du Marché à l'époque coloniale
la perception politique
n'épuise pas la réalité historique
Michel RENARD
L'homme politique affronte le passé à travers les éléments historiques constitutifs des identités (nation ou autre...) mais aussi à travers les rapports de force créés à partir des mémoires.
Réclamer, comme les dirigeants algériens, la qualification du passé colonial par les titres de "crime contre l'humanité" ou de "génocide" n'a rien à voir avec l'intelligence historique. C'est un expédient permettant d'éviter le bilan de 45 ans d'indépendance et cultivant un sentiment anti-français comme un dérivatif utile face aux déboires quotidiens dans lesquels se débat la population algérienne.
De son côté, le président français refuse une repentance non seulement parce qu'il n'en accepte pas les présupposés (un bilan univoquement négatif de la période coloniale) mais parce que cela placerait la France en position de faiblesse dans les rapports diplomatiques avec l'Algérie. Il tient compte, en sus, des mémoires catégorielles s'exprimant dans la société française en cherchant à maintenir un équilibre entre elles.
Il en sort donc des formules comme celles du 3 décembre à Alger : reconnaître "l'injustice profonde" du "système colonial" et persister à dire qu'une partie de ses protagonistes "dominants" ont vécu une autre expérience, une relation d'amour avec leur pays de naissance. C'est "mieux" que les diatribes algériennes officielles, mais cela reste de la politique. Et ne saurait rendre compte - ce n'est d'ailleurs pas son objet - de la complexité des interrelations durant la période coloniale.
Affirmer que le "système" colonial (la colonisation ne fut jamais un "système"...) a été "profondément injuste" n'est ni vrai ni faux. À ce niveau de généralité, il s'agit d'une abstraction dont on peut se demander qui la vivait ainsi de 1830 à 1962. Certains ont indéniablement conçu leur destinée dans les termes de l'injustice et de l'oppression : les résistants à la domination coloniale, les militants nationalistes... mais cela n'a jamais fait "un" peuple. La plupart ont probablement vécu dans un autre horizon mental. Car la perception politique d'une situation n'épuise pas, loin s'en faut, la psychologie de la vie quotidienne. Ni les espérances de s'en arracher.
Michel Renard
en Algérie coloniale :
il y eut ceci...
convoi de prisonniers algériens à la suite de
l'insurrection de Margueritte (1901)
mais aussi cela...
intérieur d'un café maure : un "Européen" et des "musulmans"
(carte datée 1902)
hôpital de Tlemcen : l'infirmière et les malades convalescents
la "domination" coloniale ne se réduit pas à la conflictualité
ouverte et permanente
"indigènes" et "Européens" dans ce "marché européen" à Blida
"Européens" et "indigènes" dans ce "marché arabe" à Bône (Annaba)
modestie sociale ce ces "Européens dominateurs"